Sergueï Lavrov sur la crise en Ukraine et le conflit avec l'Occident

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Sergueï Lavrov sur la crise en Ukraine et le conflit avec l'Occident - Sputnik Afrique
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Dressant le bilan de l'année qui s'achève, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a raconté dans un entretien au quotidien Kommersant comment son ministère appréciait les sanctions antirusses, qui à Kiev représentait le « parti de la paix » et qui le « parti de la guerre » et a donné des explications sur l'attitude de Moscou envers le régime politique en Ukraine.

Quel est, à votre avis, le sens des sanctions occidentales ?

Les ce qu'on appelle sanctions visent dans une grande mesure à ruiner les concurrents.

Pour ce qui est de la composante politique de ces sanctions je tiens à vous dire que jusqu'à présent, quand des mesures coercitives ont été adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU, nos partenaires occidentaux ont été les premiers à appeler à ce que les sanctions visent concrètement les dirigeants qui n'accomplissaient pas les décisions de l'ONU et à faire tout pour éviter leurs retombées secondaires négatives pour la population.

Dans le cas de la Russie, une logique diamétralement opposée a été choisie. On déclare publiquement que les sanctions visent à causer un préjudice irréparable à l'économie russe pour que le peuple se rende compte combien la vie est mauvaise sous le régime en place.

Mais en introduisant les sanctions, les Etats-Unis et l'UE ont expliqué qu'elles étaient liées à certaines actions de la Russie.

Les prétextes de cette pression sont choisis d'une façon très malhonnête. Ainsi en juillet, des sanctions sectorielles, annoncées comme les plus maladives pour l'économie russe, ont été décrétée sur fond d'une vague d'hystérie déclenchée par le crash du Boeing malaisien. Les miliciens ont été alors déclarés coupables sans enquête ni jugement, sans aucune investigation, bien qu'ils aient remis inconditionnellement aux experts néerlandais les « boîtes noires » retrouvées tout à fait intactes. Il va de soi que la Russie a été accusée. A présent tous gardent le silence sur le drame du Boeing malaisien et nous sommes, de fait, seuls à appeler à prêter l'attention au fait que l'enquête s'éternise d'une façon tout à fait injustifiée. Nos partenaires occidentaux gardent le silence ou, à la rigueur, disent qu'un an encore est nécessaire. Il est malhonnête et malpropre d'utiliser un drame pour parvenir à des fins géopolitiques.

Quelle est votre prévision de sanctions pour l'année prochaine ?

Nous ne faisons pas de prévisions, ce sont leurs problèmes. Nous nous occupons de notre économie. Nous allons oeuvrer fermement pour que les engagements internationaux de nos partenaires ne soient pas violés : mais ils les violent déjà. Le cas échéant, nous allons entreprendre des démarches juridiques appropriées.

Vous avez plusieurs fois utilisé les notions de « parti de la paix » et « parti de la guerre » eu égard aux politiques de Kiev. Quels politiques ukrainiens selon vous en font partie ?

Les déclarations des dirigeants ukrainiens permettent de juger qui veut quoi. Bien que très souvent ils fassent des déclarations similaires. Mais il y a certes des choses que nous séparons de la rhétorique. Pour nous ce sont les actes et non pas les paroles qui importent. En ce qui concerne les actes, nous constatons l'attachement du président d'Ukraine Piotr Porochenko aux accords de Minsk, sa volonté d'obtenir leur application ce qui a été confirmé le 22 décembre au cours de la conférence téléphonique avec la participation des présidents de Russie, d'Ukraine et de France et de la chancelière d'Allemagne.

Comment voyez-vous les perspectives du processus de Minsk ?

Le processus n'est pas simple, parce qu'il s'agit des accords cadres qu'il faudra traduire en actions concrètes. Cela se fait déjà et j'espère que le processus touche à sa fin en ce qui concerne la ligne de démarcation définitive. Le retrait des armements lourds commence déjà, le travail « au sol » entre les militaires ukrainiens et les représentants des milices est mené avec l'aide des officiers russes qui ont été envoyés à l'invitation personnelle du président ukrainien Piotr Porochenko. J'espère que dans les jours qui viennent le processus ira plus vite qu'avant. Du moins, tous constatent une brusque diminution du nombre d'incidents, les gens ne sont plus tués. Il y a des victimes, mais cela n'a rien à voir avec ce qui se produisait auparavant.

Ces derniers temps vous avez fait plusieurs déclarations contradictoires. Dans un récent entretien sur France 24 vous avez dit que la Russie « ne proposait pas le fédéralisme ou l'autonomie » pour les régions de Donetsk et de Lougansk. Mais fin mars vous avez dit que les forces politiques en Ukraine devaient « s'entendre sur la fédération qui offirait à chaque région de vastes compétences ».

Je dis toujours la même chose. J'ai dir sur France 24 que nous n'imposons à l'Ukraine aucun terme concret : que cela s'appelle fédération, décentralisation, dans l'anglais il y a une foule de synomymes pour cette notion. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry m'a dit un jour qu'ils avaient besoin de la décentralisation ou, pour reprendre son propos, de « dévolution » ce qui signifie la délégation des pouvoirs.

Cela nous est égal. Les gens au pouvoir en Ukraine doivent s'entendre sur les questions relatives à la langue, à la culture, à l'histoire, sur la répartition des impôts, l'élection des chefs de région, sur leurs rapports avec le centre, enfin, sur les fêtes à célébrer. Nous comprenons que pour l'ouest de l'Ukraine le 9 mai n'est pas la même chose que pour les Russes et la majorité écrasante des habitants du sud-est de l'Ukraine.

C'est une construction très compliquée. Les tentatives pour se contenter de la mise en place d'une commission de la Rada (prévue par l'accord de coalition) au sein de laquelle les oligarques et les politiques définiront les paramètres du régime constitutionnel qui les arrangent ne feront que balayer le problème sous le tapis. Une réforme constitutionnelle ouverte et inclusive, comme prévue par la déclaration de Genève en avril, avec la participation de toutes les régions et de toutes les forces poltiiques est nécessaire.

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