Un dollar-grabataire

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Le dollar est-il malade ou bien portant ? La question demeure entière, mais l’agressivité américaine traduit bien le malaise d’une bête acculée.

Le dollar est le nerf de la guerre. Si on se tire partout avec des kalachnikovs, on se les offre en dollars. Arnaud Leclercq, un grand nom dans la haute finance internationale, banquier suisse et docteur ès sciences géopolitiques, nous a explicité pourquoi le dollar a encore de beaux jours devant lui.

Arnaud Leclercq. D’abord le sujet n’est pas nouveau. Les BRICS ont décidé, sauf erreur, il y a deux ans déjà, dont la Chine, l’Inde, la Russie, de faire des transactions entre elles sans passer par le Dollar US. Donc le sujet n’est pas nouveau. Mais ce qui le rend d’actualité ce sont ces sanctions : les décisions récentes des Etats-Unis, les tensions politiques qui montent avec la crise en Ukraine, etc.

Il y a un dilemme international : le Dollar est bien sûr une devise nationale, et gérée, je dirais, comme telle et normalement par la Réserve Fédérale comme on l’appelle aux Etats-Unis. C’est une monnaie nationale, donc elle appartient à un pays qui jouit de tous les privilèges et de devoirs, mais surtout des privilèges qui sont liés à cette émission de cette monnaie, ça c’est un fait. Maintenant il s’avère que le dollar depuis grosso-modo la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, est devenu la monnaie internationale, donc bien au-delà d’une monnaie nationale. Et on oublie trop que c’est une monnaie émise par un pays bien spécifique. Alors est-ce que le Dollar peut être utilisé par ce pays comme un instrument d’influence ? La réponse est oui, comme tous les pays qui disposent de différents instruments pour influencer l’économie, la finance, voir certains objectifs dans certains cas, politiques. Mais il n’y a rien ici de vraiment nouveau. Alors est-ce que les pays peuvent se passer du Dollar ? Entre les déclarations politiques, les intentions déclarées, il y a un écart très important.

La Chine exporte énormément de biens manufacturés vers les Etats-Unis. Ce qui fait que la Chine dispose de réserve en billets verts absolument considérable. Les réserves de la Russie sont aussi assez substantielles. On parle quand même de 200 milliards de Dollars. A partir du moment où la Russie exporte son gaz et son pétrole et se fait payer principalement en dollars et que la Chine exporte elle-même ses biens manufacturés en grande partie vers les Etats-Unis ou d’autres pays et se fait payer directement en dollars, elle se retrouve avec des réserves très importantes. Donc se passer du dollar est quelque chose qui est virtuellement impossible à court terme et probablement à moyen terme.

Le deuxième point que l’on peut regarder quand même est si ces pays peuvent diminuer leurs commerces dans cette monnaie ? Là la réponse est oui. Dès aujourd’hui, vous pouvez faire contrat en roubles, en euros ou une autre devise que nous pourrions choisir. Donc là, c’est déjà faisable. Maintenant, il se trouve que certains commerces, notamment le commerce des matières premières, ce qu’on appelle les « softs », tout ce qui est grain, blé etc. sont également libellés en dollars. Donc avant que cela change, il faudrait probablement un ou des changements vraiment majeurs dans l’économie mondiale pour que cela évolue. Un petit peu comme la livre Sterling qui, à une époque, eut ce rôle de devise quasiment mondiale, quand la Grande-Bretagne avait son empire et qui a été progressivement remplacé par un autre empire qui est celui des Etats-Unis. Qui représente à eux seuls la plus grande économie du monde et de très loin. Et une fois encore un bon nombre de pays souhaiterait diminuer l’influence des Etats-Unis et du dollar dans leurs économies ou dans leurs échanges commerciaux. Mais pour l’instant pour la plupart d’entre eux c’est plus un souhait qu’une réalité.

La Voix de la Russie. Est-ce que d’après vous la création du Fond de réserve monétaire nommé « accord de fond de réserve » (contingent reserves management), le CRA, est donc une banque de développement appelée banque BRICS, met sur la touche le FMI ? Je veux dire le fameux, très redoutable et redouté Fond Monétaire International, plus ou moins téléguidé par Washington, qu’en dites-vous ?

Arnaud Leclercq. Là aussi il n’y a rien de nouveau, ce sont des demandes faites par les pays en développement, qu’on appelle pays émergeants maintenant mais en développement, depuis déjà un certain nombre d’années. J’estime que la banque Mondiale et le FMI sont restés sous le contrôle des banques occidentales, enfin des pays occidentaux et que ça ne reflète plus que cette réalité poste Seconde Guerre Mondiale, et ne reflète plus la réalité du monde d’aujourd’hui.

Maintenant avant que cette banque ne fonctionne, entre les déclarations qui sont faites et la réalité, on verra un petit peu comment cela se passe. Je pense que c’est toujours bien d’avoir un monde qui soit multipolaire avec différents centres de décisions et d’opportunités, je pense que c’est bien en général pour la démocratie et pour le monde. Plutôt que d’avoir une, deux, ou trois grandes puissances qui se permettent de décider tout pour les autres. Cela étant pour revenir à la première question d’origine, ils ont quand même avec cette déclaration qui a été faite, dit que le capital des réserves de cette banque serait de 100 milliards de… dollars. Donc vous voyez, peut-être que certaines puissances veulent s’en démarquer, mais malgré tout, ça a été exprimé en dollars. Ça veut bien dire que le dollar reste omniprésent.

Commentaire de l’Auteur. Quoi qu’il en soit, Vladimir Poutine continue son œuvre au noir comme disaient les alchimistes dans une œuvre de Marguerite Yourcenar. Il n’attaque pas l’Amérique de front mais sape son pouvoir en essayant de la priver de son trésor. Et les camarades chinois ne seront que contents d’accabler le monstre. Quand ils l’achèveront les Russes aidant, ils feront table rase pour redistribuer les zones d’influence sur la planète. Et l’euro là-dedans ?

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