Nucléaire: l’accord russo-hongrois et son intrigue

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La semaine dernière, seul un cercle de personnes très restreint savait que le premier ministre hongrois Viktor Orban se rendrait à Moscou le 14 janvier et qu'à l'issue de son entretien avec le président russe Vladimir Poutine, un accord stratégique serait conclu : d'ici 2023, Rosatom construira deux nouveaux réacteurs d'une puissance totale de 2 200 MW à la centrale nucléaire de Paks, à 100 km au sud de Budapest.

La semaine dernière, seul un cercle de personnes très restreint savait que le premier ministre hongrois Viktor Orban se rendrait à Moscou le 14 janvier et qu'à l'issue de son entretien avec le président russe Vladimir Poutine, un accord stratégique serait conclu : d'ici 2023, Rosatom construira deux nouveaux réacteurs d'une puissance totale de 2 200 MW à la centrale nucléaire de Paks, à 100 km au sud de Budapest. La Russie financera cette construction par un crédit allant jusqu'à 10 milliards d'euros étalé sur 30 ans.

Les détails de l'accord intergouvernemental n'ont pas encore été dévoilés mais les représentants officiels ont déjà annoncé que les contrats entre les compagnies russes et hongroises, ainsi que les conditions du prêt, seraient fixés dans les mois à venir.

Le gouvernement hongrois a mis cinq ans pour conclure cette transaction, dans un contexte de débats politiques nationaux intenses sur l'avenir énergétique du pays. Il y a deux ans Budapest avait même adopté une stratégie pour réduire la dépendance énergétique du pays envers la Russie. Au final le communiqué annonçant que la Hongrie renonçait à lancer un appel d'offres, prenait le risque d'avoir des problèmes avec l'UE, avait mené des négociations secrètes avec Moscou et accepté de signer des accords intergouvernementaux à trois mois des législatives a donc eu l'effet d'une bombe à Budapest.

"Tout le monde est surpris. Encore récemment personne ne considérait Viktor Orban comme un ami de Moscou, notamment car il a tenu de nombreux propos antirusses. Beaucoup de membres de son propre parti ont donc été très étonnés", témoigne Agoston Mraz, directeur du centre politologique Nezopont, proche du gouvernement hongrois.

La grande stratégie

Les médias et les experts hongrois usent de tous les superlatifs pour évoquer l'importance de cette transaction.

"En termes de grande stratégie c'est probablement l'événement le plus important des quatre années du gouvernement Orban. Avec la présidence de l'UE en 2011 cette transaction, si elle avait lieu, aurait une importance stratégique colossale aussi bien sur le plan géopolitique que pour la politique nationale et de sécurité", analyse Andras Racz de l'institut d'Etat des affaires internationales. "Le gouvernement a atteint son objectif, c'est un succès", ajoute-t-il.

Selon les prévisions de Racz, le montant de la transaction s'élèverait à 25-40% des revenus de l'Etat hongrois.

"Cela représente énormément d'argent, constate-t-il. A en juger par son montant, l’accord sera déterminant dans les relations russo-hongroises pour les 30 prochaines années au moins, car ce crédit devra être remboursé."

"La visite éclair d'Orban à Moscou a été annoncée seulement lundi et en une journée ou presque, le premier ministre a mis sous caution la moitié du pays", critique la revue libérale germanophone de Budapest Pester Lloyd.

La Russie amorce une percée en Europe

L’événement est aussi important pour l'industrie nucléaire russe et, dans un sens plus large, pour les positions de la Russie en Europe à long terme.

"L'Europe est un grand marché énergétique et beaucoup de pays comptent développer l'énergie nucléaire en dépit de tout. C'est l'occasion pour la Russie de montrer la fiabilité de ses réacteurs sur le territoire d'un pays membre de l'UE", remarque Alexandre Ouvarov, président du centre de recherche Atominform. Selon lui, les centrales nucléaires restantes en Europe depuis l'époque soviétique et le Conseil d'assistance économique mutuelle apportent de bonnes positions de départ, mais Rosatom n'avait encore jamais réussi à construire de nouveaux réacteurs russes en Europe.

C'est seulement en décembre dernier que Rosatom a signé un premier contrat en Finlande pour la construction de la centrale nucléaire Hanhikivi 1. La Russie possédera 34% des actions et fournira du combustible et des services de maintenance pendant ses 60-80 années d’exploitation. Les contrats à long terme avec la Hongrie sont donc les deuxièmes sur la liste.

Alors que l'appel d'offres pour la modernisation de la centrale nucléaire tchèque s'attarde et que le projet de construction d'une centrale nucléaire en Bulgarie est gelé, ces deux événements sont fondamentaux pour l'industrie nucléaire russe en Europe, estime Alexandre Ouvarov.

L'intrigue avec Bruxelles

L'une des principales questions qui planent sur l'accord russo-hongrois est de savoir si Bruxelles avait donné son consentement ou non. La porte-parole de la Commission européenne Sabina Berger a déclaré mercredi que la transaction serait examinée prochainement par les experts pour déterminer si elle répond bien aux normes législatives de l'UE en matière de commandes publiques.

Le gouvernement hongrois envoie parallèlement des signaux laissant comprendre que la transaction était préalablement approuvée par l'UE. Selon l'agence Reuters, le ministre d'Etat hongrois Janos Lazar a déclaré mardi que l'accord avait été convenu avec la Commission européenne.

Cependant Andras Deak, spécialiste en politique énergétique à l'Institut de politique internationale de Budapest, remet en doute les déclarations de son gouvernement affirmant que l'approbation de l'UE est déjà acquise.

"En général Bruxelles ne donne pas d'approbations préalables", affirme Deak. Il suppose que certains problèmes vont survenir, notamment à cause de la loi sur la concurrence, étant donné qu'il n'y a pas eu d'appel d'offres et qu’il reste de "sérieuses questions" sur le monitoring financier de la transaction, car elle augmente la dette extérieure de la Hongrie de plus de 10%. Cependant, le gouvernement Orban pourrait régler ces problèmes, a-t-il affirmé. "Je pense que Bruxelles acceptera cette transaction", conclut Andras Deak.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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