Ukraine, pomme de discorde

Ukraine, pomme de discorde
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Les semaines passent sans que la situation en Ukraine, nouvelle pomme de discorde en plein centre de l’Europe, ne s’améliore. Cette pomme que l’on nous présentait comme juteuse, appétissante, riche en divers mouvements les uns plus démocratiques que les autres, est en réalité aussi véreuse que venimeuse. Autant que celle qui fut proposée par la Reine Regina à Blanche-Neige pour l’endormir à tout jamais. Les USA, autant que leur éternel complice, Bruxelles, voulaient endormir les autorités russes et, en partie, ukrainiennes, en insistant dès le début sur les bénéfices que pourraient tirer Kiev de son adhésion à la zone européenne de libre-échange. Comme Ianoukovitch répondit finalement par la négative, un véritable putsch eut lieu. Comme par hasard, à la veille de la clôture des JO.

Les coïncidences n’ayant aucun sens face aux enjeux de taille, il est clair que le renversement du gouvernement Ianoukovitch intervint au moment où la Russie était plongée dans la célébration de Sotchi. Il est non moins clair, en outre, que les arguments exhibés par les européistes ne constituent qu’un vaste leurre puisque le désastre économique de l’Ukraine superposé à son éventuelle adhésion économique à une UE au mieux stagnante, au pire, récessive, est un piège dont les deux camps n’auront aucune chance de sortir. Cette conclusion n’est fausse que dans un seul cas : si l’Ukraine, en tout cas celle de l’Ouest, se transforme en un immense réservoir à main-d’œuvre très-très bon marché prête à exporter son gaz et son pétrole à des prix nettement inférieurs à ceux du marché. L’Allemagne serait au septième ciel mais avant que cela n’arrive, il lui faudra verser, volens nolens, une coquette somme de 35 milliards d’euros à un futur gouvernement de un, illégitime, de deux, incapable de rembourser une somme empruntée au FMI sachant déjà que la dette publique du pays est supérieure à 30 % de son PIB. C’est donc une Ukraine criblée de dettes et privée de ses industries, ces dernières se trouvant pour la plupart dans l’Est du pays, que l’UE aura à gérer.

L’objectif des USA est trivial : l’Ukraine doit s’otaniser coûte que coûte. Pour ce faire, le chaos qui est orchestré un peu partout dans le pays, plus dans la partie Ouest, est une étape intermédiaire précédant l’aboutissement du processus engagé. Si donc l’Ukraine ne fait pas scission et que la Crimée conserve son statut actuel, demain, la Mer Noir sera à la merci de l’OTAN. La Russie a tout à y perdre, notamment, sur le plan géopolitique et idéologique, en tant qu’axe antagoniste au bloc atlantiste. Cette perspective est d’autant plus réaliste que la Verkhovna Rada, équivalent de la Douma russe, parle déjà de liquider le Berkout, groupe d’intervention spécial de la police que l’on a vu intervenir au Maïdan. Cette liquidation, si elle intervient, désarmera définitivement l’Ukraine. Consciente du danger qui la guette, oubliant son litige avec la Russie par rapport à l’île de Touzla, Kertch n’a pas hésité à hisser la veille le drapeau russe. Partout, de la mer d’Azov au Boudjak (région d’Odessa), des mouvements de résistance pro-russe s’organisent. Face à un chaos traditionnellement importé par les mêmes instigateurs, il n’y a plus guère d’autre solution que la solution armée. Les fantoches ne passeront pas.

Si les motivations des USA et de leur valet, Bruxelles, semblent évidentes, il est à se demander comment les pays de l’UE, la Pologne et l’Allemagne plus particulièrement, pensent faire face à la racaille néo-nazie présente sur le terrain. Il n’est plus question du boxeur Klitchko déjà impressionné par le simple fait de serrer la main à Mme Merkel mais d’une horde russo-judéo-européophobe partagée entre le parti Svoboda, les partisans de Bandera et le « Secteur droit », une sorte d’antiparti remarquablement organisé sous l’égide d’un certain Dimitri Yarosh qui s’est enfin manifesté au grand jour. Le fait d’instrumentaliser le nazisme quand il le faut tout en rendant un véritable culte à la Shoah et à la loi Gayssot est tellement typique des comportements bruxellois qu’il confirme cette conclusion d’Aymeric Chauprade selon laquelle l’UE est un facteur de guerre. Le retour de manivelle ne se fera pas attendre.

Je soumets maintenant à votre attention la vision d’Allain Jules, journaliste indépendant et politologue, qui s’est exprimé sur nos ondes.

La VdlR. « Certains experts ont tendance à croire que les intérêts de l’UE et des USA dans le contexte de ce qui se passe actuellement en Ukraine ne coïncident pas. L’UE voudrait de l’Ukraine dans la mesure où il s’agit d’une zone pivot par où passent un nombre important d’oléoducs et de gazoducs. Les USA voudraient quant à eux d’une zone otanisée pour déstabiliser la Russie à ses frontières. Partagez-vous ce double diagnostic ?

Allain Jules. Oui, quelque part. Ce qui est sûr, et beaucoup d’observateurs ne le savent peut-être pas, c’est que l’Ukraine est le plus grand pays d’Europe. Les USA veulent évidemment que l’OTAN soit présente dans cette grande zone d’influence, entre autres pour déstabiliser la Russie, d’autant plus que cette dernière lui est hostile. Quant à l’intégration économique, je ne crois pas vraiment qu’il s’agisse d’un but réel. J’ai bien peur que l’Ukraine, sous le giron de l’UE, ne devienne une sorte de Grèce. En réalité, c’est beaucoup plus les intérêts militaires qui comptent pour les USA et notamment les pays européens parce que, à bien regarder le dossier, l’UE n’a proposé qu’un accord commercial à l’Ukraine contrairement à la Russie qui proposait des milliards de dollars de crédit. J’ai plutôt l’impression que les Ukrainiens qui se disent pro-européens et surtout nationalistes sont en train de se tromper de combat et risquent de vivre une période très difficile.

La VdlR. Les principaux fauteurs de trouble inspirateurs du Maïdan sont des néo-nazis invétérés, si bien qu’on peut parler d’un soulèvement nazi généralisé. Comment est-ce que l’UE pense dompter ces gens-là, eux qui en réalité n’ont rien à faire des quatre volontés de Bruxelles ?

Allain Jules. Le problème est simple. On en a vu l’exemple en Libye et en Syrie. J’ai l’impression que les gens qui sponsorisent des radicaux ne réfléchissent pas. Ils sont prêts à s’allier avec n’importe qui, même, en Afrique et au Moyen-Orient, avec des islamistes, à armer ces gens-là, pourvu qu’ils atteignent leur but, c’est-à-dire renverser le pouvoir en place, menacer la souveraineté des pays visés, s’accaparer du pouvoir. Svoboda, par exemple, est un parti d’extrême-droite. Ses adeptes sont d’une violence inouïe. Faut-il rappeler que ces gens ont notamment détruit un monument dédié aux soldats qui ont lutté contre le nazisme en Ukraine ?! Et pourtant, fait symptomatique, la presse occidentale n’en parle pas. On retrouve le même type de désinformation que celui qui fut mis en l’œuvre en Libye et, cette fois, en Syrie, la même volonté de faire tomber un chef d’Etat légitime, Viktor Ianoukovitch en l’occurrence, lui qui est plutôt proche de Moscou. C’est donc un combat idéologique qui est mené avec, à terme, un réveil douloureux.

La VdlR. Quel pourrait être le sort ultérieur de Ianoukovitch ? Croyez-vous que la scission de l’Ukraine soit la seule solution envisageable ?

Allain Jules. Il y a en effet de réels soupçons par rapport à une éventuelle scission, notamment du côté de la péninsule de Crimée avec, pour noyau dur, Sébastopol. J’ai eu hier des amis ukrainiens au téléphone. Pour eux, Viktor Ianoukovitch est un traître. Il les a trahis parce qu’il est faible, parce qu’il est Président élu mais a fait preuve de faiblesse en laissant Maïdan s’embraser. Il aurait pu faire encercler les protestataires, empêcher les ravitaillements de circuler, faire couper l’électricité dans cette zone, évacuer les riverains, etc., autant de méthodes classiques et tout à fait pertinentes. Donc, oui, Ianoukovitch est un traître. Une scission du pays n’en demeure pas moins probable. Je crois d’ailleurs qu’il y a eu des manifestations hier dans l’Est et le Sud, parties de l’Ukraine russophiles qui disent préférer faire allégeance à la Russie qu’à un gouvernement – je reprends leurs mots – de brigands casseurs. On attend ainsi l’évolution des choses, entre autres la réaction de Moscou qui ne devrait pas tarder puisque la clôture des JO de Sotchi a déjà eu lieu hier (…) ».

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