Plus de 80 % des personnes venues aux urnes ont voté pour l'indépendance de cette région autonome d'Espagne. Les autorités catalanes ont organisé ce scrutin symbolique malgré l'opposition de Madrid ayant invoqué le droit à la liberté d'expression fixé dans la Constitution espagnole. Il faut cependant noter que seuls 40 % des personnes ayant le droit de vote ont participé au scrutin. Dans ce contexte dire que les Catalans se sont prononcés en faveur de l'indépendance serait incorrect. Tout comme ne pas prendre en considération les résultats du vote. Pourtant Madrid reste intransigeant. Selon le ministre espagnol de la Justice Rafael Catala ce vote est « inutile et sans aucune conséquence juridique » et apporte « la scission dans la société catalane ». Il a ajouté que le parquet général poursuivra la collecte de données sur cet événement pour établir la présence des faits passibles de poursuites pénales.
En d'autres termes Madrid menace les autorités de Catalogne de poursuites judiciaires. L'analyste politique Alexandre Fomenko trouve que cette réaction est probablement liée à un manque de foi dans ses forces :
« Cela confirme une nouvelle fois que le gouvernement d'Espagne et la monarchie espagnole ne parviennent pas à conserver l'unité du pays. Un tel nombre de suffrages en faveur de l'indépendance n'aurait pas eu lieu si l'Etat avait été dans un état normal. En outre, l'opinion publique a été influencée par les scandales récents dans la famille royale. Le roi nouveau, Felipe, a même renoncé à la cérémonie d'intronisation traditionnelle. Il a été proclamé roi depuis le balcon du palais. La monarchie ne peux pas exister de cette façon. C'est une institution religieuse ».
Le vote en Catalogne et son succès relatif vont compliquer davantage la situation politique à l'intérieur du pays. Dans cette situation tout compromis sera considéré comme prétexte pour accroître la pression, estime le politologue Vladimir Brouter :
« Tant que la droite reste au pouvoir à Madrid, il n'y aura aucun élargissement du statut d'autonomie. Pour la droite espagnole conserver l'Etat avec le centre à Madrid est un fait historique. Elle n'aime pas même les conversations sur un changement du statu quo. A mon avis, elle a tort. Cela aiderait à conserver l'Etat dans les frontières actuelles, bien que sous une forme différente. Etant donné que la cote de popularité de la droite est en baisse et qu'elle abandonnera le pouvoir à l'issue des prochaines élections, un changement de l'approche vis-à-vis de la Catalogne est possible. Mais les élections auront lieu dans 18 mois et il est difficile de dire ce qui peut se produire au cours de cette période ».
Les experts trouvent évidente la nécessité d'étendre les droits de l'autonomie catalane au sein de l'Etat uni. Mais avant la fin de ce cycle électoral la droite espagnole tentera de conserver son électorat en faisant montre de la fermeté de conviction et de la position politique intransigeante. La droite est dans une situation délicate. Car certaines autres provinces espagnoles pourraient demander davantage d'autonomie suite à la Catalogne. C'est pourquoi Madrid est confronté à un choix compliqué : il est impossible de ne pas prendre en considération l'opinion des Catalans tout comme de la la prendre en considération dans la mesure qu'ils souhaitent.
Le gouvernement espagnol essayera probablement de trouver une solution en modifiant certains articles de la Constitution. Il n'est pas exclu que l'Espagne évoluera graduellement de l'Etat unitaire vers une fédération. C'est une tendance propre à l'ensemble de l'Europe et liée à une profonde transformation de la réalité géopolitique du siècle nouveau.
