Oskar Freysinger sur les 3 questions référendaires posées aux Suisses

Oskar Freysinger sur les 3 questions référendaires posées aux Suisses
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Dimanche 30 novembre, les Suisses ont été appelés à exprimer leurs avis sur trois questions qui, apparemment, n’étaient pas liées entre-elles.

Environ 74% des Suisses ont dit non à une nouvelle limitation de l'immigration. Les votants ont aussi nettement refusé les deux autres textes sur lesquels ils étaient consultés, à savoir la suppression des forfaits fiscaux réservés aux étrangers fortunés, et la hausse de la réserve d'or de la Banque nationale suisse.

Nous avons demandé l’avis de l’homme politique suisse, membre de l'Union démocratique du centre et Le conseiller d'Etat valaisan, Oskar Freysinger.

Oskar Freysinger : Tout d’abord, je me réjouis de la bonne santé de la démocratie directe en Suisse, une fois de plus le peuple suisse a voté, comme il le fait quatre fois par an, sur des sujets divers.

Cette fois-ci, il s’agissait de trois sujets. D’abord, c’était une initiative, dite écopop, qui voulait réduire l’immigration a 0,2% de la population. Le deuxième volet dans cette initiative est le financement pour trois millions de mesures de contrôle de naissance dans le tiers-monde. Une sorte de « distributions des préservatifs dans le tiers-monde » Le texte était très mal écrit, il n’était pas convaincant : le citoyen suisse peine à imaginer qu’il faille dépenser cette somme pour les préservatifs dans le tiers-monde… C’est un peu étrange que l’unité de la matière ait été très faiblement garantie. D’autre part, fixer un chiffre précis de 0,2% dans la Constitution, sachant les difficultés que nous avons pour reformer la constitution, c’était pousser un peu trop loin. Le peuple a sagement refusé ça, et je suis très étonné qu’un texte aussi mal écrit puisse recueillir 27% d’opinions…

Cela indique qu’il y a un malaise au niveau de l’immigration, on ne peut pas le nier. Le peuple, en acceptant le 9 février l’initiative populaire fédérale pour un meilleur contrôle de l’immigration avait déjà donné un mandat au gouvernement, beaucoup plus flexible et plus ouvert, plus adapté aux réalités économiques.

La Voix de la Russie : Vous avez dit que c’est la deuxième fois cette année que les Suisses se prononcent. Cela indique qu’il s’agit d’un thème brulant pour la France ?

Oskar Freysinger : On voit que le nombre de requérants pour un pays comme la Suisse est absolument démesuré. Nous avons 30 000 demandeurs d’asile qui sont entrés en Suisse, parce que l’Italie ne ferme plus ses frontières, elle ne contrôle plus rien et laisse simplement passer les gens, sans même ouvrir de dossiers. Tout le système Schengen est remis en question. Les accords de Dublin prévoient que tout le monde joue le jeu, que les frontières extérieures de l’espace soient étanches. Dans les faits, elles ne sont pas, c’est une vrai passoire, tout le monde entre comme il veut dans ce dispositif. Une fois à l’intérieur du dispositif, les pays ne jouent pas le jeu… Lorsque le requérant transite par l’Italie, par exemple, le pays ouvre un dossier. Et le pays où il se rend ensuite peut le renvoyer vers le pays du premier accueil. Or, la Suisse est en plein centre, et elle se retrouve avec 30 000 requérants, dont pour beaucoup on ne connait pas le pays du premier accueil, puisqu’aucun dossier n’a été ouvert, et on ne peut pas les renvoyer. Le système est un énorme échec, cela ne fonctionne pas.

Si vous cumulez l’accord du Dublin, cet afflux massif de requérants et demandeurs d’asile venant d’Afrique (il y en a aussi un peu des Balkans), cumulé avec l’abandon des frontières et la libre circulation, on obtient un cocktail explosif. Au lieu de 15-16 000 nouveaux citoyens qu’on nous a promis lorsqu’on a voté pour la libre circulation, on approche des 100 000 chaque année qui viennent habiter en Suisse… Le bilan, entre ceux qui partent et ceux qui restent, c’est 100 000 de plus chaque année. Pour la Suisse, qui est un petit territoire de 42 000 km2, pour une grande partie couvert de montagnes inhabitables, la densité de la population augmente. Nous avons actuellement une infrastructure qui est conditionnée pour 7 millions, et nous sommes 8 millions. Viendra un moment où cela va nous coûter horriblement cher et la densité de la population va détruire la qualité de vie des gens.

Il y a eu le deuxième objet [de vote] qui portait sur les forfaits fiscaux. Les étrangères fortunées qui vivent en Suisse et qui ont des activités économiques ailleurs, payent une taxe sur la dépense. C’est une manière de les fiscaliser un peu différente et adaptée à leur statut. Evidemment, le Parti socialiste a voulu abroger en disant que ce sont des privilèges pour les riches, en faisant croire qu’ils ne payent pas d’impôts – alors, qu’ils en payent ! Simplement, on a pu trouver pour eux un mode peu bureaucratique et un peu avantageux pour ces riches. On préfère qu’ils payent des impôts en Suisse plutôt que dans d’autres pays où on leur propose également des avantages fiscaux. Là, le peuple a été très clair aussi : 60% ont maintenu les forfaits fiscaux, en se disant que si on « expulsait » ces riches étrangers, c’est la classe moyenne qui devrait compenser et payer plus d’impôts. Ainsi, ils ont préservé leurs bases économiques.

LVdlR : La troisième question portait sur la nécessité ou non de fixer le plafond de réserve d’or. Là, on a répondu non encore une fois, les Suisses ont-ils eu raison ?

Oskar Freysinger : C’était de contraindre la Banque Nationale à avoir toujours au minimum 20% de réserve d’or comme socle de sécurité. Le peuple n’en a pas voulu. Au niveau des citoyens, on a confiance actuellement dans le système financier mondial. J’ai quelques doutes. J’ai comme impression que ce système est comme un « jeu de l’avion », qu’il y aura beaucoup de perdants et peu de gagnants, quand il va s’effondrer. Je crois que la crise d’envergure mondiale est envisageable.

L’avantage avec l’or est que ça soit toujours une valeur « refuge » en cas de crise. La question qu’on a posée au peuple est un pari sur l’avenir : « Est-ce que vous avez confiance dans le système économique et financier actuel ? » En cas de réponse positive, bloquer 20% d’or n’est pas une nécessité. S’il y a un risque d’effondrement, de grave crise, 20% de réserve d’or pourrait être un viatique au moment ou la monnaie papier ne vaudra plus rien.

Si le système continue comme ça, puisque rien ne se passe, ceux qui ont lancé cette initiative ont eu tort, et s’il y a une grave crise, on regrettera ne pas les avoir écouté. Malgré le vote, la Banque Nationale ne doit pas pouvoir éviter d’augmenter un peu ses réserves d’or… qu’elle a vendues au pire moment ! La moitié de la réserve d’or a été vendu il y a 7-8 ans au moment où l’or était au plus bas. On a perdu dans l’affaire 70 milliards ! Ils vont re-remplir ces stocks, ils en sont maintenant à entre 7 et 9% de couverture d’or. On va s’acheminer vers la hausse de cette réserve d’or.

Commentaire de l’auteur. Sur les trois questions posées aux Suisses, la question de l’immigration a déjà une fois attiré les foudres des voisins du peuple helvétique en février dernier. Un des premiers pays était la France où le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a qualifié les résultats du vote comme une « mauvaise nouvelle à la fois pour l'Europe et pour les Suisses, puisque la Suisse refermée sur elle-même, ça va la pénaliser » Soit, l’appréciation morale peut encore passer, mais la remarque suivante de Laurent Fabius, placée sur le plan économique, donc, d’emblée plus cartésienne, traduit des préoccupations d’ordre différent : « C'est paradoxal puisque la Suisse fait 60 % de son commerce extérieur avec l'UE et vit très largement de l'UE » Cela sonnait presque comme une menace.

Malgré les mises en garde par un autre ministre français, à l’époque - ministre de l'Intérieur Manuel Valls – qui voyait dans cette décision des Suisses « un signe préoccupant d'un repli sur soi [...] et une mauvaise nouvelle pour les Suisses eux-mêmes », la population helvétique reste ferme sur la question de l’immigration, tout en gardant l’esprit clair pour ne pas s’enticher de détails. En fin de compte, l’énoncé le plus important ajouté à l’article 121 de la Constitution fédérale est resté sans changement : le pays « gère de manière autonome l’immigration des étrangers » en gardant des quotas annuels fixés selon les besoins de l'économie « dans le respect du principe de la préférence nationale ».

Il ne nous reste qu’à constater que le Front national français qui a souligné que les Suisses ont su exprimer leur souveraineté face à la pression de l'Union Européenne et au courant de pensée unique de la classe dirigeante européenne, a raison sur ce point. /N

 

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