La mémoire populaire 70 ans après : halte au feu !

© Sputnik . Vitaly Ankov / Accéder à la base multimédiaПортреты участников Великой Отечественной войны в колонне "Бессмертного полка" на праздновании Дня Победы во Владивостоке
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70 ans ont passé, mais la Seconde guerre mondiale est toujours gravée dans la mémoire de chaque vétéran.

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Même si chaque année, voire chaque mois et chaque jour leur nombre diminue, nous gardons tous le souvenir de notre aïeul ayant participé à la Seconde guerre mondiale, un vétéran ridé au visage cuivré, au regard perçant et un peu triste, qui, comme des milliers d'autres survivants, n'aimait pas parler de la guerre. De l'époque, il nous reste quelques photos, peut-être des lettres, ainsi que des médailles noircies par le temps.

En Russie, l'action populaire « Régiment immortel » ressuscite le souvenir des vétérans de la Seconde guerre mondiale. Lancée à Tomsk en 2012, l'action prévoit la marche des personnes portant de grandes photos de leurs proches qui avaient participé à la Grande Guerre Patriotique, comme on l'appelle en Russie. En quelques années, le « Régiment immortel », présent dans1.100 villes de 15 pays, a pris de telles dimensions que le Président russe Vladimir Poutine a autorisé les membres du mouvement à se joindre au défilé du 9 mai (du 8 mai à l'occidentale), c'est-à-dire, à participer au défilé de la Victoire à Moscou. Moi-même, je vais y participer en portant le portrait de mon grand-père qui, lui, avait pris part au premier défilé militaire à l'occasion du 20ième anniversaire de la Victoire en 1965 sur la place Rouge.

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« Cette histoire a réuni les gens, nous a confié Sergueï Lapenkov, président du « Régiment immortel ». Une forme nouvelle pour incarner cette mémoire est apparue: c'est le site Internet du « Régiment immortel » sur lequel chaque personne peut écrire tout ce qu'elle sait sur son aïeul ayant participé à la guerre. Il y a déjà sur ce site des histoires bouleversantes avec des photos, des scans de décorations et de documents. Mais il y a aussi des histoires laconiques qui font frémir. Un habitant de Moscou a écrit: « J'ai été nommé en l'honneur de mon oncle. Appelé sous les drapeaux, il est arrivé en retard au centre de recrutement et a été envoyé dans une compagnie de discipline. Il a disparu sans qu'une nouvelle parvienne à la famille ». En voilà l'histoire d'un participant à cette guerre. Pour nous, de telles histoires sont très importantes parce que la guerre était, certes, une bataille d'armées, de divisions, de masses d'hommes immenses, mais chaque soldat, officier ou général menait sa propre guerre.

Le « Régiment immortel » ne pourra pas se substituer au défilé des anciens combattants. Parce que le défilé des anciens combattants est la mémoire vivante, ce sont les participants aux événements. Je me souviens très bien qu'il y a 30 ans, le jour du 9 mai était rempli par ces hommes, par leurs visages, leurs conversations, leurs émotions. C'était super. Rien ne peut remplacer les êtres vivants. On peut prolonger leur vie et leur existence à travers la mémoire. Mais ce ne sera pas une substitution. Quand le dernier vétéran disparaîtra, et ce jour viendra tôt ou tard, c'est inévitable, je voudrais bien que l'histoire du jour de la Victoire ne perde pas ses héros. Nous nous souvenons tous de la guerre de 1812 et de la victoire sur l'armée de Napoléon, mais ce souvenir est devenu assez abstrait à cause de la distance qui nous sépare de cette date. Je voudrais que la mémoire de la dernière guerre soit concrète. Parce que cette guerre était la plus terrible de toute notre histoire, tout y était mis en jeu, la question était de savoir être ou ne pas être. Il faut qu'on comprenne au nom de quoi les gens tombaient sur les champs de bataille: ils ont donné leur vie pour qu'il n'y ait plus de guerre. Sur notre site, on lit dans un message sur trois et même plus souvent: le grand-père n'aimait pas parler de la guerre, il ne racontait rien sur la guerre. Pour les participants, c'était un enfer et même s'en souvenir faisait mal. D'aucuns n'ont jamais regardé les films sur la guerre. Il faut que les gens comprennent que leurs parents ont donné leur vie ou ont survécu à cet enfer pour qu'il n'y ait plus de guerres. »

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Parmi ceux qui ont survécu aux massacres de la Grande Guerre Patriotique, se trouve le sergent Alexandre Loyko, mon grand-père du côté paternel. Né d'un paysan dans le village de Vochkaty à 110 km au Sud de Minsk, il aimait cultiver la terre. Son enfance nue pied était consacrée au travail dans le kolkhoze de Rokosovski dont il est devenu le « patron ».

Au printemps 1939, étudiant au collège de communication électrique à Minsk, il a été appelé sous les drapeaux de l'Armée Rouge. Lors de la guerre, Alexandre Loyko était détaché transmetteur auprès de 641ième bataillon de transmissions, réorganisé en 81 régiment de transmissions. C'est dans les rangs de ce corps de bataille que le vétéran a franchi des centaines de km lorsque des balles de mitrailleuses sifflaient de tous côtés en effleurant ou en tuant des milliers de soldats de l'Armée Rouge sur le front de Kalinine et du Premier front balte.

De cette époque, il lui reste peu de souvenirs qu'il partage avec ses proches. Une histoire l'a, semble-t-il, le plus marqué. Lors de la prise de Königsberg, il devait effectuer la liaison entre les troupes sur place et l'état-major à Moscou. Abruti par les macabres de la campagne et les canons qui tiraient sans relâche, tout le monde se rendait vers son son trou. Il a fallu un fier courage aux transmetteurs, dont mon grand-père, qui, debout, dans un champ de mines, face aux mitrailleuses, ont réussi à rétablir la liaison avec l'état-major dans les plus brefs délais. C'est à ce moment-là qu'Alexandre Loyko s'aperçoit du général Tcherniakhovski qui a mené l'attaque. Le général a remercié chaque transmetteur en personne. Après l'opération, mon grand-père a été couronné de médaille de la prise de Königsberg, sans compter une quinzaine d'autres décorations.

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Le 24 avril 1946, Alexandre Loyko est revenu dans son village natal où il a travaillé comme directeur adjoint de « Machinerie et équipement agricoles ». Son nom est inscrit dans le livre d'honneur. A l'occasion du 60ème anniversaire du vétéran, son camarade de combat Grigori Chvets, journaliste, a publié un article dans le journal local « Slava Pratsi » consacré à la vie.

Est-ce un héros de guerre? Pas vraiment. Alexandre Loyko s'est toujours considéré comme un soldat ordinaire. Les compatriotes le décrivent comme un homme brave, un gaillard qui joue de la mandoline, un professionnel qui a les doigts d'or et qui ne refuse jamais d'aide.

« Je suis comme rien du tout », répétait le vétéran quand ses trois enfants lui demandaient de parler de la guerre. Mais c'est de ce « rien du tout » qu'on fait l'histoire. Son histoire, comme celle des millions de vétérans, n'est pas uniquement individuelle. Toute mémoire soigneusement gardée par nous, les descendants des héros « ordinaires » de la Seconde guerre mondiale, se transforme en une histoire populaire, une histoire nationale. Et cette histoire, tant qu'elle reste vivante, ne peut pas être falsifiée ni réécrite.

 

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