Ukraine. Quand les prédateurs se font la guerre

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L’Ukraine se trouve à la croisée des chemins. Deux conflits fondamentaux mettent en jeu son unité à laquelle il conviendrait déjà de soustraire le Donbass sans parler, le dossier étant clos, de la Crimée. Ces facteurs fissurants, les voici. Analyse de Françoise Compoint.

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Primo, nous observons un conflit sans précédent et croissant entre oligarques. Ce conflit d'influences qui tient non seulement à un conflit d'ego pur et dur mais surtout et avant tout à un conflit d'intérêts dans le secteur pétrolier se double aujourd'hui d'un conflit du pouvoir kiévien avec les ultra-nationalistes. Une bonne partie de ces derniers sont généreusement sponsorisés par des oligarques rebelles et influents, dont Kolomoïski.

Parmi ces nazillons de la dernière pluie, nous retrouvons Iarosch, chef du Pravy Sektor, un parti d'extrême droite russophobe et judéophobe fondant son idéologie sur un élitisme ethnique hérité de Dmitri Dontsov (OUN) et de Stepan Bandera. Cette vision du monde est aussi celle des bataillons répressifs dont la presse occidentale ne parle que très peu alors que ces derniers avaient été les premiers à rejeter le brièvement providentiel Minsk-2 et à se livrer à des provocations visant à torpiller l'accord. Mais il y a plus! On sait que des instructeurs de l'OTAN vont former la garde nationale ukrainienne dont fait partie, pour citer un exemple particulièrement frappant, le bataillon Aïdar dont les exactions avaient déjà été dénoncées par Amnesty International en seprembre 2014. Il devait être dissout mais son ancien commandant, Sergueï Melnitchuk, aujourd'hui député à la Rada, a pu obtenir sa conservation au sein de la garde nationale. Non seulement l'OTAN va entraîner des radicaux pour la plupart hostiles à Porochenko qu'ils méprisent mais en plus ils vont rendre service à Benia — surnom donné à Kolomoïski — pour qui ces bataillons (dont ses bataillons à lui, Dniepr-1 et Dniepr-2) sont un levier de pression sur Kiev mais en plus il va déstabiliser le pouvoir central dans une situation hautement incandescente. A moins de supposer que Washington ne se soit décidé à abandonner le chocolatier au profit du Crésus de Dniepropetrovsk, cette démarche dessert clairement ses intérêts.

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Peut-être y aurait-il finalement un projet allant dans ce sens sachant que Porochenko louvoie. La semaine dernière, il constatait qu'une nouvelle campagne militaire dans le Donbass provoquerait des pertes dont le pays ne se remettrait pas de sitôt. Or, il y a environ six jours, il se félicitait des renforts US. Ce louvoiement est aussi celui de Kolomoïski qui avait exprimé il y a peu la légitimité des représentants de la Novorossia, réélus selon lui en cas de nouveau suffrage. Sa remarque avait fait penser qu'il préparait de la sorte une ouverture aux Républiques autoproclamées. Il avait également admis la possibilité d'une décentralisation de la région, ce qui serait une catastrophe économique pour Kiev et l'Ouest du pays. Parallèlement, plus belliciste que le gouverneur de Dniepropetrovsk, tu meurs! Ses bataillons lui coûtent 10 millions de dollars par mois ce qui montre bien que Benia a des convictions pour lesquelles il est prêt à se saigner aux quatre veines. Le conflit s'est renforcé suite à l'assaut de ses milices des locaux d'Ukrtransnafta, un coup de force qui pourrait mettre sa vie en péril.

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D'un autre côté, nous avons un Porochenko inquiet qui choisit la voie de la réconciliation en voulant faire d'une pierre deux coups: nommer le néo-nazi Iarosch ministre de la Défense en excluant ispo facto ce nouveau Maïdan « encore plus sanglant que le premier » que promet le Pravy Sektor, ensuite, sachant que Kolomoïski est en très bons termes avec Iarosch — un paradoxe qui lui a déjà valu la haine d'Israël! — ce serait un moyen d'apaiser les tensions avec celui qui risquerait d'arracher une région industrielle riche à l'Ukraine.

Conclusion: les prédateurs se font la guerre au son des tambours néo-nazis. Et cela en pleine Europe. Nous vivons à une époque surréaliste.

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Secundo, s'il est un autre facteur extrêmement dangereux pour l'unité du pays et sa survie économique, celui-ci est externe. Certains eurodéputés dont Beatrix von Storch ont rappelé que conformément au Traité sur le fonctionnement de l'UE il était interdit de délivrer des crédits aux pays pauvres dont l'Ukraine, au bord de la faillite, fait partie (cf. Freie Welt). Selon la même députée, si cet accord continue à être violé et que l'argent des contribuables sert à financer un pays non membre de l'UE, il faudra se mettre à l'évidence: nous assistons à la création d'un « OTAN économique ». Autrement dit, le Français ou l'Allemand moyen financera une guerre formellement civile dans un pays qu'il ne sait pas toujours situer sur une carte. Cet argument, irréfutable quand on connaît les détails de l'accord et justifiable sur un plan moral, est partagé par d'autres eurodéputés dont le nombre croît à mesure que la crise s'accentue.

Conclusion: sans l'aide de l'UE et vu certaines réticences de Mme Lagarde à financer une guerre, l'Ukraine risquerait de faire faillite avant même que le Donbass ne se retrouve exsangue.

Le noeud se resserre, le temps se rétrécit. Les prochains mois seront décisifs quant à l'avenir d'une Ukraine en pleine désagrégation.

 

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