A travers le Donbass, c’est Moscou qui est visé

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Il serait naïf de croire – quoique très peu d’analystes s’appliquent à transgresser les frontières d’une analyse purement ukro-ukrainienne ou américano-ukrainienne – que le but final de la percée otanienne, à défaut d’avoir pu s’approprier la Crimée, soit le Donbass. Analyse de Françoise Compoint.

Tout comme Damas est visé non pas en tant que capitale syrienne avec un méchant Bachar al-Assad dans son somptueux palais, non pas pour les raffineries du nord de la Syrie mais bien pour avoir accès in fine à Téhéran, de la même manière le Sud-Est ukrainien est dans le collimateur des élites atlantistes selon lesquelles le monde continuera à être unipolaire ou ne sera plus du tout. Pour perpétrer leur existence, ils ont besoin d’étouffer l’hégémonie grandissante de Moscou. Pour ce faire, deux procédés interconnectés sont déployés:

- Déstabilisation interne du pays par le biais, d’une part, d’une certaine partie de l’entourage de Poutine plus sensible aux discours de leurs collègues de Wall Street, d’autre part, d’un groupe hétéroclite d’opposants encore récemment sou-tenus par des ONG occidentales. Les représentants de ces groupuscules disparates qui n’ont pour point commun que l’extrême faiblesse de leur programme avaient été les premiers à critiquer le retour de la Crimée dans le giron russe et à soutenir la thèse d’une ingérence russe dans le Donbass. Dans la mesure où aucune révolution ne se fait sans le consentement des masses – et les révolutions de couleur n’échappent pas à la règle – il fallait faire en sorte que le peuple se lève. Ces individus ont donc soutenu des sanctions qui ont sans conteste suscité le mécontentement d’une grande partie de la population, plus particulièrement de la classe moyenne, majoritaire et de nature grincheuse.

Néanmoins, les efforts fournis n’ont pas porté les fruits auxquels l’on s’attendait. La côte de popularité du Président russe est certes passée de 86% à 71% ce qui, tout en n’étant pas une chute à sous-estimer, ne représente cependant pas une baisse catastrophique dans la mesure où il n’y a plus aucune raison objective à ce que celle-ci progresse. L’UE conçoit avoir été pris à son propre piège et l’Arabie Saoudite, auteur présumé des spéculations sur le baril, a d’autres chats à fouetter suite au décès du roi Abdallah. Enfin, le budget excédentaire de la Russie ainsi que ses grandes réserves de change devraient assurer le redressement du rouble. Enfin, s’il y a un aspect dont les fauteurs de trouble n’ont pas tenu compte, c’est le caractère repoussant du Maïdan. Aucune personne saine d’esprit n’en voudrait chez soi. Il est à ce titre notable que les manifs du genre Bolotnaya ou Sakharov semblent relever du passé. Le plan d’implosion ayant échoué et le Donbass tenant le coup dur qui lui est assené depuis avril, autant faire tomber les masques. C’est à ce stade qu’intervient ce que je qualifierais de stratégie du désespoir. Les USA ne cachent même plus leur implication dans le dossier ukrainien pas plus d’ailleurs que l’importance reconnue, cette fois par le Pentagone, de leur investissement mi-litaire sur le terrain. Fini le temps des prêches évangélistes sur des MP3 rechargeables à l’energie solaire retrouvés dans les poches des « cyborgues » ensevelis sous les décombres de l’aéroport de Donetsk. Le passage au stade de l’occupation puis à celui d’hégémonie totale sur l’ensemble du territoire, c’est maintenant ou jamais. Ainsi:

— L’assujettissement multilatéral prévu dans toutes les régions du pays suppose le génocide des peuples du Donbass. La raison en est simple: les crimes perpétrés par Kiev sont impardonnables. Le Donbass ne saurait faire partie intégrante de l’Ukraine que si les responsables de ces crimes sont jugés. Convenons-en, un Nuremberg ne suffira pas vu que le conflit a été maquillé en guerre civile. La solution finale se traduit donc à travers le pilonnage chaotique et systématique des quartiers résidentiels que nous observons depuis des mois et qui ces dernières semaines s’accentue à vue d’oeil.

— Comme la conscription est plutôt un échec, il faut d’urgence privatiser la guerre en recourant, de un, à plus de mercenaires de type Academi (ancien Blackwater épaulé par l’ex-directeur du centre anti-terroriste de la CIA), de deux, en faisant croire que la Russie, de par son ingérence violente, a poussé l’Ukraine dans les bras de l’OTAN alors donc qu’initialement Kiev n’en voulait pas sur son sol. Dans cette optique, privilégiée depuis le crash du MH-17 et renforcée suite aux provocations de Volnovakha et de Marioupol, la présence ouverte des forces de l’Alliance tant à Kiev que dans les zones de soi-disant « opérations anti-terroristes » est formellement justifiable… en tout cas dans la logique des fameuses ingérences humanitaires, reconnues quoique contraires à la Résolution XX de l’Assemblée générale de l’ONU (1965).  Le Pentagone a donc confirmé que les troupes US seront utilisés au printemps en Ukraine (cf. Jörg H. Ausland pour le site allemand Wissen ist macht: « Un nombre inconnu de soldats sera déployé à des fins de formation à Lviv, plus de soldats suivront et se rapprocheront vers le front »). Soucieux de remonter le moral des soldats ukrainiens blessés, le Commandant en Chef des forces de l’OTAN en Europe leur a rendu visite à l’hôpital militaire de Kiev pour les remercier de leur service. Selon l’ancien secrétaire adjoint à la Défense pour les affaires de sécurité internationales, M. Derek Chollet, « une importante présence américaine » ne devrait pas être nécessaire à la formation de l’armée ukrainienne. Qu’entendre par « importante » sachant que des instructeurs de l’OTAN opèrent depuis belle lurette dans le Donbass, en tout cas semi-officiellement depuis août 2014? Après tout, le drapeau américain flottant sur le bâtiment du SBU à Kiev et une ministre des Finances au passeport américain n’ont jamais été que le sommet d’un immense iceberg qui aujourd’hui dérive menaçant l’équilibre de l’Europe.

Ce passage résolu à l’acte pourrait rendre pessimiste. Mais c’est vite oublier que la Syrie tient depuis plus de trois ans alors que des djihadistes provenant de plus de 87 pays différents participent à sa destruction avec l’aval de l’OTAN et de l’ONU. C’est vite oublier que jamais le recours au mercenariat, si haute soit la qualité de sa formation, n’a été courroné de succès. Probablement parce que se battre pour de l’argent est toujours moins efficace que se battre pour une Idée, pour sa terre ou ne serait-ce qu’au nom de sa survie. 

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