Faut-il un référendum en Grèce ?

© REUTERS / Marko DjuricaA man holding a Greek flag walks on central Syntagma square as the parliament is seen in the background, in Athens January 24, 2015
A man holding a Greek flag walks on central Syntagma square as the parliament is seen in the background, in Athens January 24, 2015 - Sputnik Afrique
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On évoque beaucoup un possible référendum sur le maintien de Grèce dans la zone Euro aujourd'hui en Grèce. Et ce n'est certainement pas innocent. Même le Ministre allemand des finances, M. Schäuble, s'est ainsi prononcé en faveur d'une telle consultation. Cette soudaine passion pour les référendums, survenant pratiquement dix années après le référendum français sur le projet de traité constitutionnel, est touchante. Les mêmes qui avaient tout fait pour que la parole du peuple français (55% de « non » ne l'oublions pas) soit oubliée se découvrent subitement une âme référendaire. S'il n'y allait pas du sort de la Grèce, et des principes démocratiques, que l'Union européenne ne cesse de fouler aux pieds, il y aurait de quoi rire aux éclats. Et d'ajouter, à l'encontre de tous ces partisans nouveaux de la pratique référendaire, de ces hommes politiques qui viennent avec un grand sourire nous présenter leur nouvelles bonnes résolutions, « pas ça, pas vous ». Car, cette question des référendums est sérieuse.

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Une option inapplicable.

En réalité, l'option d'un référendum sur une sortie de l'Euro est aujourd'hui inapplicable en Grèce et ce pour deux raisons.

1. Un référendum exige un minimum de campagne, d'une durée de 6 semaines (au plus juste) et plus probablement de 12 semaines. Or, les mécanismes de la spéculation monétaire se déclenchent à l'horizon de minutes, voire d'heures. Un référendum serait-il annoncé que dans l'heure la spéculation se déclencherait. La temporalité d'élections, aussi souhaitables soient elles, n'est tout simplement pas compatible avec la spéculation monétaire. Cette spéculation se manifestera avec une force extrême, sauf si l'on décide de fermer les marchés financiers grecs, et pas seulement les marchés obligataires mais aussi les marchés d'action. On est en présence d'un cas extrême de la spéculation, qui ne pourra être réduit par l'application d'un simple contrôle des capitaux. Il faudra fermer les marchés financiers. Mais, si la fermeture de tous ces marchés est possible, elle ne l'est que pour quelques jours ou l'on change progressivement de système économique. Si la Grèce (et n'importe quel autre pays) devaient laisser l'ensemble des marchés financiers fermés pour plusieurs semaines, on prend le risque de voir l'économie changer de nature, et les investisseurs déserter le pays. La conclusion s'impose alors d'elle-même: il n'est pas possible de tenir un référendum sans déclencher une spéculation massive, et cette spéculation non seulement sera très destructrice pour l'économie mais elle aura aussi des conséquences politiques importantes, qui sont de nature à fausser le résultat d'un tel référendum.

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2. On doit ajouter qu'un référendum ne fait sens que dans la mesure où il permet une validation démocratique de choix politiques. Mais, un référendum qui se tiendrait en plein milieu d'une spéculation déchaînée ne permettrait pas aux règles de la démocratie de s'appliquer. On serait loin du débat ouvert que l'on est en droit d'attendre avant un référendum, et qui eut lieu dans le cas des deux référendums de 1993 (Maastricht) et de 2005 (sur le projet de traité constitutionnel). Dès lors, privé du débat serein (même s'il est passionné) un référendum n'est plus une procédure démocratique. Cette dernière nait de la combinaison du débat (dans le cadre de la campagne) et du vote. Or, il faut craindre que dans cette campagne, qui sera par nécessité relativement courte, s'expriment non pas des idées mais des pressions, sous la forme justement de la spéculation. Les conséquences politiques de cette dernière vont fausser le débat, et par voie de conséquences vicier l'ensemble de la nature démocratique de la procédure référendaire.

Un tel référendum n'est donc pas praticable, sauf à considérer que le référendum n'est là que pour légitimer une décision déjà prise. Mais, l'argument d'impraticabilité du référendum n'est pas le seul que l'on puisse invoquer. Il est douteux que, sur une telle question (la Grèce, ou un autre pays, doit-elle rester dans l'Euro ou quitter la zone Euro) un référendum soit la procédure adaptée.

La logique des procédures référendaires et l'action gouvernementale.

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Les procédures référendaires, il faut le rappeler, sont destinées à redonner de la légitimité à un système démocratique en mobilisant une forme directe de souveraineté populaire. En cela, elles sont un instrument irremplaçable des systèmes démocratique. Mais, la souveraineté populaire doit être mobilisée pour trancher de questions politiques et non des questions techniques ou des questions de société. Sinon, on transforme une procédure de légitimation démocratique en un instrument politique divisant profondément la société et visant en réalité à introduire des normes techniques (ou morales) dans l'espace politique.

La tradition tant française qu'internationale fait du référendum l'instrument pour trancher des questions de souveraineté (comme l'indépendance) ou des traités. Ce fut le cas en Crimée par exemple. Or, la question de l'Euro est en partie une question de souveraineté, mais en partie aussi une question technique, qui est susceptible de connaître de multiples réponses. De ce point de vue, si la question de l'appartenance ou non à l'Union européenne peut parfaitement être tranchée par un référendum (comme on se propose de le faire en Grande-Bretagne), il est douteux qu'il en soit ainsi sur la question de l'Euro. Car, à quelles questions les citoyens auraient-ils à répondre? Faudrait-il dire « êtes-vous pour ou contre l'Euro », ou bien « êtes-vous pour l'Euro au prix de politiques d'austérité renforcées ou contre ces politiques », ou enfin « êtes-vous pour un Euro avec un mécanisme de solidarité et de transfert entre les pays membres ou contre l'Euro »? On ne peut multiplier les questions posées sous peine de vider la procédure référendaire de son sens et de son esprit.

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Il faut ici reconnaître la légitimité de l'action gouvernementale à traiter de problèmes qui peuvent être très fortement contextualisés. La question qui se pose en Grèce (ou qui se poserait dans un autre pays) n'est pas celle de l'Euro en général mais celle de l'Euro dans le contexte de la logique de l'austérité et plus précisément de l'affrontement entre l'Eurogroupe et le gouvernement grec. Nous sommes ici dans une situation qui peut être assimilée à un état de guerre économique, qui empêche le fonctionnement normal des institutions dans le cadre normal. En cela, cette question relève de la décision exceptionnelle, celle que le gouvernement peut prendre dans le cas d'un état d'exception et où il peut s'affranchir temporairement du respect de la lettre de la loi et des traités afin d'assurer la survie de la Nation et de reconstituer le cours normal des événements. Le fait de prendre des mesures dites exceptionnelles traduit alors le fait que le gouvernement est bien souverain. Pour rétablir ce cours, ce qui est l'essence même de la démocratie, on ne peut agir suivant les règles et les lois mais il faut avoir recours à des mesures d'exception dont la finalité sera de ramener la situation à la normale.

Ceci, dans l'esprit même de la démocratie, est le propre de l'action du gouvernement. Soulignons que le gouvernement grec est un gouvernement récemment élu de manière parfaitement démocratique. Il doit donc s'affirmer comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Il doit, maintenant, assumer ses responsabilités.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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