Bilan du marche d’armement

Bilan du marche d’armement
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En cette veille de Noël, le miracle attendu n’a pas eu lieu. Si l’année précédente était marquée par la livraison de porte-avions russe Vikramaditya à l’Inde, en 2014, la France a fait couler les contrats du siècle : Mistral avec la Russie et Rafales avec l’Inde. Cette année, riche en événements, le rapport des forces a changé sur le marché d’armement.

Notre interlocuteur n’est pas à présenter. Grand spécialiste de problématique militaire, expert de l’IRIS, Philippe Migault a aimablement consenti à dresser le bilan de l’année 2014 en termes d’exportation d’armement.

Spoutnik: Quelles sont les grandes réussites et les échecs de la France en ce qui concerne les industries d’armement ?

Philippe Migault: C’est une très bonne question parce qu’on peut envisager les échecs et les réussites d’un point de vue opérationnel, commercial et strictement technique. Je pense que du point de vue opérationnel et technique, la France a démontré encore une fois, que ce soit dans le cadre de ses opérations au Mali ou dans le cadre de ses interventions en Irak, qu’elle avait des matériels au niveau de l’armée de l’air, des avions de combat qu’au niveau du matériel terrestre qui étaient à la pointe de la technologie. C’est la première satisfaction, mais c’est plus une confirmation qu’une surprise.

La deuxième satisfaction – c’est l’avancée du contrat Rafales en Inde qui semble être enfin sur la bonne piste avec un certain nombre d’autres prospects, notamment, dans les pays du golfe Persique qui se dessinent pour les Rafales. Et si ces prospects venaient à se confirmer, ce serait une très bonne nouvelle pour l’industrie de Défense française.

S.: Et quant aux Mistral ? Car, évidemment, les deux affaires, les Mistral et les Rafales, sont étroitement liées.

Ph. M.: Ah, mais vous m’avez demandé de vous parler des réussites (rit) ! Si vous me demandiez de parler des Mistral, vous me demanderiez de parler d’un échec. Le Mistral est à la fois une victoire et un échec. C’est une victoire parce qu’il y a eu un appel d’offres que la France a gagné, parce que nous avions le meilleur bateau et que nous avions su séduire nos clients russes. L’échec – c’est que nous n’avons toujours pas pu le livrer et que nous ne savons pas comment nous allons enfin trouver une solution pour que toutes les parties sortent honorablement de cette situation et que ce contrat aille enfin à son terme. Oui, on a un vrai souci de ce point de vue-là et je vois difficilement comment nous pourrions avoir une porte de sortie rapidement.

S.: Quelle est la place de la France sur le marché d’armement en comparaison avec la Russie et les Etats-Unis ?

Ph. M.: Je n’ai pas les chiffres en tête. Traditionnellement, la France se situe à la troisième ou à la quatrième place avec le Royaume-Uni derrière les Etats-Unis, premiers, et la Russie, deuxième. Il faut savoir qu’il y a un certain nombre de pays qui montent en puissance. Je pense, notamment, à Israël qui a signé beaucoup de contrats ces dernières années. La France reste dans les grands leaders mondiaux sur le marché mondial de l’armement, mais il faut faire attention. L’échec du contrat Mistral, l’échec provisoire, j’espère, est de nature à nous faire une mauvaise publicité.

S.: Quels seraient les pronostics pour l’année 2015 ?

Ph. M.: Les pronostics de l’année 2015… Comme on dit en France, « je ne suis pas Madame Soleil ». J’espère que les Rafales vont enfin se rendre en Inde. J’espère aussi que les Mistral, la Vladivostok et le Sébastopol, prendront enfin la destination de la Russie. Et puis, il y a d’autres contrats français et internationaux qui sont très importants. Je parle, en particulier, du contrat Scorpion pour la rénovation en profondeur de l’armée de terre française avec les commandes de plusieurs centaines de blindés. Plus loin, la France a d’importants contrats avec l’Inde dans le domaine de l’artillerie. Voilà, ce sont les grands chantiers et les contrats qu’il faut mener à bien et qu’il faut remporter.

Commentaire. « Pressé fortement sur ma droite, mon centre cède, impossible de me mouvoir, situation excellente, j'attaque ». La position du maréchal Ferdinand Foch lors de la 1ère bataille de la Marne rappelle bien celle du Président russe Vladimir Poutine. Face aux sanctions, à la chute du rouble, aux actions purement inamicales de certains pays, la Russie n’a pas abandonné le terrain.

La métaphore militaire n’y est pas pour rien. En termes d’armement et d’exportation d’armes, la Russie a pris une longueur d’avance. Il y a un an, elle déplorait la coopération militaro-industrielle avec son plus grand client, l’Inde qui avait préféré les Rafales français aux chasseurs russes Su-30MKI. Aujourd’hui, en raison de la non-livraison des Mistral, la France apparaît comme un fournisseur peu fiable, et les appareils russes peuvent être de nouveau privilégiés par l’Inde. L’ambassadeur de Russie en Inde Alexandre Kadakin avait raison en prévenant que les MIG-29 pouvaient « dégommer des Rafales comme des moustiques ».

Face aux sanctions et au renforcement régulier de la présence otanienne à ses frontières, la Russie a fidélisé ses partenaires traditionnels et a fait irruption sur de nouveaux marchés. Prenons l’exemple de la Syrie. En 2016-2017, la Russie va livrer au pays des MIG-29. Grâce à ces chasseurs, adversaires principaux des F-16 américains dont est équipée l’armée israélienne, la Syrie pourrait disputer la supériorité aérienne de l’Etat hébreu. Résultat : l’éventuel changement du rapport des forces au Proche Orient.

De même sur le marché africain. En 2013-2014, la Russie a signé 25 contrats pour un montant total de 1,7 milliard de dollars avec son client de longue date, Angola, ainsi qu’avec d’autres pays, l’Ouganda, le Nigéria. L’Afrique du Sud s’intéresse de nouveaux aux hélicoptères russes. Rappelons que c’est une superpuissance régionale, une sorte de clé qui permettrait à la Russie de gagner le marché continental.

La coopération militaire au sein des BRICS est pour le moment bilatérale, c’est-à-dire que tous les Etats membres sont ou seront équipés d’armes russes. Tout porte à croire que Vladimir Poutine envisage de créer un complexe militaro-industriel commun de Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Les BRICS finiront par se transformer en alliance militaire qui pourrait concurrencer les Etats-Unis et l’OTAN.

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