L’Eglise catholique timide dans soutien des mouvements sociaux

L’Eglise catholique timide dans soutien des mouvements sociaux
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La récente vague du « Manif pour tous » qui a déferlé à travers la France, a soulevé un grand nombre des français qui s’opposent à la loi permettant la GPA et la PMA pour les couples homosexuels. Mais sous sa crête moussante d’écume de l’enthousiasme, comme une lame de fond, apparait une division d’une grande famille catholique.

Effectivement, juste avant les défilées, le président de la Conférence des évêques de France, Georges Pontier, a déclaré dans « La Croix » : « La Manif pour tous n’étant pas un mouvement de l’Eglise, il n’est pas de mon rôle de commenter leur choix politique de manifester dans la rue ».

Essayons de comprendre cette position de hautes autorités ecclésiastiques avec le politologue italien Dario Citati.

Dario Citati. Je pense qu’il s’agit d’une inflation qui doit être interprétée dans le cadre d’une crise de l’Eglise catholique. Une crise des autorités, de la hiérarchie. Cette déclaration de l’Archevêque Pontier est une prise de distance nette. En France, il y a une Conférence épiscopale qui est assez progressiste, en général. Mais la même chose se passe en Allemagne, en Belgique. Ces derniers mois et ces dernières années, la tendance de la part de la hiérarchie catholique est d’éviter la lutte ouverte contre les gouvernements, contre les projets de lois qui sont à l’opposé de la doctrine catholique, plus même – de la doctrine chrétienne : le cas de « mariage » homosexuel, de l’adoption et de la gestation pour autrui.

Leur stratégie consiste à ne pas renier ouvertement, mais à procéder avec certaine timidité. On peut remarquer les « appels au dialogue, la « volonté de dialoguer » venant des institutions, alors que les croyants, les simples fidèles perçoivent clairement que la situation n’est pas si facile, et qu’il y a dans l’histoire des moments où il faut prendre position ouvertement.

Ce n’est pas la première fois dans l’histoire du catholicisme que c’est le peuple, les fidèles qui montrent une tension beaucoup plus forte que le clergé lui-même. Je peux citer un cas, au IIIème siècle, à l’époque de l’hérésie ariane – l’arianisme était une doctrine qui reniait la théologie classique sur l’existence d’un Dieu incarné dans Jésus Christ – la majorité du clergé était d’accord avec cet évêque oriental. Mais le peuple s’y opposait, restait fidèle à la doctrine traditionnelle.

Donc, aujourd’hui, il s’agit d’un signe très fort de cette timidité. Je veux rappeler que pendant la « Manif pour tous » il a eu également le Synode sur la famille à Rome, qui s’occupe justement de la situation des familles aujourd’hui. C’était embarrassant de voir qu’au moment où la famille est prise pour cible par certaines idéologies qui se traduisent dans ces lois (dont on a parlé), la hiérarchie continue de parler dans les termes timides : d’ « accueil », du « dialogue »… Comme s’ils ne comprenaient pas la gravité de ce qui se passait pour le futur de la famille, des enfants au sens du droit naturel, de ce que l’Eglise a toujours enseigné.

LVdlR. On parle beaucoup de l’« offensive » de l’Islam en Europe. Face au renforcement des leadeurs de l’Islam , la hiérarchie catholique ne prend pas la position. Une des fidèles, commentant la «Manif » signalait que « dans son diocèse, beaucoup de personnes restent très mobilisées » Est-ce que l’Eglise catholique risque de se dévaloriser aux yeux de ses fidèles ? Pourquoi elle ne prend pas conscience de ça ?

Dario Citati. Il faudrait leurs demander directement.

Mais on a l’impression que la crise de foi que beaucoup de sociologues identifient dans la société contemporaine, concerne, en premier lieu, les autorités. Quand on regarde cette timidité, ce refus d’aller contre le monde… Ce qui est d’ailleurs, le cœur de la doctrine chrétienne, c’est-à-dire, il y a dans le christianisme cette contenance d’opposition au monde. Si on lit les Evangiles, cela est exposé d’une façon très claire : le chrétien est quelqu’un qui doit témoigner jusqu’à la mort un message qui ne va pas être approuvé par tout le monde. Il y a cette opposition entre le chrétien et le monde qui doit être pacifique, le témoignage doit se faire avec la parole et non avec les armes.

Mais cette conduite hésitante de la hiérarchie par rapport à l’activité de l’Islam, et également par rapport aux différents projets de la laïcisation de la société, est en contradiction avec la doctrine catholique. En France, l’épiscopat français au XIXème siècle définissait la doctrine de la royauté sociale de Christ qui était une réponse au libéralisme et qui essayant d’appliquer aux contemporains la doctrine catholique du Moyen Age. Qu’est-ce que c’est, la royauté du Christ ? Un chrétien ne peut pas croire que Jésus Christ c’est la Vie et la Vérité et, en même temps, être indifférent à tout ce qui se passe dans la société. Il doit travailler, par exemple, pour que les fêtes religieuses chrétiennes soient reconnues comme fêtes civiles. On va fêter Noel, on ne va pas fêter le Ramadan.

Cette œuvre de témoignage est une partie essentielle de la foi catholique. Il me semble qu’aujourd’hui tout cela a été mis à l’écart, du moins de la parte d’une certaine partie de la hiérarchie.

Je veux signaler à propos du Synode sur la famille, qu’il a des cardinaux qui ont pris une position très forte : la condamnation du divorce a été affirmée. Pour ce qui est de l’Islam aussi, il y a des positions différentes. Les medias présentent une position d’une partie des hiérarchies qui est caractérisée – je ne veux offenser personne – par une certaine lâcheté. Cela devient évident surtout quand on va écouter les croyants, les fidèles qui descendent dans la rue.

Ils ne sont pas tous catholiques, mais simplement des gens de bonne volonté.

Ce sont des personnes qui, au-delà de la question de la foi elle-même, se reconnaissent dans certaines valeurs et qui voient cet abandon de la part des hiérarchies. Ce sont des gens qui ont du mal à accepter la situation qui remet en cause les principes qui ont guidé non seulement l’histoire de l’Église catholique mais de la civilisation européenne.

 

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