Le rebond de la Russie

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On nous annonçait tous les jours que la situation économique en Russie était effroyable. Mais, la situation économique de la Russie est loin d’être catastrophique. C’est ce que viennent de découvrir, à leur grande amertume et leur non moins grande stupéfaction, des analystes occidentaux.

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Bloomberg: les entreprises russes poursuivent leur essor malgré les sanctions
En effet, jusqu'à ces derniers jours, tel n'était pas le discours dans les médias occidentaux, et en particulier en France et aux Etats-Unis. Cependant, la vérité finit toujours par filtrer. Un chroniqueur de Bloomberg vient de lâcher le morceau. Bien entendu, le papier de Matthew Winkler se concentre sur les opportunités d'investissement en Russie. Mais, son ton tranche radicalement avec ce que l'on pouvait lire et entendre ces derniers mois au sujet de la Russie. Il n'est plus question d'un « défaut » ou de toute autre catastrophe. Il faut alors comprendre où en est précisément l'économie russe et comment elle traverse le choc non des « sanctions » mais de la dépréciation du rouble.

Crise et stabilisation
On se souvient de la crise spéculative de décembre 2014, qui s'était traduite par des mouvements importants et erratiques du taux de change du rouble entre le 12 décembre et le 26 décembre. Ces mouvements ont très largement ébranlés la confiance des russes non en leur monnaie mais dans les banques. Ils ont aussi imposés des mesures restrictives à la Banque Centrale de Russie qui, faute de mettre en place un contrôle des capitaux, a tenté de circonvenir la spéculation en montant de manière très spectaculaires son taux d'intérêt. Ce dernier est ainsi passé de 11% à 17%. Le 26 décembre le taux de change était revenu à son point de départ. Mais, du fait de la perte de confiance des russes dans leur banque, les pressions baissières ont continué à se manifester sur le rouble (graphique 1).

Graphique 1

© Banque Centrale de RussieTaux de change du Rouble
Taux de change du Rouble - Sputnik Afrique
Taux de change du Rouble

Ce dernier s'est déprécié, mais de manière plus lente jusqu'au début du mois de février. Puis, il a commencé à lentement s'apprécier. Actuellement, il semble revenu durablement vers 60 roubles pour 1 dollar et les pressions haussières vont continuer de la pousser sans doute jusqu'à 52-55 roubles. Ceci, alors que la Banque Centrale a commencé à réduire son taux d'intérêt, passé de 17% à 15% puis à 14%. C'est la preuve que la confiance revient lentement. Les dépôts dans les banques se sont remis à augmenter (+3%) dans le mois de février. Par ailleurs, la baisse des paiements dus à l'étrangers par les entreprises et les banques russes dans le cours de 2015 par comparaison à ce qu'elles ont dû rembourser dans le 2ème semestre 2014 est un autre facteur d'appréciation du rouble.

L'économie réelle digère le choc

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La fin de l’Euro et les opportunités pour la Russie
Le point le plus intéressant est la réaction du secteur réel. On annonçait une année 2015 désastreuse. Même le ministre des Finances, M. Silouïanov, prévoyait une chute du PIB d'environ 4%. Or, on s'aperçoit que le secteur réel digère bien mieux le choc de change que ce que certains pensaient. La baisse du PIB ne devrait pas excéder 3% au 1er trimestre 2015, et se situer entre —1,5%/-2,0% pour l'année 2015. La cause de cette résistance est double. D'une part les ménages maintiennent largement leur niveau de consommation, en dépit de la hausse des prix liés aux produits importés, et d'autre part, l'emploi reste relativement stable. Le chômage n'a que peu progressé, de 5,2% à 5,8%. Il devrait sur l'ensemble de l'année 2015 se situer, au pire, vers 6,5%. Il est important de rappeler qu'en 2009, lors de la crise financière mondiale, il avait atteint 9,9%.
Les raisons de cette résistance au choc de change sont multiples. Tout d'abord, l'industrie russe a amélioré grandement sa compétitivité du fait de la dépréciation du rouble. Elle maintient un bon niveau d'activité.

Graphique 2

© Service fédéral des statistiquesEvolution de la production industrielle (en glissement annuel)
Evolution de la production industrielle (en glissement annuel) - Sputnik Afrique
Evolution de la production industrielle (en glissement annuel)

Ensuite, les mesures dites « anti-crise » prises par le gouvernement commencent à porter leurs fruits. Certes, le processus est lent, et inégal suivant les secteurs. Un retard inquiétant semble avoir été pris dans l'industrie agroalimentaire et dans l'agriculture. Mais, dans l'ensemble, ces mesures ont un effet positif. Enfin, la décision de la BCR de baisser le taux d'intérêts rapidement, et sans attendre de baisse significative de l'inflation (qui devrait plafonner en mars autour de 16,5% par rapport à mars 2014) est un signal fort que les autorités sont bien décidées à tout faire pour que le niveau de production reste élevé.

Une économie qui s'adapte

Europe/Russie: prévisions économiques pour 2015-2016 - Sputnik Afrique
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Il est important de noter que l'économie russe en réalité s'adapte aux sanctions et à un environnement international relativement hostile. Les entreprises ont changé de fournisseurs, préférant les pays d'Extrême-Orient (Taïwan, Chine, Japon) aux pays occidentaux. On note des phénomènes identiques pour les flux financiers et le Yuan chinois prend désormais une place de plus en plus grande pour les investissements.
L'économie russe effectue un virage à 180° qui va la conduire à développer de plus en plus ses liens avec les pays d'Asie et les pays émergents. Le seul effet des sanctions aura été de précipiter un mouvement qui était prévisible sur les 10 prochaines années. Mais, l'impact de ce mouvement sur certaines économies européennes se révèle d'ores et déjà important. Les pertes de marché de l'industrie allemande, française ou italienne au profit des industriels d'Asie seront très difficiles à inverser. De fait, la Russie peut même aujourd'hui se permettre d'envisager de lever certaines des contre-sanctions qui avaient été prises en rétorsion et qui ont durement frappé l'économie de pays comme la Grèce ou la Hongrie.
Il apparaît ainsi que si certaines personnes espéraient que les sanctions allaient provoquer une crise sociale d'ampleur en Russie qui aurait pu déstabiliser Vladimir Poutine, ce calcul ne tenait nullement compte de la résilience importante des structures économique en Russie. L'échec de ce calcul conduit dès lors les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne au dilemme suivant: faut-il maintenir, voire renforcer, les sanctions, dont on voit qu'elles ont eu très peu d'effet ou faut-il admettre que la politique des sanctions a été une profonde erreur. Ce dilemme devrait devenir de plus en plus important dans les mois qui viennent.

 

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