« Le réveil de la France silencieuse, la France des oubliés… »

« Le réveil de la France silencieuse, la France des oubliés… »
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Rien ne semble pouvoir arrêter la chute vertigineuse de la popularité de François Hollande. Parti de 55 % lors de son élection il y a deux ans, elle oscille depuis plusieurs mois autour de 20 %.

La période de gouvernance d’Hollande n’est qu’une suite d’initiatives sans suite… La courbe du chômage, contrairement aux promesses présidentielles, ne semble pas vouloir s’inverser. L’apaisement social s’est transformé en fracturation de la société de plus en plus inquiétante. Le désendettement promis n’a pas lieu. Quoi qu’il tente – le vote des lois de mariage contre-nature ou le virement qualifié de « social-démocrate » dans l’économie – l’approbation des français n’est toujours pas là…

Y a-t-il une force en France qui puisse stopper l’enlisement lent, mais sûr des pouvoirs dans l’immobilisme face aux problèmes qui s’accumulent ? Trouvera-t-on un héros sans peur et sans reproche capable de regarder sans effroi dans le trou budgétaire béant ? A-t-on des politiques capables de prendre les décisions autres que de s’abstenir en signe de désapprobation lors d’un vote important ?

Nous avons fait appel au journaliste, éditorialiste et essayiste français Ivan Rioufol pour tenter de trouver les réponses.

La Voix de la Russie. Il y a les économies de 50 millions d’euros qui étaient proposés par Manuel Valls. Il a dit que le vote à l’Assemblée nationale lui donnait de la force pour aller plus loin… Mais, est-ce le seul problème de la société française ? Vous avez mentionné les problèmes de l’immigration. Est-ce que la politique de François Hollande et de son gouvernement propose à la France une issue ?

Ivan Rioufol. « L’analyse du gouvernement et de François Hollande était de dire qu’il n’y avait qu’une crise économique et sociale. Et que si le gouvernement arrivait à résorber ces crises économique et sociale, elles effaceraient toutes les autres crises. Mais cette analyse est fausse, parce que derrière cette crise qui est une réalité grave, il y a une autre qui est plus grave encore. Et ce n’est pas seulement mon point de vue, c’est une analyse qui commence à s’imposer, puisqu’elle est évidente : il y a une crise identitaire qui parcoure la France et l’Europe. Elle parcoure particulièrement la France, parce que le pays s’est beaucoup plus ouvert a une très forte immigration des peuples du monde depuis 30 ans et qui bouleverse aujourd’hui la démographie, les paysages, les modes de vie.

Vous avez aujourd’hui dans certains territoires de la République des contre-sociétés qui apparaissent. Or, le poids de la pensée unique et du politiquement correct est tel en France qu’il est difficile de décrire ces grands phénomènes qui sont en train de bouleverser l’identité de la France. La gauche ne se résout pas à se confronter à ces problèmes. Et quand quelques-uns, notamment les journalistes dont je suis, s’efforcent de les montrer du doigt, c’est eux qui sont dénoncés, et non ces réalités en question.

Nous prenons là un retard considérable. Il y a des bombes en puissance qui se révèlent sporadiquement, épisodiquement, dans les confrontations des cités, des banlieues – régulièrement on a l’information qu’il y a un mort par jour, par exemple, à Marseille. Il va falloir qu’un gouvernement responsable se pose la question, se demande si c’est encore raisonnable de poursuivre une telle immigration. On fait venir officiellement 200 000 personnes par an depuis 30 ans. C’est sans doute plus, parce qu’on n’y compte pas les clandestins. Ces 200 000 personnes qui n’arrivent pas à s’intégrer, parce qu’il n’y a pas assez de logements, pas d’emplois, qui alimentent les ghettos et les insécurités par la force des choses. »

LVdlR. La crise identitaire peut être accompagnée d’une crise spirituelle. Cette vague d’immigration est accompagnée par l’arrivée massive d’une autre religion – musulmane. Mais, en même temps, on reproche à Manuel Valls de s’être rendu auprès du Saint-Siège à l’occasion de la béatification des deux Papes. Vous ne pensez pas qu’on puisse trouver une issue de ce côté : donner plus d’importance à la religion traditionnelle en France – la religion catholique ?

Ivan Rioufol. « Je viens de vous décrire la France un peu catastrophique dans son bilan. Mais j’ai une vision positive des choses. En tant que simple observateur, je remarque le réveil de la société civile, réveil de la France silencieuse, de la France des oubliés, de cette France qui ne veut pas disparaître, qui veut protéger sa culture, son mode de vie. Qui s’oppose à cette idéologie qui veut que tout soit équivalent, qu’il n’y ait plus de différence entre les religions, entre les cultures, entre les sexes, etc. Donc, il y a une forte résistance de la société civile qu’on a vu apparaître à l’occasion des manifestations massives – plus d’un million à chaque fois dans la rue contre le mariage homosexuel. Cette résistance de la société civile était accompagnée d’une manière très intelligente par l’Eglise catholique elle-même. On voit bien que pour la béatification des anciens Papes les 800 000 personnes qui étaient là, et c’est précisément des avatars de la société civile qui ne répond plus maintenant ni à un parti ni à un syndicat, mais à des personnalités parfois anonymes ou à des personnalités beaucoup plus spirituelles.

Je ne désespère pas, mais la France est un pays de tradition laïque qui a perdu sa tradition catholique. Il y a encore 40 million de baptisés en France, même s’il y a très peu de catholiques pratiquants – environs 3 ou 6 %. C’est totalement ridicule, je crois qu’il y a plus de pratiquants musulmans que catholiques. Il y a quand-même un fond culturel judéo-chrétien et les Français y sont très attachés, comme ils sont très attachés à leur histoire, à leur culture, à ce qui constitue leur identité.

Je suis optimiste sur les capacités de résistance de cette société. Simplement, je crains que si ce gouvernement continue à ne pas entendre les détresses – ils sont vécus comme tels par une partie de la population qui se voit comme une étrangère dans son propre pays – alors, si le gouvernement continue de ne pas voir ces détresses, il peut y avoir les débordements, les insurrections de rue qu’on ne peut pas exclure. La France a toujours avancé par les insurrections de rue. En 1789, c’était un des exemples les plus frappants, d’ailleurs les conditions économiques étaient à peu près les mêmes, la France était proche de la banqueroute. Je ne sais pas, naturellement, quel sera l’avenir immédiat. Je crois que la coupure qui est admise par tout le monde, entre la société et les élites, et les dirigeants et devenue telle qu’il est urgent pour ces dirigeant de venir écouter ce que dit le peuple.

Sinon, je crains que le peuple aille se faire écouter par d’autres moyens. »

LVdlR. Yvan Rioufol a parlé dans ses livres des « crépuscules du socialisme » et de l’« urgence d’attacher ses ceintures » en se demandant si le socialisme passera l’année 2012. Il l’a passée, en y laissant des plumes. Mais le temps est venu de crier « Touche pas à ma France !», ce que scandent les citoyens, exaspérés par les erreurs multiples de leurs dirigeants. Il s’agit d’une sorte de coup d’Etat soft, selon Yvan Rioufol…

On a envie de lui faire confiance. T


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