Bataille de sanctions entre la Russie et l’UE : et après ?

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Jamais un sommet de l'Union européenne n'avait ressemblé à ça: lors du dîner des 28 chefs d’Etat de l'UE jeudi dernier, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, n'a admis aucun conseiller ou assistant.

Jamais un sommet de l'Union européenne n'avait ressemblé à ça: lors du dîner des 28 chefs d’Etat de l'UE jeudi dernier, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, n'a admis aucun conseiller ou assistant. Il a également exigé qu'aucun appareil mobile ou électronique ne soit apporté au dîner et pendant les autres réunions du sommet.

Il serait intéressant de connaître la teneur des conversations qui ont eu lieu lors de cette réunion à huis clos, mais également de savoir si la sécurité a véritablement fouillé les dirigeants européens à l'entrée et quelles ont été les mesures prises à l'encontre de ceux qui possédaient des appareils électroniques. Pourquoi une telle confidentialité? Pour que le public ne sache pas ce que les dirigeants de certains pays de l'UE disent et pensent au sujet des sanctions contre la Russie suite aux événements en Crimée.

Tout est clair avec la Crimée

Les chefs d’Etat européens ont tous leur propre point de vue - et ne sont pas d'accord. Selon les résultats annoncés vendredi à l'issue du sommet, il est clair qu'en réalité des sanctions sérieuses et communes à toute l'UE n'ont pas pu être adoptées. Mais les dirigeants européens ne pouvaient pas se quitter sans appliquer de nouvelle sanction et, comme attendu, ils ont élargi la liste noire des Russes interdits de séjour en UE à 33 individus.

Comment s’appelle une situation où l’on doit agir sans le vouloir? C'est une situation où beaucoup d'aberrations ont déjà été commises et il ne reste plus qu'à reconnaître que c'était une erreur ou alors, comme aujourd'hui – feindre que tout a été fait correctement et que les sanctions ont un sens.

Dans le cas présent, il s’agit de reconnaître l'échec de la ligne suivie depuis 23 ans: celle de l'européisation de la Russie sous le diktat d'une "Europe collective" ou d'un "Occident collectif".

Le plus intéressant dans les résultats du sommet est la signature de la partie politique d'un accord d'association entre l'UE et l'Ukraine (une déclaration); la réflexion sur la réduction de la dépendance gazière de la Russie (jusqu'à l'été) ; et la "liste des 33".

En fait, le sommet n'était pas consacré aux événements qui ont déjà eu lieu en Ukraine mais à ceux qui pourraient encore se produire. Des sanctions contre Moscou ont effectivement été élaborées mais dans le cas où la Russie souhaiterait annexer d'autres territoires au sud-est de l'Ukraine.

Tout cela est effectivement un sérieux problème pour l'Europe, notamment le fait que les autorités de Kiev font effectivement tout pour repousser le sud et l'est, voire provoquer un conflit. Et la Crimée… certains articles ont déjà mentionné qu'en réalité Kiev était ravi de ne plus avoir affaire à un territoire où la population est clairement prorusse.

Le cirque et les clowns

Les sanctions mutuelles entre les Etats-Unis et la Russie étaient déjà tombées deux jours plus tôt. Les USA ne sont pas l'Europe et les intérêts américains sont très éloignés des affaires crimo-ukrainiennes: l'échange d'interdictions et de listes noires s'est donc transformé en véritable cirque. Les Etats-Unis et la Russie ont adopté une liste noire et ceux qui y figurent en plaisantent et en rient. Et il y a de quoi: le vieux clown du conservatisme américain, le sénateur John McCain, frappé par les sanctions russes…

Les Etats-Unis n’ont qu’un faible intérêt économique en Russie et sont éloignés géographiquement de l'Europe de l'est : il s’agit d’idéologie. D’un remue-ménage inutile pour les électeurs qui vivent encore un conte de fées amusant, où il est existe encore une Amérique toute-puissante, leader en Europe et ailleurs. Dans ce conte de fées, en dehors de la "communauté internationale", il n'existe qu'une poignée de "dictateurs" terrifiés à l'idée de subir des sanctions… Lorsqu'on montre ce conte de fées dans les réalisations hollywoodiennes (qui a souillé même les contes sur Blanche-Neige et Alice au pays des merveilles avec l'idéologie américaine, en faisant de ces filles fragiles des combattantes contre la "dictature"), c'est tout simplement répugnant. Mais dans la vie réelle…

Dans la vie réelle, par exemple, on débat des sanctions comme outil de la politique étrangère. Un article du Foreign Affairs écrit que la Russie n'est pas l'Iran et que les sanctions ne permettront pas de l'anéantir. Le fait est que les Américains s'obstinent à croire que les sanctions contre l'Iran ont été efficaces - ils en parlent depuis longtemps tout en se contredisant. Mais reconnaître qu'il a été inutile de faire pression sur l'Iran depuis des années et que de nombreux autres pays ne craignent pas les sanctions serait une révolution, pas dans les consciences mais dans la mesure où certaines choses peuvent être dites ou non à voix haute. Et les révolutions sont toujours désagréables.

Une refonte totale de l'Amérique est nécessaire depuis longtemps. Mais le système en place empêche Barack Obama d’être le nouveau Mikhaïl Gorbatchev. Malgré ses efforts pour ne pas se retrouver pris en otage des erreurs accumulées depuis des années et des décennies, ou de la puissante inertie des décisions antérieures portant sur l'Iran, la Syrie et la Russie, il est incapable d'organiser une "perestroïka" rapide et intégrale.

On ignore combien d'années les USA vivront ainsi. Ils ont déjà passé l'étape "Brejnev" (ou McCain). Mais il est difficile de dire où ils en sont aujourd’hui. Par conséquent, il ne faut pas s'attendre à une nouvelle politique "russe" dès demain.

"Rejoindre l'Europe": une drôle d'idée

La situation en Europe est complètement différente. Perdre la Russie et remporter un "cadeau" sous la forme d'une Ukraine tombée en morceaux – ce n'est pas pour demain, c'est pour aujourd'hui, et c'est physiquement proche. Dans le pire des cas, on pourrait imaginer un chaos inattendu dans toute l'Europe de l'est avec de nouveaux Etats, dont les noms confondraient même leurs voisins. Le tout couplé au problème persistant des immigrés du Moyen-Orient qui ne souhaitent pas s'intégrer à la société européenne. Qui aiderait dans cas les Européens? La Russie?

Il y a quelques années il était déjà impossible de ne pas commencer l’élaboration d’une nouvelle politique vis-à-vis de la Russie. Qui plus est aujourd'hui. Au moins parce que les Européens ont subi un grave préjudice moral sous la forme du référendum de Crimée. Certains (le premier ministre britannique David Cameron, par exemple) tentent de feindre que c'est une erreur monumentale mais nous ne sommes plus en 2008, quand l'Europe pensait sérieusement pendant deux mois que la Russie avait déclenché la guerre en Ossétie du Sud. Aujourd'hui, le tableau médiatique est plus mitigé.

Par exemple, la Crimée a établi un record unique dans toute l'histoire indépendante de l'Ukraine par le taux de présence dans les bureaux de vote pendant le référendum sur l’indépendance.

Puis les Européens ont épuisé leurs dernières illusions selon lesquelles la secte héréditaire des europophiles aurait encore une influence en Russie. Ne pas approuver les agissements des autorités russes est une chose - tout peut arriver - mais vouloir "rejoindre l'Europe" tous ensemble en est une autre. Cette même secte avait lancée l'idée il y a quelques années que l'élite russe était complètement européenne (en termes de propriétés et d'investissements à l'étranger) et de ce fait contrôlable. Et voici que cette idée, douteuse dès le départ, touche à sa fin. Lorsqu'on prive quelqu'un de cette propriété pour ses opinions politiques, qui plus est par erreur, c'est peut-être la méthode européenne. Mais plus personne ne se fait d'illusions.

Par conséquent, l'ancienne politique européenne qui a entraîné la confusion actuelle touche à sa fin. Une nouvelle devrait voir le jour bientôt.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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