Parce qu'il perdrait à coup sûr le pouvoir s'il faisait des concessions au profit des insurgés, en accordant notamment des pouvoirs supplémentaires au Donbass.
Depuis une semaine, Porochenko fait des déclarations retentissantes. Il a d'abord annoncé qu'il était prêt à ordonner sans délai la cessation des activités militaires dans l'est de l'Ukraine (mais on ignore toujours ce qui lui a finalement empêché de donner cet ordre), puis que le nouveau plan franco-allemand Merkel-Hollande lui convenait parfaitement, avant de dire à voix haute avec un air sérieux qu'il n'avait pas du tout besoin d'armes américaines pour poursuivre la guerre civile.
Beaucoup pourraient trouver ce comportement du président ukrainien étrange et illogique. Après tout, quand on souhaite vraiment un cessez-le-feu total, la décision de rétablir la trêve à elle seule n'est pas suffisante. Même le retrait des armements lourds de la ligne de contact n'aiderait pas le rétablissement d'une paix totale, parce que les chars et les canons pourraient en quelques heures revenir sur leurs positions. Il est clair pour tout le monde que l'Ukraine a besoin de réformes politiques sérieuses et profondes. Mais pourquoi Porochenko les craint-il tant?
"Si la question de la décentralisation et de la régionalisation, actuellement débattue aujourd'hui, se posait, je suis persuadé que de très nombreuses élites d'Ukraine voudraient profiter de ce concept de régionalisation ou de souverainisation. Nous avons Dniepropetrovsk (prêt pour la souverainisation), la Transcarpatie, Lvov. Il existe des élites régionales très puissantes et autonomes, qui voudraient davantage de pouvoir — au moins autant que le Donbass — sans pour autant vouloir faire la guerre", détaille Rouslan Bortnik, directeur de l'Institut ukrainien d'analyse et de gestion politique.
Or, si les régions s'emparaient d'une grande partie du pouvoir, que resterait-il à Kiev? Comment et qui serait gouverné par Piotr Porochenko? Personne. Le président ukrainien est parfaitement conscient des conséquences d'une réforme politique. C'est pourquoi il s'y oppose par tous les moyens.
Mais une décision semble déjà avoir été prise à sa place. Par Washington. Selon les experts, le vice-président américain Joe Biden n'a pas réduit par hasard les frontières de l'Ukraine "de Lvov à Kharkov" lors de son intervention à la Conférence de Munich sur la sécurité le 7 février. "Il n'y a pas de lapsus dans le langage diplomatique. Cette affirmation de Biden sur les frontières ukrainiennes est le résultat d'un débat actif sur la souverainisation du Donbass dans le milieu politique: en d'autres termes, le champ juridique du Donbass sera commun avec l'Ukraine mais devra aussi avoir un certain statut d'autonomie. Biden a bien conscience du fait que le champ juridique et le territoire doivent être communs, mais que sur le plan politique et global le Donbass se différenciera de l'Ukraine dans les 5 à 10 prochaines années. Un point de vue et des idéologies propres s'y formeront, qu'il sera très difficile d'unifier à court terme avec ceux qui existent en Ukraine", déclare Rouslan Bortnik.