La philosophie japonaise à travers le combat

La philosophie japonaise à travers le combat
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Le Maître suprême des arts martiaux japonais en Europe est un Français ; Il s’appelle le Haut Senseï Alain Floquet et il doit recevoir prochainement son 9ième dan. En lui transmettant toutes nos salutations nous lui rendons hommage au nom de la Russie d’autant plus que l’année prochaine est déclarée l’année des arts martiaux entre la Russie et le Japon.

Voix de la Russie. La Russie et le Japon viennent de déclarer l’année 2015 l’année des arts martiaux. Les arts martiaux sont extrêmement populaires au Japon et, en même temps, ils ont été reconnus comme partie du patrimoine culturel du Japon par l’Unesco. Vous-mêmes, Haut Senseï, vous représentez en France et à travers toute l’Europe, par l’autorité qui vous a été conférée par les pères fondateurs japonais, l’une des plus vieilles écoles du japon qu’est le Katori Shinto Ryu. De quoi s’agit-il au juste ?

Maître Alain Floquet. Le Katori Shinto Ryu ou, plus exactement, TenSin-Sioden Katori Shinto Ryu est une école d’armes traditionnelle japonaise, l’une des plus anciennes et de grande réputation. C’est une école qui comprenait toutes les techniques guerrière, aussi bien que la construction des châteaux forts, la lecture des astres ou encore le combat au sabre, à la lance, y compris la lance à point, la yari ou la naguinata qui est une lance faucharde et puis d’autres disciplines utilisées à l’époque ancienne tant pour soigner que pour espionner… Tout ce qui pouvait servir à la défense, à l’attaque et de pratiquer le combat.

Cette école est classée le bien culturel de la province de Chiba. Elle est sous l’autorité d’un soké, héritier du fondateur de l’école dont la fondation date quand même du quinzième siècle. Cet héritier n’est pas toujours le descendant direct. Parfois il peut se passer qu’il n’y a pas de descendants… A ce moment-là un membre de famille peut prendre le nom et devenir à son tour l’héritier.

Le Katori Shinto Ryu avait une particularité : c’est que les écoles d’armes japonaises appartenaient à un clan précis de samouraïs. Elles représentaient leur secret militaire. C’était sa force de frappe et de combat, comme chez nous, en temps modernes, il y a le secret militaire ! Donc c’était préservé ! Et chaque école avait un maître un peu différent et pratiquait différemment, dans les formes, esprit et qualité et plein d’éléments qui définissent la supériorité ou l’infériorité au combat. Mais notre école était ouverte à tous les guerriers souhaitant avoir une instruction morale, mentale, éthique, supérieure dans la pratique des arts martiaux.

Cette école avait une grande réputation et a donné naissance à d’autres styles. Son fondateur, Iidzassi Igano-no Kami Iénao (année de naissance 1387), a pratiqué cette école. Et puis d’autres guerriers sont venus le rejoindre et ont créé à partir de là leur propre école également, sous un autre nom. Il y a donc des guerriers très célèbres et les derniers sokés ont combattu à l’époque de la réforme Meiji.

Moi personnellement je suis le disciple des deux maîtres qui ont pratiqué au début du vingtième siècle : ils sont les élèves de Maître Kano. Il leur a confié l’obligation d’étudier les arts martiaux anciens pour enrichir et sauvegarder cette culture particulière. Ces maîtres c’étaient Maître Minoru Motidzuki qui se fit connaître pour le judo à cette époque. Mon autre Maître était Yoshio Sugino qui avait étudié, lui aussi, le Katori Shinto Ryu au kodokan avec les ma îtres qui venaient au Kodokan ou, en particulier, chez eux. Ces maîtres étaient des Shihans de l’école à une époque où il n’y avait plus de soké. C’est donc eux qui assuraient la transmission jusqu’à ce qu’un nouveau soké soit nommé… Donc le Katori c’est toute cette richesse guerrière japonaise mais d’un très haut niveau. Il y avait également le fantassin Ashigaru qui était à un autre niveau…

VDLR. Etant à la fois la synthèse et la mise à jour rigoureusement pensée de doctrines martiales du Japon ancien, l’aïkibudo et le Katori Shinto Ryu cherchent à prouver que l’élément corporel est relatif et que l’esprit doit s’auto-discipliner pour aller de l’avant. Cela veut-il dire qu’il s’agit plutôt d’une philosophie que des arts martiaux ?

Maître Alain Floquet. La philosophie est inscrite dans la pratique martiale par l’étude de l’effort du corps qui est une forme de réflexion particulière. Pour moi, toutefois, mon expérience c’est qu’aujourd’hui cet art guerrier parce que c’est quand même du boughé d’où descendent bushido boughé, l’art guerrier, fait pour combattre et tuer, c’était un style qui était typiquement et de façon très spécifique du guerrier japonais et de la culture japonaise. C’est donc quand même très particulier par rapport aux Occidentaux ou aux Moyen-Orientaux ou autres ; c’est une culture différente !

Cette culture bushido qui est la voie du Guerrier se nommait au début bu-shi kiba ce qui voulait dire l’arc et le cheval qui étaient l’apanage du vrai guerrier.

Puis cela s’est ouvert vers la voie plutôt philosophique et c’est devenu bu-do. Le bushido est le code guerrier japonais qui est toujours présent sous-jacent dans la culture japonaise pour représenter une force morale. C’est aussi une force philosophique.

Vous savez que l’emblème de samouraï est la fleur de cerisier qui ne produit pas et qui se détache au printemps quand tout est en pleine beauté. La mort est donc vécue comme un instant de libération de la matérialité et de cette vie qui pesait. Mourir au combat c’était vraiment quelque chose de noble !

Mais cette philosophie – et c’est comme ça que je l’enseigne – est un art de paix ! Cela aide à transmettre la paix à travers une pratique issue du combat manuel ou du combat aves les armes. Mais il y a véritablement l’unité qui se produit dans l’être mais aussi avec les autres parce que c’est à travers les autres que l’on se construit. Donc c’est un ensemble qu’effectivement on peut considérer comme une philosophie, appelée, à mon sens, rester pragmatique !

Commentaire de la rédaction. « Les gens se partagent en plusieurs catégories par rapport aux éléments dont ils sont formés : la terre, l’eau, la flamme et l’air ; n’est être humain que celui qui maîtrise ces quatre éléments. Senseï Yaroslav, disciple fidèle du Haut Senseï français, ouvre ses doigts un à un: « Les gens de la terre sont ancrés dans le matériel, la forme brute, cette fange de l’acte immédiat dont ils ne peuvent s’extraire : manger, boire, dormir, copuler, etc. Tous les instincts primaires qui définissent l’existence terrestre.

Viennent ensuite les gens du désir. Ceux-là au moins savent désirer quelque chose au-dessus de leur gamelle : briguer une existence meilleure, se dépenser en crédit, désirer une femme d’un autre niveau social que le tien… Leurs désirs peuvent épouser toutes les formes possibles comme l’eau qui est leur élément épouse la forme d’une jarre. La pesanteur les attire vers le bas, vers la terre qui est leur lit.

Le troisième élément est l’aspiration de se soulever au-dessus des désirs banals, regarder vers le ciel, rechercher le pouvoir, grimper au sommet de la montagne. Cet élément est le feu et ses flammes poussent vers le haut se gaussant bien de l’attraction terrestre. Ce signe est celui des guerriers qui, tout de même, sont parfois mus par des instincts animaux comme la convoitise ou la luxure.

Vient après l’air, pur élément des sages, recherchant la beauté de l’observation. Ces gens peuvent tout mais très souvent ne veulent rien. Leur délectation est dans l’observation et l’énergie mentale. Ils conseillent plus qu’ils n’agissent. Comme l’air, ils sont légers et omniprésents par leur esprit mais, sans eux, rien ne se fait. Alors tant que l’homme ne gravit pas ces quatre marches il n’est être humain que par sa forme physique, mais son esprit n’est pas formé. »

Le Katori est pratiqué en Russie parce qu’assez proche de la tradition mystique de cette immensité, de cette soif de Dieu et de l’auto-perfection qui de tout temps furent la force motrice de la civilisation orthodoxe.

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