Le TTIP : l’agriculture française est en danger

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Profitant des sanctions réciproques de l’Union européenne et de la Russie, ainsi que du mal que les Européens ont à réguler la catastrophe financière grecque, les Etats-Unis pressent le pas vers l’hégémonie mondiale économique.

Le 9ième round de négociations qui aura lieu du 20 au 24 avril à New York, planchera une fois de plus sur les chapitres délicats du partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP).

Pour les dirigeants européens, le traité du libre-échange représente une façon de redresser l'économie et d'encourager l'investissement. Si un accord est conclu, il représenterait une plus grande part commerciale et d'investissement direct étranger et concernerait plus de 40 % du PIB mondial. A titre de comparaison, la contribution russe à l'économie mondiale est de 3,5%.

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Mais qu’est-ce qu’il fabrique, ce TTIP?
Cependant, le jeu semble trop dangereux pour en valoir la chandelle. Les peuples du Vieux Continent sortent régulièrement dans les rues pour manifester contre ce qu'on appelle le TAFTA. Innombrables sont les risques pour l'agriculture, si chère à la France, le mécanisme de défense d'investissements en justice, qui porte atteinte à la démocratie, la politique liée aux OGM, en termes de santé, et la position face à la fracturation hydraulique, en termes de l'environnement. Même si un forum de dialogue avec la société civile se tient le 23 avril, comme promis, il y a peu de chances que la population soutienne le traité, nous a confié Franck Laval, président d'Ecologie sans frontière, qui développe le sujet.

« Je pense que ce qu'on appelle le TAFTA, cet accord de libre-échange et de zone douanière commune, est une menace pour l'environnement, la santé et la démocratie. C'est-à-dire qu'il a été discuté à huit clos dans aucune transparence dans les couloirs bruxellois. Le problème est que ce traité, dont nous ignorons le contenu, n'est pas sur la place publique et les citoyens ne sont absolument pas mis au courant. C'est déjà un rejet de la démocratie et une forte atteinte au droit européen.

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D'après ce que l'on en sait, c'est une atteinte sur de nombreux points aux questions de santé et aux questions environnementales. Le TAFTA, si cela se fait, j'espère que non, est un accroissement considérable des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et le Canada, d'une part, et l'Europe, en particulier, la France. La suppression des tarifs douaniers — c'est un abaissement des standards de la production environnementale. Nous prenons les exemples qui nous sont chers, comme la fracturation hydraulique, le gaz de schiste, qui nous serait imposée. Aujourd'hui, la France interdit la recherche et même le forage pour les gaz de schiste. Dans le cas du TAFTA, les entreprises américaines pourraient l'imposer à la France par des tribunaux arbitraires. C'est-à-dire que nous ne serions plus souverains dans ce choix que nous avons fait il y a plusieurs années. Il y a d'autres exemples: le poulet aux hormones, le poulet désinfecté au chlore, le porc, bref, tout ce qui alimentation est traitée de façon beaucoup plus laxiste dans l'agroalimentaire américain que l'agroalimentaire qui, pourtant, n'est pas exempt de performances environnementales et sanitaires. Mais là, on aurait un abaissement par le bas. Les nouveaux critères qui seront choisi pour nos vies quotidiennes, l'alimentation étant la base de la vie quotidienne, seront forcément abaissés aux critères le moins-disant. Le critère le moins-disant dans l'agroalimentaire aujourd'hui — c'est le critère américain. Cela nous fait extrêmement peur.

C'est une atteinte fondamentale à notre démocratie et à notre souveraineté. La souveraineté alimentaire est la première sur laquelle on doit se battre. La question de la démocratie est primordiale dans ce dossier. Nos choix seraient remis en question par des tribunaux et de grandes entreprises qui gagneraient dans ce cas-là.

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Et puis, la France est aussi le pays d'une certaine excellence de la gastronomie, de l'agriculture, on a les AOC (les appellations d'origine contrôlées). Cela pourrait être mis en question, économiquement, cela pourrait être très grave pour une certaine partie de l'agriculture de qualité qu'on peut trouver en France.

Il y a également le dossier des OGM. Les OGM sont interdits en France depuis six ans. Les gouvernements de droite et de gauche ont continué l'interdiction des OGM et je crois que c'est très populaire. Il y a quelques pays en Europe qui commencent à refaire sortir les OGM, mais pour le moment, cela tient en France. Dans la perspective d'un traité comme le TAFTA, les OGM seraient évidemment autorisés. En réalité, c'est beaucoup plus pervers: ils ne seraient pas autorisés, mais nous ne pourrions plus les interdire.

J'aurai aussi rappelé qu'aux Etats-Unis, vous aurez énormément d'organisations, notamment, de petits paysans, de petits agriculteurs, de consommateurs, qui sont contre ce traité. Il y a une très forte opposition aux Etats-Unis. L'hyper concurrence n'est pas bénéfique à l'agriculteur moyen qu'il soit américain, européen ou français.
La non-signature de ce traité viendra, sans doute, des Etats-Unis eux-mêmes, pas du gouvernement américain, mais de certaines organisations puissantes dont je vous ai parlé. Il y a certains élus américains qui sont plutôt de notre côté. Je pense que la balle est dans le camp américain. »

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Aucun argument ne permet de justifier l'opacité des négociations sur le TTIP et leur précipitation dans le temps. Quant à leur bien-fondé, elles ne font jamais l'objet d'un examen approfondi. Les dirigeants européens, favorables au traité de libre-échange, ne font que répéter les slogans des Etats-Unis promettant des gains fabuleux en croissance. Vous n'êtes pas sans vous rappeler qu'en 1992, le même type de prévisions séduisantes de Washington en matière d'économie avait déjà convaincu les Français de dire « Oui » au traité de Maastricht et à l'euro. 23 ans plus tard, chacun peut voir ce que cela a donné.

Si l'on y ajoute les sanctions antirusses qui, sans surprise, ont eu un effet boomerang sur l'économie européenne, on peut se poser la question: Est-ce que les dirigeants européens sont indépendants sur le plan économique?

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