Gauche, droite, ultra-droite

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Le nouveau modèle du tripartisme, qui s'installe dans le paysage politique français, manque de stabilité.

« Nous sommes entrés dans un nouveau monde ». Selon Jean-Christophe Cambadélis, réélu en mai dernier au poste du premier secrétaire du parti socialiste, avec l'imposition du Front national, l'espace politique de l'hexagone est bien entré « dans une nouvelle donne tripolaire ».

Même tonalité dans la tribune du député UMP Thierry Mariani, publiée en février dans Le Monde, qui affirme que « la vie politique française s'oriente (…) vers le tripartisme d'un nouveau genre ». A l'issue des élections départementales à la fin de mars dernier, trois partis se sont installés sur la scène politique française: le PS, l-ex'UMP qui s'est transformé en parti des Républicains et le FN.

Un concept qui n'est pas nouveau

Le tripartisme n'est pas un terme nouveau dans l'histoire politique contemporaine. Par ce terme était désigné le paysage politique de la France après la Libération. A cette époque, le Parti communiste, la Section française de l'internationale ouvrière (SFIO) et le Mouvement républicain populaire (MRP) pesaient pour les ¾ des vois des électeurs en France. Sauf qu'à l'époque, les partis politiques se sont réunis pendant une courte période en une coalition.

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En outre, des configurations tripartites se sont déjà formées au cours de la 5e république, selon Jean Garrigues, historien à l'Université d'Orléans. Dans les années 1960, trois partis se trouvaient au centre de la scène politique: les gaullistes, les socialistes et les communistes. « Et le parti communiste occupait alors la fonction protestataire du FN d'aujourd'hui », remarquait l'historien. Même chose dans les années 1970, lorsque les socialistes ont évincé les communistes des devants de la scène politique, et se sont retrouvés face à l'UDF, formée par les partisans de Valéry Giscard d'Estaing et les gaullistes.

Des acteurs qui manquent de stabilité

La stabilité du modèle à trois partis est cependant fortement compromise par le manque de cohérence et la crise à l'intérieur de chacun d'eux.

Inutile de rappeler que le parti au pouvoir, le PS, traverse une crise profonde depuis ces quelques années. Les socialistes ont perdu tous les scrutins des années 2014-2015 et ont vu leur cote de popularité chuter. Selon un récent sondage de l'Ifor réalisé pour le Nouvel observateur, 46% de Français jugent que le PS est désormais « insuffisamment de gauche », tandis qu'une étude d'OpinionWay pour Le Figaro va jusqu'à conclure que les Français ne sont plus que 3% approuver François Hollande à la tête du pays.

A droite, il y a un changement de nom — l'UMP étant devenu le parti des Républicains — mais de dirigeants. Le président des Républicains Nicolas Sarkozy a réussi à défendre le nom du nouveau parti, qui suscitait le mécontentement à gauche (le terme « Républicain » ne peut pas être associé à un seul parti, disait-on au PS), mais aussi le programme de l'électorat de ce parti post-gaulliste de centre-droite, dont les origines remontent à l'initiative de Jacques Chirac. Mais l'amour de la République n'est pas le seul à se cacher derrière le nouveau nom. Il semble que les dirigeants de l'ex-UMP veulent faire oublier à leur électorat de multiples scandales liés à la corruption, auxquels Sarkozy notamment était mêlé. Il y a également une volonté chez le président du nouveau parti de centre-droite de prendre une revanche sur François Hollande en 2017. Mais avant que cela n'arrive Sarkozy a un long chemin à parcourir. Il devra remporter la victoire aux primaires, prévue en automne, où il sera confronté à ses partisans — Alain Juppé et François Fillon.

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Enfin, la situation est également instable à l'intérieur du Front national à cause d'un conflit familial, qui divise le fondateur du parti et sa fille. Le scandale a éclaté au moment où le FN a commencé à peser pour le tiers des voix sur la scène politique française et sa présidente Marine Le Pen s'efforçait à élargir sa base électorale. Son travail a été perturbé par la réitération de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz des nazis qui selon lui « sont un détail de l'histoire ». Cette déclaration lui a valu l'exclusion du parti, ce à quoi le fondateur du FN a réagi, souhaitant à sa fille la défaite à la présidentielle de 2017.

Vers une bipolarisation?

Outre les facteurs internes, la coexistence des trois partis politiques français est déstabilisée par plusieurs aspects externes. Selon l'historien Jean Garrigues, le système institutionnel de la 5e république implique la bipolarisation. Tout simplement parce qu'il y a un face-à-face au second tour. Toutefois il ne s'agit pas forcément d'une bipolarisation gauche/droite.

Et pour que cette bipolarisation au second tour du scrutin puisse se faire, des alliances doivent être nouées. Pour l'instant, c'est le FN qui se trouve dans une situation difficile à ce niveau. Le parti de Marine Le Pen a très peu de sièges à l'Assemblée nationale et ne contrôle aucun département, ni région. La tâche s'avère donc difficile, la tactique tacite du « cordon sanitaire » par rapport au FN étant toujours pratiquée par les partis de gauche de droite en France, souligne l'historien Rouslan Kostiouk, professeur à la faculté des relations internationale de l'Université de Saint-Pétersbourg.

Les Républicains pourront passer des alliances avec l'Union des démocrates et les indépendants (UDI) qui s'est avérée très productive par les années passées. Des négociations sont d'ailleurs en cours actuellement.

Quant aux socialistes, ils pourront se tourner vers leurs alliés de longue date: les écologistes et le Front de gauche.

Et c'est l'alliance du plus fort qui le remportera. 

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