K-162: le sous-marin le plus rapide de l'histoire

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Il y a cinquante ans, le sous-marin soviétique K-162 établissait le record mondial de vitesse sous l'eau en dépassant 80 km/h. Aucune torpille de l'époque ne pouvait rattraper ce bolide nucléaire d'attaque.

Le sous-marin nucléaire K-162 (également connu sous le code K-222) a été inscrit sur la liste des navires de la marine soviétique alors même qu'il était seulement en construction. Le premier sous-marin nucléaire du projet 661 Anchar devait marquer l'apparition d'une toute nouvelle classe de sous-marin en URSS, destinés à combattre les groupes aéronavals de l'ennemi.

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Sous-marin nucléaire russe Vladimir Monomakh
Au milieu du XXe siècle, les USA ont définitivement déterminé leur nouvelle stratégie militaire, ambitionnant de dominer les océans par une augmentation de la puissance des forces maritimes offensives sous la forme de groupes aéronavals. A cette époque, l'URSS, qui ne s'était pas encore remise de la guerre, n'avait pas d'argent pour la construction de porte-avions, ni de moyens efficaces pour s'y opposer. La portée des torpilles des sous-marins soviétiques ne dépassait pas 3 à 4 km. Pour lancer des missiles contre les groupes aéronavals américains, les sous-marins soviétiques auraient d'abord dû faire surface, privant l'attaque de tout effet de surprise. Les autorités soviétiques ont donc chargé les ingénieurs et concepteurs soviétiques de créer un missile de croisière qui pourrait être lancé sous l'eau et atteindre de grands navires à plusieurs dizaines de kilomètres de distance, ainsi que le sous-marin approprié pour un tel missile.

Le missile P-70 Ametist (désignation OTAN SS-N-7 Starbright) a été conçu à la fin des années 1960 sous la direction de Vladimir Tchelomeï. Certes, le missile antinavire sous-marin avait une moindre portée (80 km) qu'un missile mer-mer lancé depuis la surface, ainsi qu'une capacité inférieure en termes de poids de l'ogive. Cependant, aucun pays du monde ne disposait à l'époque d'un tel missile. Les ingénieurs soviétiques avaient même réussi à construire un sous-marin inédit pour embarquer et lancer ce missile.

Le porteur du P-70, le sous-marin K-162 construit sous la direction de l'académicien Nikolaï Issanine, était la quintessence de l'ingénierie navale soviétique. La conception et la construction du sous-marin a demandé plus de 10 ans, de la fin des années 1950 au 31 décembre 1969, quand a été signé le décret de mise en service du sous-marin. Et quel sous-marin!

Sous-marin nucléaire du projet 949A Antey - Sputnik Afrique
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Sous-marin nucléaire du projet 949A Antey
Cet unique représentant du projet 661 incluait presque 400 nouveautés techniques. Il était propulsé par un double réacteur à eau pressurisée de 80 000 chevaux (le double par rapport à tous les autres sous-marins du monde). Les réserves de combustible nucléaire dans les réacteurs suffisaient pour réaliser plus de quatre tours du monde à plein régime sans recharger la zone active du réacteur. Le réacteur à eau pressurisée était contrôlé à distance avec indication du régime souhaité en passant automatiquement à la puissance nécessaire pour le régime donné grâce au système automatisé de gestion de la protection et du contrôle. Le niveau d'automatisation et de télémétrie du K-162 dépassait largement celui des sous-marins nucléaires soviétiques et étrangers de l'époque.

Mais la principale différence du K-162 était sa coque solide en titane. Contrairement aux aciers utilisés même aujourd'hui pour la construction des coques de sous-marins, l'alliage de titane est plus solide, non magnétique et résiste à la corrosion. Il n'existait à l'époque nulle part au monde des technologies permettant de fabriquer et souder de grandes pièces de titane. Toute l'industrie soviétique du titane avait donc été significativement transformée pour construire le premier sous-marin de titane d'environ 120 mètres.

Sous-marin diesel russe du projet 877 Paltus - Sputnik Afrique
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Sous-marin diesel russe du projet 877 Paltus
Tous ces efforts ont permis de construire un sous-marin doté de dix systèmes de lancement sous-marin de missiles de croisière, qui a développé une vitesse de 42 nœuds (77 km/h) aux essais de 1969 à 100 mètres de profondeur à 80% de puissance du réacteur. Un an plus tard, le nouveau sous-marin soviétique établissait le record mondial officiel de déplacement sous l'eau en atteignant 44,7 nœuds (presque 83 km/h). Les marins russes ont montré en 1971 ce que cela signifiait pour un ennemi potentiel, quand dans l'océan Atlantique le K-162 a suivi le porte-avions Saratoga de la 6e flotte US, de retour de la Méditerranée à Miami, en dépassant parfois sous l'eau le porte-avions lancé à "toute allure" (30 nœuds).

Ainsi, l'URSS disposait avec le K-162 d'un puissant moyen pour combattre les sous-marins et les groupes aéronavals d'un éventuel ennemi. Ces sous-marins étaient capables de s'approcher rapidement des navires ennemis, de les attaquer sous l'eau et d'éviter rapidement les ripostes. Les navires ennemis et même leurs torpilles étaient incapables de rattraper le K-162 (la vitesse des torpilles dans les années 1970 ne dépassait pas 25 nœuds en mode d'identification de l'objectif et 40 nœuds en régime de rapprochement).

Cependant, la production en série des sous-marins du projet 661 n'a pas été lancée. Après presque 20 ans de service, en 1988, le K-162 a été retiré du service et démantelé en automne 2010.

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Ce sous-marin coûtait en effet très cher. Selon certaines informations, le prix du premier sous-marin aurait pu s'élever à 1% du PIB de l'URSS des années 1960. Autre facteur fatidique pour le projet 661: il était détectable. D'une part, la coque en titane rendait ce sous-marin pratiquement invisible au sonar. Mais uniquement jusqu'à une vitesse de 35 nœuds. Au-delà, l'engin émettait un puissant bruit hydrodynamique dû aux turbulences produites par le flux le long de la coque. Mais personne au monde ne le savait: cela ne s'est révélé que lors de l'exploitation du K-162. Et on ignore jusqu'à présent comment y remédier. C'est pourquoi la vitesse de tous les grands sous-marins russes et américains de troisième ou quatrième génération construits depuis ces quinze dernières années ne dépasse pas 35 nœuds, selon les sources ouvertes.

Le projet 661 a passé le relais de vitesse aux sous-marins nucléaires de classe Lyra (code Otan: classe Alfa). Ces derniers étaient également conçus en titane et, légers (avec un tirant de 2 300 tonnes), ils pouvaient développer 41 nœuds. Ils n'embarquaient pas de missiles, uniquement des torpilles, parce qu'ils étaient conçus pour éliminer des sous-marins ennemis. Les Lyras se sont avérés très maniables — ils atteignaient leur vitesse maximale en moins d'une minute et étaient capable de faire demi-tour en 42 secondes. Selon les sources ouvertes, sept sous-marins de cette classe ont été construits entre 1971 et 1981. Tous ont été retirés du service au début des années 1990.

Ainsi s'est achevée l'histoire des sous-marins soviétiques aux coques en titane. Les ingénieurs ont préféré se tourner vers d'autres solutions techniques pour augmenter la vitesse des sous-marins jusqu'à 35 nœuds. Sachant que quelques sous-marins en titane construits en URSS restent encore en service — deux sous-marins du projet 945 Barracuda (l'un d'eux est en cours de modernisation), deux sous-marins du projet 945A Condor et supposément un sous-marin du projet 941 Akula (classe Typhoon). Mais c'est une autre histoire. 

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