L'histoire vraie de l'Ukraine par un prince russe et catholique

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On entend souvent qu'il est bien difficile de s'y retrouver dans la crise ukrainienne actuelle. C'est à la fois une des causes et une conséquence des mensonges et dissimu lations massifs véhiculés par la presse dominante. Analyse de Dimitri de Kochko.

Dans le cas de l'Ukraine, un ouvrage d'histoire paru récemment en français, permet d'aller aux racines du mal.

Le livre est paru en 1920, donc en aucun cas pour surfer sur la vague du «Maidan» actuel. Intitulé: «Ukraine, la vérité historique», il est d'une surprenante actualité. Par son existence même, la date de sa publication et la polèmique historique qu'il entame au moment même où se créent les mythes et thématiques qui aujourd'hui sont invoqués, sur fond de guerre civile, dont ils sont une des causes.

L'auteur Alexandre Volkonski, est un prince de la lignée des Rurik, premiers souverains russes à Kiev. Mais il est devenu à la fin de sa vie prêtre greco-catholique («uniate» — catholique de rite oriental), qui le rend pour le moins compréhensif et sensible aux Ukrainiens de l'ouest, devenus catholiques sous la domination polonaise. Ils sont aujourd'hui les plus influencés par un nationalisme exacerbé, hostiles à leurs concitoyens russes ou même russophones. Ce n'est pas le cas de Volkonski.

UN SEUL PEUPLE

Il montre en effet par son rappel historique détaillé et documenté que les peuples russes et ukrainiens ne sont en fait qu'un seul et même peuple. Que leurs territoires ont été morcelés et divisés par l'histoire et que les conquérants successifs ont cherché à les diviser. Souvent en tentant de réécrire l'histoire, parfois contre toute évidence.

Comme chacun sait aujourd'hui, la Rus' urbaine, c'est à dire la Russie, est née à Kiev et Novgorod, environ au IX ème siècle. Le grand Prince, premier entre ses pairs (et frères) qui règnaient sur les autres cités russes était à Kiev. Cela provoquait des guerres interminables au moment des successions.

C'est là que le Grand Prince Vladimir a «baptisé» la Russie en 988 au rite chrétien byzantin. Celà reste une référence commune fondatrice pour tous les Russes, y compris ceux d'Ukraine. La langue d'alors, le vieux russe, était commune à tous. L'ukrainien, issus d'au moins trois dialectes essentiellement galiciens, et qui fut un élément identitaire lors de la domination autrichienne ou polonaise, n'a été fixé qu'au XIXème siècle.

Mais Kiev fut détruite en 1240 par les Tatares. Et la steppe vers l'est resta quasi déserte durant près de 300 ans. Elle se repeupla peu à peu de cosaques, composés essentiellement de fugitifs (servage, persécutions religieuses, évasions…) de diverses nationalités. Quant à l'autre partie, celle de l'ouest, elle fut conquise par les Lituaniens unis ensuite aux Polonais dans le royaume «unissant les deux mers» (de la mer Baltique à la mer Noire). Ce royaume historique hante encore aujourd'hui l'esprit nostalgique de nombreux nationalistes polonais. ET il est l'un des objectifs de géopoliticiens américains.

Jamais avant 1918, écrit Volkonski, l'Ukraine n'a été un état indépendant, contrairement à ce que prétend la propagande ukrainophile. Cette dernière se réfère à un «état cosaque» aux XVI ème et XVII ème siècle. Or, écrit Volkonski, «durant ces siècles, l'Ukraine n'était qu'une partie de l'état polonais…. C'est lui qui fixe le nombre des cosaques: 60,000 hommes en 1575, 6.000 en 1627, 1.200 en 1638. Il introduit le servage et y soumet une partie des cosaques, la liberté de conscience octroyée à la population petite-russe (nom d'une partie de l'Ukraine) est telle que le métropolite orthodoxe de Kiev prie (en 1625) le tsar de Moscou de prendre l'Ukraine sous sa souveraineté….. Les Ukrainiens de l'époque ne se considéraient pas comme libres et, durant tout un siècle, ils ont avec ténacité sacrifié leurs vies dans le vain espoir de secouer le joug étranger». En 1654, sous le commandement du hetman Bogdan Hmelnitski, l'Ukraine et la Russie unissent à nouveau leurs destins. C'est la célébration du tricentenaire de ce Traité de Pereïslav qui servit de pretexte à Nikita Khrouchtchev pour offrir la Crimée (sans Sébastopol) à l'Ukraine soviétique en 1954.

UNE CREATION AUTRICHIENNE APPLIQUEE PAR LES BOLCHEVIKS

L'ouvrage de Volkonski est œuvre d'historien. Très précis et détaillé, il vise à répondre aux thèses et aux contre-vérités historiques véhiculées par une des pères fondateurs du nationalisme ukrainien, Mikhail Hrouszewski, historien et homme politique qui fut le premier président de la Rada (parlement) fondée à Kiev après la révolution bolchévique, avant de devenir sous le pouvoir stalinien, membre de l'Académie des sciences de l'URSS pour favoriser «l'ukrainisation» de l'Ukraine… Car cette dernière n'allait pas du tout de soi. Et Volkonski démonte les nombreux subterfuges de Hrouszewski pour tenter de créer une Ukraine historique qui n'existe guère. Hrouszewski décrit par exemple une dynastie de princes ukrainiens d'avant les Tatares, en oubliant tout simplement ceux qui ont régné par rotation dans les autres villes russes. Il recourt à la création autrichienne des Ruthènes, en fait des Russes pour la plupart, pour tenter de justifier l'existence d'un peuple différent des autres Russes…

Pour résumer, on peut dire que ce sont les bolcheviks communistes qui ont appliqué sur le terrain une création austro-allemande, reprise par les polonais en s'appuyant sur quelques intellectuels galiciens (Région de Lvov dominée par l'Autriche jusqu'en 1918, puis polonaise avant de devenir soviétique en 1939 puis en 1945). Pour les Autrichiens et les Prussiens ensuite (Volkonski cite des cartes trouvées au début de la première guerre mondiale sur des officiers allemands montrant une petite Pologne et une grande Ukraine), il s'agissait bien sûr d'affaiblir la Russie en la divisant. Comme c'est ce que visent aujourd'hui les USA, ils ont repris l'idée avec tous leurs moyens. Pour l'Allemagne, les choses ont changé mais le poids de ses choix historiques en diplomatie explique en partie ses positions ambigües sur la question ukrainienne et vis-àvis de la Russie.

Il est pour le moins paradoxal que les nationalistes ukrainiens au pouvoir aujourd'hui à Kiev, qui ont il est vrai ajouté à leur Panthéon, où figure Hrouszewski, des collaborateurs des Allemands durant la deuxième guerre mondiale, accusent les communistes de tous les maux de l'Ukraine, alors que ces derniers sont eux qui ont créé l'Ukraine et tenté de la rendre viable.
Aujourd'hui encore, la diversité du pays et le refus d'en tenir compte, font que la partie n'est toujours pas gagnée. Et même si aujourd'hui, après tant de décennies, une nationalité ukrainienne s'est formée, est-il vraiment dans l'intérêt des autres européens d'encourager les discours de haine pour continuer à jouer la division entre peuples russes historiques? Elle fut imaginée à Vienne, Berlin et Varsovie en des temps qui ont mené à la catastrophe européenne de la première guerre mondiale. Veut-on à ce point que l'histoire se répète? 

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