Les français combattent dans les rangs de l’Etat Islamique

Les français combattent dans les rangs de l’Etat Islamique
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Et si un jour votre enfant s’intéressait aux dogmes musulmans, puis prenait des armes et finissait pas aller faire du Djihad en Syrie ou en Irak ? Serait-ce un enfant qu’on « enterre vivant », une malédiction de toute la famille, une histoire qu’on cache au fond de son cœur ? Ou bien, au contraire, un enfant prodigue qu’on aime et dont on attend le retour pour tout lui pardonner ?

Le père du djihadiste breton se réjouit de le savoir en vie. Apprenant que son fils David donné pour mort était en vie, père de famille Patrice Drugeon s’est dit « soulagé » mais « inquiet ». Mais est-ce une véritable miséricorde chrétienne ?

Nul ne peut se croire épargné d’une telle infortune. Notre interlocuteur Tarik Yildiz, sociologue, auteur du livre « Le racisme anti-blanc », constate une tendance atroce qui fait gémir les parents français, en plus, les familles européennes : de plus en plus de jeunes gens font gonfler les rangs de l’Etat islamique, peu importe s’ils sont convertis à l’islam ou non. Ecoutons l’analyse de Tarik Yildiz.

Spoutnik. Des jeunes Européens, essentiellement, originaires de France, de Belgique et de Grande-Bretagne, s’engagent dans le Djihad en Syrie et en Irak. Comment pourriez-vous commenter ce phénomène sociétal ?

Tarik Yildiz. Il faut comprendre qu’il y a plusieurs facteurs qui sont en cause dans ce domaine. Dans les différentes sociétés, il y a, en général, un certain vide idéologique qui peut être comblé par une idéologie qui paraît comme étant radicale, salafiste ou complètement jusqu’au-boutiste. Ça peut séduire un certain nombre de jeunes qui sont en manque de repères parfois familiaux, idéologiques. C’est la première chose.

Ensuite, il y a un aspect « aller un peu à l’aventure ». Il y a des gens qui se radicalisent à travers le discours officiel de ces Etats, notamment, en France, par exemple, ou en Grande-Bretagne, où l’on a dit que Bachar el-Assad est un assassin qu’il fallait éliminer. Je pense que de tels discours ont dû jouer dans l’inconscient collectif pour se dire qu’en allant là-bas, on va sauver des enfants, on va aller à l’aventure, on va jouer aux héros. Cet aspect n’est, peut-être, pas majoritaire mais il existe également.

Et enfin, il y a une forme particulière à certains pays, je pense, notamment, à la France et à la Belgique, où une jeunesse qui a commis parfois une petite délinquance et qui, en prison, notamment, ou à travers les rencontres sur Internet, s’est radicalisée elle-même et a trouvé une voie pour sortir de cette délinquance à travers le Djihad et, je n’ose pas dire l’islam, mais le salafisme radical, cette nouvelle religion sectaire qui est très radicale.

Spoutnik. Cependant, il semble que ces gens ne trouvent pas toujours ce qu’ils cherchent dans le Djihad…

Tarik Yildiz. Non. Effectivement, on peut s’imaginer que quand ils rejoignent l’Etat islamique, il y a des désillusions. Des jeunes se disent que ce n’est pas ce qu’ils sont venus chercher, mais d’autres s’y plaisent complètement. Ils participent à cette guerre très activement contre les forces armées en Syrie ou en Irak, ils participent à des enlèvements, à des exécutions. Ce ne sont pas les jeunes gens complètement innocents, pour la majorité, ils sont conscients des choses.

Spoutnik. Et si ces gens-là reviennent un jour en Europe ?

Tarik Yildiz. C’est la vraie question. C’est-à-dire que ces jeunes peuvent potentiellement revenir, ce qui va poser un certain nombre de problèmes qu’on peut déjà commencer à mesurer. C’est quelque chose d’extrêmement inquiétant qu’il faut prendre au sérieux. Il faut bien se rendre compte que si la nature a horreur du vide et que s’il y a un vide quelque part, une autre chose va venir combler ce vide. C’est particulièrement vrai dans cet état-là parce qu’en réalité, il y a un sentiment de vide au niveau des Etats européens, notamment, un vide un peu idéologique dont j’ai déjà parlé. La notion de patrie, d’Etat, etc., s’est effilée avec le temps, il n’y a plus d’institutions qui transcendent un peu les gens. Donc, cette société de plus en plus individualiste a provoqué un certain nombre de contre-réactions. Une de ces contre-réactions est ces idéologies tout à fait radicales qui peuvent être très inquiétantes. Ces gens-là ont changé d’idéologie en quittant en France. Et leur retour (et cela peut arriver) est une véritable problématique pour l’ensemble des sociétés dans le monde.

Spoutnik. Peut-on encadrer ce phénomène ? Quand est-il né ? Comment la situation va-t-elle se développer à l’avenir ?

Tarik Yildiz. Ce n’est pas une première. Ce phénomène a existé il y a quelques dizaines d’années lors de différents conflits. On a pu voir des jeunes qui allaient faire le Djihad dans cet état d’esprit. Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur de phénomène. C’est-à-dire que le conflit syrien, cette guerre civile en Syrie qui dure plus de trois ans, a créé un environnement propice parce qu’il y a des passeurs qui font passer des gens, il y a des groupuscules djigadistes qui ont favorisé la situation, qui ont fait de la publicité pour attirer des jeunes, et donc l’évolution de la société s’est également produite. Pour certains pays, il faut parler de la délinquance, des gens qui ont été condamnés et multiples fois sont allés en prison, par exemple. Ajoutez à cela l’influence de l’Internet ces dernières années, ajoutez à cela ce chaos syrien qui favorise les comportements barbares sans s’en rendre compte. Tout cela a fait que ce phénomène a pris une mesure considérable. Et donc, c’est une réalité d’aujourd’hui.

Spoutnik. Serait-ce une tendance ?

Tarik Yildiz. Oui. Ce phénomène se développe de plus en plus. Il faut prendre des mesures contre à court terme et à long terme. Il y a deux aspects dans cette problématique. A court terme, il s’agit de contrôler les frontières, contrôler les gens qui reviennent. Il y a également des solutions à long terme : il faut donner un cadre à ces gens-là, il faut être ferme dans le cas de délinquance, il faut redorer l’image de certains institutions, comme l’école ou le sentiment d’appartenance à une patrie, etc., ce qui ferait qu’on ne livrera pas un chemin libre à ces idéologies radicales.

Commentaire. L’ampleur grandissante de l’Etat islamique qui contrôle un territoire comparable à la Jordanie, avec près de 9 millions d’habitants, exige l’afflux de combattants européens. Convaincus d’avoir raison, les jeunes gens diffusent leurs vidéos dont de propagande afin de convertir leurs compatriotes de tout bord, publient des sefies où ils tiennent des têtes coupées des infidèles.

Les Européens sont très utiles à l’Etat islamique. Les otages libérés de l’Etat islamique racontent qu’ils étaient gardés par des rebelles anglophones. Les djihadistes étrangers peuvent envoyer des messages aux familles des otages en leur langue natale pour discuter les conditions de leur libération.

De plus, les djihadistes européens participent directement dans les combats à l’égal des autres. Certains d’entre eux massacrent non seulement les musulmans et les chiites, mais également les sunnites « modérés ».

Pour le moment, les mesures européennes de « déradicalisation » ne suffisent pas parce qu’il s’agit des questions extrêmement délicates. Tout échec conduira à une solidarité musulmane paneuropéenne, lourde de conséquences. Aujourd’hui, il n’y a pas de garantis que les extrémistes d’hier n’ouvriront pas demain le feu dans les rues de Paris, Londres ou Bruxelles.

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