La France en crise de souveraineté

La France en crise de souveraineté
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S’il fallait écrire un essai consacré aux engouements de la politique française actuelle, on pourrait le titrer ainsi : « Les égarés crépusculaires ». Cette lointaine allusion à l’œuvre fataliste de Spengler est renforcée par un climat de tension latent avoisinant l’implosion.

Les prémisses de ces égarements que les Français subissent de manière de plus en plus sensible ne datent pas d’hier. Elles remontent à 1973 avec l’adoption de la loi Pompidou-Giscard. C’est à partir de ce moment précis que le gouvernement devait emprunter auprès des banques privées et non plus auprès de la Banque de France et c’est donc à partir de ce moment précis que l’économie française s’est retrouvée suspendue à une dette sans cesse croissante. Le dollar n’ayant plus d’équivalent en or depuis 1971, le processus engagé était doublement pernicieux.

Comparons avec la Russie. La Banque centrale de Russie a le droit d’accorder des crédits à l’Etat en cas de déficit du budget fédéral. Néanmoins, il est bien connu que le rouble est mis en circulation via la bourse monétaire ce qui, c’est d’autant plus clair aujourd’hui, le fragilise par rapport au dollar. Que fait donc la Russie pour s’émanciper des pressions boursières ? Elle renforce ses liens avec les autres pays du BRICS en travaillant au développement de la Banque eurasiatique et donc à la dédollarisation de ses échanges commerciaux. La récente signature d’un accord entre la Banque centrale de Russie et la Banque populaire de Chine en atteste éloquemment.

Voyons maintenant ce que fait la France, à croire que ses dirigeants ont irréversiblement perdu cet esprit cartésien qui définissait jusqu’ici l’excellence de la politique française. Obsédés par le salut de l’euro, ils traînent des pays comme la Grèce en espérant une dévaluation plus ou moins conséquente de l’euro qui freinerait la hausse de la taxe sur la dette. Bras dessus bras dessous avec l’Allemagne, la France traîne comme Sisyphe traînait sa pierre les vicissitudes de la zone euro avec son PIB déclinant. Et c’est là que jaillit, comme un diable à ressort, l’Ukraine. Le Maïdan n’a pas porté les fruits qu’il était censé porter, le FMI n’étant pas satisfait du tournant qu’ont pris les évènements d’abord en Crimée – déception sans nom – puis dans le Donbass où la guerre d’usure use plus l’armée que la Résistance. La Russie se montre intransigeante sur le dossier gazier, les oligarques se crêpent le chignon, etc. Bref, qui va payer les pots cassés et le pilonnage des maisons à Donetsk et Lougansk ? Mais les grandes puissances européennes en premier lieu, donc la France y compris ! Les 3 milliards qui ont été transmis au mois de mars à Kiev proviennent directement du budget européen, c’est-à-dire de l’argent des contribuables. On sait que le début des opérations punitives dans le Donbass démarra au printemps. Conclusion ? Or, en lisant les commentaires laissés par les lecteurs dans les journaux en ligne – journaux parfaitement ancrés dans le mainstream médiatique – on s’aperçoit qu’il y a une rupture de plus en plus marquée entre le peuple et le gouvernement. On ne saurait cacher trop longtemps le sentiment d’incompréhension, voire d’injustice qui anime les Français.

Le vaudeville des Mistrals, livrés-pas livrés- pas encore livrés- peut-être livrés un jour et j’en passe contribue à faire déborder le verre. Paris a beau répéter qu’il n’a jamais subi les pressions de Washington, cette histoire ridicule commence comme par hasard au moment où BNP Paribas s’attire les foudres d’Uncle Sam pour avoir violé l’embargo contre le Soudan, l’Iran et Cuba. Là encore, les Français ne comprennent pas. Selon un sondage en ligne récent, environ 77% d’entre eux se prononcent pour la livraison. Et pour cause ! L’affaire des Mistrals pourrait coûter plus de 1000 postes rien qu’à Saint-Nazaire, une compensation de l’ordre de 1,3 milliards d’euros et un contrat avec l’Inde sur les Rafales. Un peu cher, n’est-ce pas ? Sans compter que l’image diplomatique de la France est gravement en jeu.

De même en va-t-il pour la politique moyen-orientale, en particulier syrienne, de la France. Là encore, quel parfait suivisme ! L’augmentation du nombre de djihadistes partant en Irak ou en Syrie (environ 3500 personnes si on compte les détenteurs de la double nationalité) pas plus que la radicalisation de l’islam dans les quartiers sensibles ne semblent avoir d’influence sur la diplomatie française vis-à-vis de Damas. La France a rejoint la coalition anti-EI comprenant pourtant bien qu’il ne saurait y avoir de combat efficace contre les djihadistes sans l’aide du soi-disant « dictateur Bachar ». La France, aurait-elle épousé le point de vue de M. Erdogan selon lequel Assad est bien plus sanguinaire que ne le sont les coupeurs de tête de l’EI ? Le renseignement français avait déjà proposé à moultes reprises de se mettre discrètement d’accord avec les services secrets syriens. La réponse est non, obstinément, car Damas demande en échange une restauration de ses relations diplomatiques avec la France, demande, si je ne m’abuse, pour le moins logique.

On le voit donc, la dissolution de la souveraineté française, de son visage diplomatique, le fait d’adopter des décisions qui vont à l’encontre des intérêts internationaux sont autant de symptômes qu’il semble difficile de traiter dans un climat de stagnation. Se trouvera-t-il un nouveau de Gaulle qui viendra secouer le cocotier ?

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