Moscou – Tarifa en vélo !

Moscou – Tarifa en vélo !
S'abonner
Voyager est sans doute la meilleure façon d’appréhender autrui. Je suis solidaire du légendaire musicien français Manu Chao qui disait que c’est dans les rues qu’on se frottait à l’identité d’un pays, tant esthétique que politique, tant mystique qu'économique… Voyager c’est « lire » le monde, apprendre la tolérance, développer l’intelligence et enfin c’est, tout simplement, se trouver. Pour beaucoup qui s’adonnent au globe-trotting, voyager devient une philosophie, un mode de vie comme tout autre.

Anton Samartsev, financier de Novossibirsk, qui a effectué un voyage extraordinaire à travers l’Europe en vélo, a en subi tous ces effets positifs. Anton a entamé son voyage à Moscou en juillet 2013. Quatre mois plus tard, plus précisément, 112 jours plus tard, il a atteint Tarifa (en Espagne), pointe Sud de l’Europe en passant en vélo par 12 pays : Russie, Ukraine, Moldavie, Roumanie, Bulgarie, Grèce, Albanie, Italie, Suisse, France, Espagne et Portugal. C’est l’envie de casser la routine, de quitter son « cocon » qui a poussé le Sibérien à se rendre en Europe à vélo.

A.S. : « Avant le voyage, j’ai beaucoup réfléchi si je devait aller en Europe en moto, en voiture, à pied avec un sac à dos ou en vélo. Et finalement j’ai jeté mon dévolu sur le vélo. Mon choix était influencé dans une certaine mesure par l’expérience du voyageur russe Vladimir Lyssenko, président de l’Union des globe-trotters de Russie, qui a fait le tour du monde à vélo, à moto, à bus... En Russie, les cyclistes sont bien nombreux. Grâce à ce voyage, j’ai découvert moi-aussi cette culture du voyage en vélo. Quand la vie est limitée par la voiture, le travail et la maison, tu ne vois que cela et tu ne vois pas le monde qui est vraiment merveilleux…

Il est clair que pour un tel voyage, il faut être en bonne santé physique. Deux mois avant le voyage, je m'entraînais chaque jour : je faisais du jogging, j’allais dans une salle de sport. J’avais déjà voyagé en Europe avec mes amis, mais cette fois-ci, je suis parti de Moscou tout seul. Je n’avais aucune envie de prouver quelque chose à quelqu'un, je suis, tout simplement, parti pour voir le monde « de près ». Je n’ai pas eu peur de partir seul puisque je suis bien avec moi-même. Vélo est fait pour ceux qui ne s’ennuient pas sans compagnie. En Europe, beaucoup voyagent comme ça, en vélo. C’est un moyen écologique, bon marché, tu vis chaque instant du voyage, et tu couvres de grandes distances. Le terrain change devant tes yeux. Certes, les dépenses physiques sont grandes, ce n’est pas fait pour tous, mais le vélo ou la moto donnent la sensation inoubliable du voyage. Tu participes directement à tous les événements : nouvelles connaissances, nouveaux lieux, la végétation – tout cela tu le ressens de manière très intense. L'Espagne, par exemple, est restée dans ma mémoire comme un pays « piquant », là, tout pique – les arbres, l’herbe.

Pour moi, tout c’est très bien passé, j’ai réussi à éviter les problèmes graves. Les gens que je rencontrais, étaient chaleureux, ils s’intéressaient toujours à moi et m’aidaient. La lutte avec soi c’était le plus grand obstacle pour moi. Il y avait des moments difficiles du point de vue physique et moral. Quand il y avait de longues montées, il fallait faire vraiment un effort physique ainsi que moral. Une fois parti de Moscou, je me demandais comment j’allais répondre aux questions éventuelles des garde-frontières, par exemple, bulgares ou roumains, comment leur expliquer que j’allais en Espagne via la Roumanie, mais personne ne m’a posé une question. Quand je disais que j’allais de Moscou en Espagne, je ne voyais que l'approbation et les sourires. »

Evidemment, pour voyager sans ressentir de l’inconfort, il faut surtout surmonter la barrière de la langue. Anton raconte comment il a pu l’a vaincre et pourquoi il n’a pas pu bien découvrir la France :

A.S. : « Mon anglais n’est pas parfait, mais peu à peu, j'ai cessé d'éprouver de l'inconfort à ce sujet. Premièrement, sans parler la langue, on peut montrer sur les doigts les besoins principaux: boire, dormir, manger. En route, dans des grandes villes, je descendais dans des auberges de jeunesse, là où il y avait toujours une occasion de communiquer, je nouais des relations avec des gens intéressants, et j'ai enfin surmonté cette barrière linguistique.

Je suis également passé par la France. Je suis parti de Genève vers les Pyrénées, envisageant de traverser la France jusqu'à l'Atlantique. Mais en septembre, tout à coup, le froid est arrivé, le givre est apparu sur l'herbe. J’ai donc changé de route et je suis allé plus au Sud. Ainsi, j'ai pris de l’avance sur l'automne. Pour ce qui est des paysages, des villes de France, j'ai beaucoup aimé tout cela. La seule chose m’étonnait, par contre : lorsque je traversais la France, les gens me répondaient toujours en français. Je voyais qu'ils comprenaient ma question en anglais, mais ils ne me répondaient toujours qu’en français. Et, malheureusement, je ne parle pas cette langue, donc je n’ai pas pu vraiment prendre contact avec les Français en France… Seul Augustin, un Français que j’ai connu dans un camping à Alexandroúpolis, m’a paru très intéressant, lui il me parlait en anglais. Il voyageait aussi à vélo, depuis 4 mois déjà… ».

Anton a dû également constater que les pays du Sud de l’Europe dont la Grèce et l’Espagne souffrent gravement des conséquences de la crise économique qui frappe toujours l’UE.

A.S. : « J'ai remarqué des lourdes conséquences de la crise économique en Espagne et en Grèce. En Grèce, cela se sentait très nettement : quand je passais par de petites villes, il m’arrivait de ne pas voir du monde du tout, les vitrines des magasins étaient vides, sur les maisons il y avait des affiches « à louer ». En Espagne, c’est presque la même chose. Quand j'ai lié la conversation avec une Espagnole qui m’a aidé à apporter de l'eau, elle m'a demandé ce que je faisais dans la vie. J'ai raconté que j’avais été financier et que j’avais laissé le boulot pour voyager. Elle m'a répondu alors qu'en Espagne, les gens ne pouvaient pas se le permettre car il y était très difficile de trouver du travail et les gens qui en avaient, y tenaient beaucoup. Démissionner comme ça - c’est un luxe inadmissible. Là, il y avait aussi beaucoup de bâtiments vides, de locaux à louer. »

A la question si le voyage à travers l’Europe l’a beaucoup changé, Anton nous a confié qu’il l’a « arrondi » :

A.S. : « Naturellement, ce voyage m'a beaucoup changé. J'aime l'idée, que j’avais trouvée dans un livre : le voyageur est comme la pierre que l'eau arrondit. Moi-même, je suis devenu plus doux. Il me semble que les gens qui voyagent n’ont pas d’« angles». J’ai perdu le besoin de prouver quelque chose à quelqu'un. En réalité, l’homme a besoin de peu de choses. Pendant 4 mois, j’ai dormi sous une tente, me nourrissais de nouilles au thon et j’étais absolument heureux. Les vérités simples se sont ouvertes à moi. Les gens sont les mêmes partout, quel que soit leur pays d’origine. Les valeurs humaines, la bonté sont inhérentes à tous, sans exception. Pour moi, c'est devenu évident. Il suffit tout simplement d’avoir un esprit positif, d’être une personne ouverte. Le voyage aide à changer, s'il y a un tel désir. Il polit la conscience. Physiquement aussi, tu commences à comprendre de quoi tu es capable. Tout ce que j'ai compris en route, cela reste dans ma conscience - comment je me comporte et comment je parle – tout cela est le fruit de cette expérience accumulée. »

A l’issu de notre entretien, Anton nous a fait part de ses projets pour un avenir proche et a appelé les étrangers à venir en Russie pour voyager et pour découvrir sa culture et faire connaissance avec le peuple russe qui est très chaleureux !

A.S. : « Les étrangers, vous êtes toujours bienvenues en Russie! Ici, il y a également beaucoup de possibilités pour le voyage. Nous, les Russes, nous sommes très chaleureux. Les gens ici sont capables de donner à un étranger la dernière chemise, on ne vous laissera pas souffrir si vous avez besoin d’aide. Je pense que, même chez nous, on peut voyager à vélo malgré les distances. Le Transsibérien est aussi une très bonne idée. Moi, je suis pour des échanges culturels. Au fait, pour ce qui est de mes projets, je vais bientôt visiter Paris : ma mère aura 60 ans en été. Elle a toujours rêvé de voir Paris. Je veux lui offrir ce voyage et y aller avec elle. »

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала