Les écueils du règlement en Syrie

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Alep est une ville syrienne qui, au cours des siècles, est devenue, comme Istanbul turc, un lieu de cohabitation de nombreuses ethnies, religions et cultures. Mais si Istanbul, situé au bord de la mer et représentant, du point de vue géographique, un pont entre l'Orient et l'Occident, était initialement voué au destin d'une ville cosmopolite, Alep l'est devenue grâce à la magie et à la sagesse des Arabes, Européens, Azéris, Arméniens, Hébreux et des représentants d'autres ethnies qui y ont coexisté paisiblement sans aucun problème.

Aujourd'hui, près de quatre ans après le début de la guerre civile, la ville est pratiquement détruite et ses fameux marchés et places sont devenus un champ de bataille.

C'est probablement suite aux réflexions sur le passé merveilleux d'Alep que l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan De Mistura a eu un projet appelé à « geler » le conflit au niveau local. Lui-même considère ce projet comme « concret et réaliste ». Il en est venu à cette conclusion après une série de rencontres de trois jours avec des dirigeants syriens, le président Bachar al-Assad compris.

Nous connaissons Staffan De Mistura comme un homme possédant une riche expérience, un excellent diplomate, et nous ne mettons pas en doute ses bonnes intentions. Il dit que si cela marche à Alep, cela pourra entamer le processus de règlement politique dans d'autres régions de Syrie et servir de base pour l'arrêt de la guerre civile. Malheureusement, dans chaque guerre, l'accord ne peut intervenir qu'à condition que toutes les parties intéressées soient prêtes à le signer. En Syrie, de telles parties sont très nombreuses.

Le 26 novembre le ministre des Affaires étrangères de Syrie Walid Mouallem se rend à Moscou où il aura une rencontre avec le président Poutine. Il sera question des conditions du début des négociations. Mais Damas, Moscou et Téhéran ont beau faire avancer le processus de paix, les problèmes majeurs concernent les rapports entre de nombreux groupes d'adversaires du régime, ainsi que ceux entre les sponsors de l'opposition.

A l'heure actuelle, les Etats-Unis et la plupart des pays du monde arabe sont presqu'entièrement concentrés sur la lutte contre les extrémistes de l'EI. Une position à part est occupée par la Turquie dont le président a déclaré récemment que son pays ne se joindrait pas à la coalition occidentale anti-EI car les Américains n'avaient pas rempli toutes les conditions d'Ankara. En d'autres termes, le dirigeant turc n'est disposé à entamer la guerre contre les terroristes qu'à condition que ce soit également celle pour le renversement d'al-Assad. Le même état d'esprit règne en Arabie saoudite qui s'est ralliée à la coalition occidentale, mais s'évertue à renverser al-Assad afin d'affaiblir l'Iran. Suite à l'échec d'un nouveau tour de négociations, le vice-président des Etats-Unis Joe Biden a entrepris un déplacement à Ankara pour persuader les Turcs de coopérer ou, au moins, autoriser à utiliser la base aérienne d'Incirlik pour mener des raids contre les terroristes. Pour faciliter sa tache, le président Obama a déclaré une nouvelle fois quelques jours avant la visite que bien que Damas ait été informé à l'avance sur les actions des forces aériennes des Etats-Unis en Syrie, la coopération avec le régime n'était pas souhaitable ou possible et que le pouvoir d'al-Assad restait « illégitime ».

En attendant, les Américains ne peuvent pas se permettre de renverser le régime d'al-Assad car ils comprennent bien que les bombardements et l'envoi de 3 500 soi-disant « instructeurs » ne suffisent pas pour éliminer les djihadistes en Syrie et en Irak. Tandis que la chute du régime provoquera la croissance de la menace terroriste dans l'ensemble de la région. Mais ce n'est pas tout. Les Etats-Unis et plus particulièrement le président Obama, ont besoin d'un quelconque succès dans la politique étrangère, tandis que la guerre contre al-Assad fera une croix sur toutes négociations avec l'Iran. Téhéran n'est pas seulement un allié des Etats-Unis dans la lutte contre l'EI, indispensable pour maintenir la stabilité en Irak. Un accord entre les deux pays aurait permis à Washington d'affaiblir les positions des alliés de la Russie.

De cette façon le vieil adage disant que « l'ennemi de mon ennemi n'est pas mon ami » ne fonctionne pas.

Les Etats-Unis ne sont pas disposés et ne peuvent pas se permettre d'agir de cette façon, qui serait contraire aux accords historiques conclus avec la Turquie et l'Arabie saoudite. D'autre part, ils sont incapables de leur imposer leur volonté. En Syrie, chacun joue son jeu et si, dans certains cas, de vieilles alliances gardent encore leur actualité, il y a d'autres situations dans lesquelles les principaux acteurs cherchent de nouvelles solutions.

La question reste donc ouverte, bien que nous espérions que l'optimisme de Staffan De Mistura n'est pas sans fondement. Malheureusement, sans pouvoir réunir autour de la table des négociations les principaux acteurs – le gouvernement de Damas, la Russie, l'Iran, la Turquie, l'Arabie saoudite, les Etats-Unis et les petits pays du Golfe finançant les bandes armées – tout « gel » du conflit, même si un accord là-dessus intervient, sera très limité aussi bien dans l'espace que dans le temps. /N

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