Le Breton Transat

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On vient d’apprendre qu’un projet audacieux vient de se mettre en place dans le domaine d’études linguistiques. Celui de développer une collaboration entre l’Université Rennes 2 et l’Université de Harvard.

Deux institutions ont signé la semaine dernière un accord. Désormais, la langue bretonne, peu présente jusqu’alors dans l’université américain, y trouve une place plus importante, avec des échanges réguliers de professeurs et une semaine de découverte de la langue.

Harvard est la seule université américaine à disposer d’un département consacré aux Etudes Celtiques. C’est une petite structure qui regroupe trois professeurs et une demi-douzaine d’intervenants, essentiellement historiens et médiévistes. Au sein de ce département on propose en particulier d’étudier les langues celtiques dans tous leurs états, du vieil irlandais à l’écossais moderne en passant par le moyen-gallois.

Nous avons demandé de commenter cette avancée à Yann Bévant qui est le directeur du département d’anglais à l’Université Rennes 2 et enseignant-chercheur au Centre de recherches bretons et celtiques. Ce dernier regroupe les enseignants de breton et d’autres langues celtiques et les enseignants anglais qui s’intéressent à la langue bretonne.

La question principale – qu’est-ce que l’a poussé à chercher les contacts avec le Harvard ?

Yann Bévant. En fait, il faut savoir qu’il y a un département d’études celtiques à Harvard qui existe déjà depuis longtemps et qui organise depuis une bonne trentaine d’années, régulièrement, des symposiums tous les ans, sur la matière celtique. Il y a trois ans, on était invité à des conférences à l’occasion de ce 28ème symposium, ce qui nous a permis de prendre la langue avec les collègues de Harvard, et de développer les relations très cordiales. Il y a deux ans, Catherine McKenna qui est la directrice des études celtiques à Harvard, a eu l’occasion de venir à Rennes en tant qu’observatrice, à l’occasion d’une réunion qu’on a faite avec d’autres universités européennes dans le cadre d’un projet européen. Elle a assisté également au lancement d’ouvrages, qui sont publiés par nos soins. Et d’un ouvrage d’une de nos anciennes étudiantes qui soie revenue vers ses racines bretonnes. A l’occasion de ce déplacement on a approfondi la question qu’on a déjà abordé- la possibilité d’échanges et de collaboration. C’est à cette période-là qu’il est né, l’idée d’une semaine bretonne à Harvard, de l’accord qui vient d’être réalisé aujourd’hui. Qui comprend à la fois cette semaine « bretonne » qui aura lieu régulièrement, à l’occasion du quelle il aura de l’enseignement brut de la langue, et, également, les conférences sur la culture et l’histoire de la Bretagne. D’autre part, d’une manière pérenne, des échanges d’enseignants et d’étudiants autant qu’on a besoin.

LVdlR. Il s’agit, donc, d’un projet pérenne, mais qui ne va pas mettre en place l’enseignement approfondi, plutôt une prise de connaissance avec le breton.

Yann Bévant. Oui, puisque sur une semaine, même quand il s’agit du cours accéléré, même si c’est une semaine très dense, on ne peut pas prétendre faire trois ans d’études. Cela étant, il y avait une demande de Harvard, puisque le breton c’est la seule langue celtique qui ne soit pas dans l’aire anglophone. Que ça soit le gallois, l’irlandais, les langues gaéliques qui se sont trouvés dans le domaine anglophone ; elles se sont trouvés par le jeu de l’histoire coupées de l’ « ile » de Bretagne, même s’il y a eu des phénomènes migratoires importants. Et le breton est resté dans le domaine francophone. Ce qui veut dire que le breton n’était pas présent à Harvard jusqu’à présent, sauf d’une manière extrêmement ponctuelle. Du fait il n’était pas intégré aux études celtiques anglophones.

LVdlR. Vous avez quelques 300 étudiants qui sont inscrits en études celtiques. Comment vous allez choisir ceux qui vont partir à Harvard ?

Yann Bévant. L’idée est que c’est ouvert aux étudiants du Master, puisque le Harvard ne donne que les « post-graduate » Il n’y a pas d’étudiants de 1re, 2eme, 3eme année. Pour ceux qui viennent de Harvard, il s’agira des gens qui ont un intérêt particulier pour la Bretagne. Dans l’autre sens, évidemment, pour ce qui nous concerne, il s’agira de privilégier les projets qui sont particulièrement intéressants. Probablement, en Doctorat, mais cela reste ouvert au Masters également.

LVdlR. Votre projet est unique dans son genre, parce que j’ai appris qu’à l’Université de Nantes il n’y a même pas d’études de breton. J’ai essayé d’avoir leur commentaire – comment ils expliquent ça. Ils n’ont pas de breton, ni gallo non plus. Ils ont un projet « MODIMES » qui initie aux langues rares. Il y a le catalan, mais il n’y a ni breton, ni gallo. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Yann Bévant. C’est un vase débat. La raison pour laquelle le breton est très présent à Rennes est lié au fait qu’il y a une chaire de breton crée a l’orée du XX siècle. Les études celtiques sont présentes à Rennes depuis plus d’un siècle aujourd’hui. Ce qui explique le dynamisme du département du breton.

Il y a un autre aspect qui est politique. Le fait est que depuis le gouvernement de Vichy la Loire-Atlantique ne fait plus partie de la Bretagne administrative.

LVdlR. Vous pensez que c’est la suite de la politique de Vichy ?

Yann Bévant. Je n’irai peut-être pas jusque-là. Ça serait de faire un très mauvais procès à la République. Mais, de fait, dans la mesure où Nantes et le département de Loire-Atlantique dépend d’une région qui n’est pas la Bretagne administrative, cela veut dire que le rapport à la langue et à la culture devient tout de suite un peu compliqué. Il y a une forte présence de la culture bretonne dans la région nantaise, c’est indéniable. Autant, ces dernières années, si vous regardez, le Conseil Régional de Bretagne a accompagné les efforts sur la langue, a contribué aussi à faciliter l’épanouissement de la culture bretonne, autant c’est plus compliqué pour la région Pays de la Loire. Puisque seul département qui puisse se revendiquer d’origine bretonne, c’est la Loire-Atlantique. Les autres auront une autre histoire.

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