Expert du monde arabe : « nous, occidentaux, avons porté le conflit à un point de non-retour »

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Il importe de rechercher les racines de la violence au Moyen-Orient notamment dans les actions des hommes politiques européens et américains, qui n’arrivent pas à régler le problème des migrants et des réfugiés originaires des Etats arabes et pays du Maghreb.

Telle est l’opinion de l’historien, spécialiste belge des pays arabes Pieter van Ostaeyen, qu’il a partagée avec l’Agence d’information internationale Rossiya Segodnya.

Rossiya Segodnya : Il semblerait que le conflit au Moyen-Orient soit devenu un problème très européen.

Pieter van Ostaeyen : Aujourd'hui, les Hollandais, les Belges et les Français sont déjà très impliqués dans ce conflit. Jeudi, les membres du groupe Jund al-Khilafa (les soldats du califat) ont décapité un otage français et ont diffusé la vidéo de cette exécution sur Internet. Le fait que la Belgique et les Pays-Bas se joignent à la guerre contre l'Etat islamique va se retourner contre nous. Nous devrions nous méfier non seulement de ceux qui mènent la guerre en Syrie et qui pourraient rentrer, mais aussi de ceux qui vivent ici, en Europe, et qui sont capables d’effectuer des attaques violentes à l’intérieur des Etats européens. Les fusils ou les mitrailleuses Kalachnikov s’achètent facilement à Bruxelles ou à Anvers. C’est donc en effet un problème grave, qui ne fera que de s’aggraver.

Rossiya Segodnya : Pourquoi l'islam radical attire-t-il des jeunes Belges ?

Pieter van Ostaeyen : Tout d’abord, c’est un problème d’intégration et d’assimilation en Belgique. Dans les années 1960-1970 nous avons invité des immigrés du Maroc, d’Alger, de Tunisie et de Turquie à travailler dans notre pays. Ces personnes étaient engagées dans la sidérurgie et les mines de charbon. Mais le gouvernement n’a rien fait pour l’intégration de ces immigrants de la deuxième, troisième ou quatrième génération. Ils ont toujours eu le sentiment que le gouvernement belge les ignorait. Certains de ces radicaux croient que les Belges et le gouvernement du pays ont une attitude discriminatoire envers les musulmans. C’est l’une des raisons principales.

Rossiya Segodnya : C'est donc une sorte de réaction à la politique des puissances européennes?

Pieter van Ostaeyen : Oui, c'est comme si l’on mettait une casserole sur le feu, et l’eau se mettait à bouillir et déborder à un moment. Quelque chose de similaire est en train de se produire à l’heure actuelle. Nous avons atteint le point d'ébullition. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à quitter la Belgique à cause de la politique belge. Nous observons la même rhétorique en France, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, au Danemark et en Suède. Ils justifient leurs actions par le fait qu’ils n’ont aucune chance de réussir dans leur pays natal, que la démocratie occidentale n’est pas en réalité une démocratie, qu’ils veulent vivre dans un Etat islamique, où les lois sont basées sur l’Islam.

Rossiya Segodnya : Quelles sont les perspectives de ce phénomène ? Le conflit pourra-t-il être réglé de lui-même ?

Pieter van Ostaeyen : Je ne sais pas si cela va arriver. Mais le fait que nous, les pays occidentaux, puissions avoir affaire à un ennemi important et dangereux, est un fait réel. Des enlèvements et des meurtres auront certainement lieu, comme l’exécution de l’otage français en Algérie. Et nous entendrons des menaces adressées à l’Occident en Europe.

Rossiya Segodnya : Comment caractérisiez-vous la situation actuelle ?

Pieter van Ostaeyen : Samuel Huntington a qualifié ce phénomène de « choc des civilisations ». Pendant la Guerre froide, les Russes étaient nos principaux ennemis. Ils étaient « communistes », et nous - le « monde libre ». Après l'effondrement du communisme, nous avons trouvé un nouvel ennemi, l'islam. Et il me semble que la haine, la cruauté et la discrimination ne feront qu’aggraver les relations entre les pays occidentaux, et l’ensemble avec la communauté musulmane, au Moyen-Orient, mais aussi en Europe. Nous avons porté le conflit au point tel qu’il semble impossible de faire marche arrière. Nous devons trouver une solution à cette situation, mais cela semble extrêmement difficile. /N

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