Kerry-Lavrov-Rohani, subtilités diplomatiques sur le dossier syrien

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Tout d'abord apparaît une notification avec mention "urgent" envoyée par les services de presse de l'Onu : une "opportunité photo" de rencontrer les ministres des Affaires étrangères russe et américain après leur entretien en marge de l'Assemblée générale.

Tout d'abord apparaît une notification avec mention "urgent" envoyée par les services de presse de l'Onu : une "opportunité photo" de rencontrer les ministres des Affaires étrangères russe et américain après leur entretien en marge de l'Assemblée générale.

L'opportunité photo signifie : prendre des photos et partir sans poser de questions. Les résultats de l'entretien ne sont pas divulgués. Mais ils s'inscrivent dans le cadre général. Ce cadre n'est pas seulement "syrien", il est bien plus large, et l'Iran y apparaît de manière la plus sérieuse. Quant à la rencontre, Kerry-Lavrov ont tout de même dit quelques mots à son issue.

Le travail avance

Si après une rencontre les diplomates s'étendent longuement sur leurs différends, alors les choses vont mal. Lorsqu'ils se quittent en silence et très mystérieux, alors ils ont réussi à s'entendre sur quelque chose. Et les observateurs commencent à décrypter les accords convenus. Alors quelles accroches avons-nous ?

En ce qui concerne la Syrie, les USA et la Russie continueront à avancer conformément à l'accord Kerry-Lavrov convenu à Genève les 12-14 septembre, a très brièvement déclaré aux journalistes russes Lavrov. Cela signifie que d'abord l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques adopte son document, puis le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution et ensuite démarre la procédure de destruction des armes chimiques (toutes les AC en Syrie, sans oublier l'opposition).

Question d'un journaliste: est-ce que les USA insistent toujours sur une résolution "sévère" du CS ?

Réponse de Lavrov: j'ai déjà dit qu'on avançait conformément à l'accord de Genève.

(Qui ne prévoit aucune action militaire automatique sans l'autorisant du CS.)

Dans ce cadre s'inscrit également un autre mouvement brownien à l'Onu, par exemple, la rencontre de Lavrov avec l'émissaire de l'Onu pour la Syrie Lakhdar Brahimi, qui ont évoqué la conférence à venir à Genève appelée à mettre fin à la guerre civile et établir un nouveau gouvernement en Syrie.

Du côté américain on présente la situation de manière suivante : Kerry et Lavrov ne se sont pas entendus sur le texte de la résolution du CS, mais ils continuent à travailler sur le règlement dans l'ensemble. Y compris sur le texte de la résolution. Il est à noter que ce travail avance à plein régime. On verra plus tard la philologie.

Evidemment, les USA sont conscients qu'il n'y aura aucune formulation dans la résolution à l'instar de celles qui ont permis d'attaquer la Libye. Moscou et Pékin l'empêcheront. Mais une résolution est nécessaire. Ce qui nous amène à une conclusion très simple : les Etats-Unis ont autant besoin que la Russie (si ce n'est plus) que le conflit syrien cesse. Mais ils ont leurs propres "lignes rouges".

Revoyons le discours d'hier de Barack Obama à l'Onu – sa position syrienne y était clairement définie. Il faut une "résolution forte", en effet, mais laquelle – cela reste à convenir. Le président a également dit que les actions militaires ne réglaient pas les choses, l'Amérique et les autres ne peuvent pas décider qui dirigera la Syrie, mais… Bachar al-Assad doit partir. Obama est très déterminé à ce sujet.

En regardant l'évolution de la position américaine concernant la Syrie, qui a commencé par le soutien inconditionnel de son "opposition" – sans préciser de quelle opposition il s'agit concrètement – on constate que le départ d'Assad est le dernier bastion d'Obama. Sans cela il perdrait la face. Alors que la Russie ne cherche pas du tout dans cette histoire à anéantir moralement l'Amérique et à faire perdre la face à son président. Les deux pays doivent élaborer un mécanisme de travail commun même en présence de différends, voici ce qui est plus important que tout le reste.

En ce qui concerne Assad, l'accord de Genève Kerry-Lavrov explique qu'il faut empêcher l'effondrement instantané du gouvernement syrien. Et une transition progressive du pouvoir – tout reste possible.

La couleur de la barbe a de l'importance

Le fond de toute cette diplomatie de l'Onu autour de la Syrie est que le conflit est bien plus large, il concerne de nombreux Etats. En fait, la Russie et les Etats-Unis cherchent ensemble à empêcher une grande guerre dans tout le Moyen-Orient, et ses principaux figurants sont l'Arabie saoudite avec le Qatar, la Turquie et l'Iran.

En fait, c'est précisément le problème de Moscou et de Washington – les événements ont évolué sans influence directe et décisive aussi bien de l'un que de l'autre. Or c'est nécessaire afin de reprendre les rênes de cette charrette qui mène droit vers une guerre. Et il serait peut-être plus pratique de le faire ensemble que chacun de son côté.

Dans ce sens, les événements les plus marquants à l'ouverture de la session de l'AG de l'Onu ne se produisent pas autour de Lavrov ou de Kerry. Il ne faut pas oublier un autre personnage mystérieux – le président iranien Hassan Rohani. On a l'impression que toute la presse qui suit la diplomatie internationale ne parle que de lui.

L'ancien président Ahmadinejad avait une barbe noire et était très méchant et faisait des tacles aux Américains. Alors que Rohani a une barbe blanche, il est gentil et s'exprime très calmement. Il a également publié un article récemment dans le Washington Post… Et il rencontre beaucoup de gens à l'Onu, après tout c'est intéressant pour tout le monde. Un pays isolé ? Ce n'est certainement pas l'Iran.

Le milieu d'experts américains a explosé à la veille de son arrivée – il s'avère que beaucoup d'Américains souhaiteraient voir cesser cette situation anormale où les Etats ne communiquent pas depuis 1979. L'intitulé le plus typique est "Donnez une chance à l'Iran".

Rohani a prononcé son discours à la tribune de l'Onu pratiquement en même temps que Lavrov et Kerry discutaient à côté. La délégation israélienne a, à son habitude, boycotté l'événement, et c'est dommage. Rohani a appelé à la paix, contrairement à son prédécesseur il a reconnu l'holocauste… C'est tout pour l'instant.

Sans oublier l'épisode lorsque quelqu'un de l'entourage d'Obama a eu l'idée d'organiser une rencontre entre les deux présidents. Une poignée de mains et quelques mots. Ce serait un événement historique – première fois depuis 1979. Mais les collaborateurs de Rohani ont poliment refusé cette invitation : c'est encore trop tôt.

Mais il ne sera pas trop tôt lorsqu'à ce même endroit, à l'Onu, se tiendra cette semaine la réunion des six médiateurs (les cinq membres permanents du CS et l'Allemagne) depuis longtemps en négociations avec Téhéran concernant ses programmes nucléaires. C'est alors que tout le monde verra si l'Iran est vraiment prêt à dialoguer à ce sujet, et cela aura une certaine relation avec la participation de l'Iran au règlement de la crise syrienne. Car il est clair qu'on ne pourrait se passer de l'Iran, ni de l'Arabie saoudite, d'ailleurs. Après tout, ce sont les véritables parties du conflit, et non les Syriens.

La diplomatie saoudienne reste silencieuse dans cette histoire, et celle d'Israël est, au contraire, très retentissante, les deux pays ne sont pas satisfaits par la situation. Mais Obama a déjà insinué qu'il pourrait lever les objections contre la participation de l'Iran à la conférence de Genève sur l'avenir de la Syrie. Or c'est un grand changement pour l'Amérique. Cela pourrait signifier qu'il existe une chance non seulement pour des accords sur la Syrie à terme, mais aussi pour une nouvelle politique mondiale dans tout le Moyen-Orient et pas seulement.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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