Ukraine. Quand les référendums se font dans le sang. Analyse d’Allain Jules

Ukraine. Quand les référendums se font dans le sang. Analyse d’Allain Jules
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Les masques sont enfin tombés. Merci à la toile, merci aux reporters indépendants qui nous font parvenir des informations toutes fraîches du champ de bataille.

Car l’Est de l’Ukraine rappelle de plus en plus un champ de bataille sur lequel des milices néo-nazies soutenues par la junte kiévienne, des restes de l’armée loyaliste et quelques 400 mercenaires d’Academi (une analogie plus récente de Blackwater) combattent des populations civiles n’aspirant qu’à une chose : s’émanciper d’un gouvernement putschiste répressif en votant la formation de Républiques populaires autonomes.

Chose dite, chose voulue, chose faite. Contre vents et marées. Contre les effusions de sang et la désapprobation du mainstream occidental qui ne craint même plus de s’ériger en principal violateur du droit international quitte à reprendre les propos déplacés d’un Président dont l’impopularité quasi-anecdotique ne l’empêche pas de qualifier les référendums démocratiques de Donetsk et Lougansk de « vrai-fausse consultation » et le scrutin de « nul et non avenu ».

Comme il est parfois efficace de raisonner par analogie, je dirais que M. Hollande ressemble quelque peu à un vichyste qualifiant les Résistants de terroristes. En effet, pour M. Pétain et sa clique, Jean Moulin n’était rien d’autre qu’un terroriste à abattre. Imaginons maintenant quelle aurait été la réaction de Vichy si les régions françaises lançaient des référendums d’indépendance. Inimaginable, n’est-ce pas ? Donetsk et Lougansk l’ont fait. D’ailleurs, comment ne l’auraient-ils pas fait après la tuerie d’Odessa saluée par la princesse du gaz et sponsorisée par l’oligarque de Dniepropetrovsk, Igor Kolomoïsky ? Bien sûr, les journaux démocratiques nous parleront d’une opération anti-terroriste ou, tant qu’on y est, d’un suicide collectif. Il n’en demeure pas moins que 120 personnes ont été brûlées vives auxquelles il faut ajouter une femme enceinte préalablement violée puis étranglée et des enfants abattus au moment où ils essayaient de quitter le bâtiment des syndicats en feu.

Comment ne pas voter à près de 90 % pour sa fédéralisation sachant qu’un garçon de douze ans a été grièvement blessé à la mitraillette en plein centre de Slaviansk au seul motif qu’il avait osé porter le ruban Saint-Georges ? Comment ne pas rejeter le pouvoir des nazillons kiéviens quand Tourtchinov, Iatseniouk et compagnie dépêchent des chars et des hélicos contre des gens désarmés en autorisant leurs détachements punitifs à tirer sur les boucliers humains et les journalistes présents sur le terrain. C’est ainsi qu’à Marioupol un pigiste de Russia Today a été touché à l’abdomen alors qu’il maniait tranquillement sa caméra. Toujours à Marioupol, le 9 mai, les policiers et les civils qui refusèrent de tirer sur leurs compatriotes furent liquidés par les milices bandéristes comme traîtres. Ces mêmes milices font désormais la loi à Odessa. Je vous invite à découvrir les multiples témoignages d’Alexandre Sivov, journaliste indépendant ukrainien présent sur le terrain. En voici un extrait : « Le 8 mai, le bataillon ukrainien «Kiev- 1 » composé de militants du Secteur droit (il a déjà obtenu à Odessa le surnom de bataillon de la mort ») est entré à Odessa dans des camions du côté de l’arrondissement de Kotovski. Dans la ville, stupeurs et tremblements. Une panique totale a gagné tout le monde. Il semble que, après la perte du contrôle de la situation dans les régions de Donetsk et de Lougansk, les autorités ont décidé de garder Odessa à tout prix (…) »

L’heure est donc grave car cette fois c’est aux portes de l’UE que se rejoue le drame du nazisme cautionné par des puissances qui se croient permis de reconnaitre ou non des référendums dans des pays qu’elles ont elles-mêmes déstabilisé en invoquant le droit international comme l’a fait hier le ministre polonais des Affaires étrangères. Naturellement, le droit international autorise les coups d’états armés, le recours au mercenariat et l’extermination des populations civiles non-alignées. La pax americana a maintenant toute sa place en Ukraine et les médias bien-pensants y contribuent. Voici ce qu’en pense Allain Jules, journaliste indépendant et blogueur de renom.

La Voix de la Russie. « Sait-on quelque chose en France des vagues de répression qui ont eu lieu il y a quelques jours à Marioupol et qui continuent à frapper Slaviansk ? En parle-t-on dans les médias et si oui dans quelle optique ?

Allain Jules. Forcément, on en parle. Mais le problème, c’est que la presse occidentale valide ce genre de répressions. D’ailleurs, on ne parle pas de répressions. On reprend les termes de la junte de Kiev pour justifier l’injustifiable, par exemple en parlant de terroristes, d’opérations anti-terroristes, etc. En revanche, personne ne vous dira que quelque chose ne va pas le nombre de morts étant déjà plus important qu’il ne l’était au Maïdan où les chars étaient absents, où il n’y avait pas de milices spéciales, où les groupes néo-nazis ne tabassaient pas les europhiles. Il y a donc en l’occurrence une falsification médiatique visant à démontrer la pleine légitimité d’une junte élue … par elle-même, avec la bénédiction du Saint-Esprit nous dira-t-on peut-être demain. Pour aller plus loin, je dirais que le vrai journalisme n’existe plus car il n’informe plus. La presse officielle française n’est plus que la caisse de résonnance du Quai d’Orsay. Tout est biaisé. Heureusement que nous avons sur place à Donetsk (dans le Donbass) et à Odessa un journaliste indépendant qui s’appelle Alexandre Sivov et qui fait un travail de réinformation remarquable.

La VdlR. Nous avons relevé le même type de désinformation par rapport aux évènements tragiques d’Odessa dont les responsables devraient être jugés par un nouveau Nuremberg sachant que 120 personnes ont été froidement massacrées dans les pires traditions inquisitoires du Moyen-âge : la plupart furent brûlés vifs. Est-ce que, malgré tout, la perception de ce massacre a évolué depuis le 2 mai ? Y-a-t-il une remise en question par les médias de droite des interprétations préalablement données ? Je pense notamment au Figaro qui, sauf fausse impression de ma part, livrerait des textes beaucoup plus nuancés ?

Allain Jules. Non, ce n’est pas une fausse impression. Effectivement, j’ai moi aussi remarqué que le Figaro est beaucoup plus neutre que les autres médias. Par rapport à ce qui s’est passé à la Maison des syndicats d’Odessa il n’y a que Marianne qui a fait un papier exhaustif en disant qu’elle trouvait bizarre qu’on ne relayait pas la bonne information dans la presse officielle. Elle a donc essayé de rédiger un article minutieusement documenté pour contrer les falsifications systématiques du mainstream médiatique. Je pense par exemple à Libération qui se borne à recopier l’AFP, parfois le Figaro quoique celui-ci soit beaucoup plus neutre, parfois le Parisien ou le nouvel Observateur. C’est vraiment une catastrophe, le public est très mal informé.

La VdlR. Les référendums de Donetsk et de Lougansk (la situation est plus compliquée pour ce dernier quatre écoles faisant office de bureaux de vote ayant été brûlées) se sont achevés hier, à 20 h (heure de Moscou). Pour ce qui est de Donetsk, entre 85% et 90% de ses habitants ont voté pour la fédéralisation de la région. Commentant le déroulement des référendums, Hollande a parlé hier d’une « vraie-fausse consultation » en qualifiant le scrutin de « nul et non avenu ». Est-ce qu’il a au moins cherché à argumenter ses propos ?

Allain Jules. Mais bien sûr que non parce qu’il n’a aucun argument à faire valoir. Il s’agit donc d’imprécations qu’on lance à tout bout de champ pour attirer plus ou moins l’attention alors qu’il n’y a rien derrière ! Vous n’aurez donc jamais d’argumentation claire et nette ! Les USA s’empressent de dire qu’ils ne reconnaissent pas les référendums mais ce ne sont que des mots. Or, qui est plus légitime ? Ceux qui ont fait un putsch à Kiev ou alors ceux qui même s’il y a eu de l’improvisation, même s’il y a eu des imperfections, vont aux urnes et demandent au peuple de choisir leur destin ? Le droit des peuples à l’autodétermination n’a jamais été retiré de la Charte des nations. On sait donc pertinemment de quel côté est le droit, on sait aujourd’hui que ceux qui essayent de bafouer ce droit mentent comme des arracheurs de dents ! Cela explique pourquoi la presse indépendante est diabolisée à longueur de journée. Permettez-moi à cet égard une brève anecdote bien ancrée dans le réel : un journaliste de RMC qui apparemment serait à Donetsk en ce moment m’envoie un mail pour demander si je peux lui transmettre les coordonnées téléphoniques d’Alexandre Sivov, le journaliste indépendant dont j’avais parlé tout à l’heure et qui se trouve lui aussi à Donetsk. Vous vous rendez compte ? Alors que c’est lui qui prend cette initiative-là étant dans le Donbass. Quoi qu’il en soit, les gens ne sont plus dupes, ils vont chercher leurs informations sur internet. A partir de là, je trouve que les journalistes travaillant pour les grands médias n’ont pas à se plaindre en disant être décriés par le peuple. Grâce à la toile, ils n’ont plus le monopole de l’information ».

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