Des sujets épineux entre les Etats-Unis et Cuba

© REUTERS / Jonathan ErnstA man with small U.S. and Cuba flags stands on the sidewalk in the hours before officials raise the flag at the Cuban Embassy in Washington July 20, 2015.
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La normalisation des relations entre les Etats-Unis est Cuba est censée tourner définitivement la page de la « guerre froide » sur la continent américain. Cependant, les obstacles sont nombreux aussi bien de la part de Washington que de La Havane.

Après 54 ans de rupture, les deux pays ont rouvert leurs ambassades, ce qui constitue une nouvelle étape concrète du rapprochement historique engagé en décembre par les Présidents Barack Obama et Raul Castro et qui met fin à la politique d'hostilité et de non-communication. Désormais, le gouvernement de la Havane et de Washington pourront dialoguer directement sans passer par l'intermédiaire de la Suisse.

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La réouverture respective des ambassades a également une portée symbolique, affirme Salim Lamrani, enseignant et essayiste français, maître de conférences à l'université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. « Les Etats-Unis reconnaissent que la politique d'hostilité, d'isolement vis-à-vis de Cuba est un échec, qu'elle est obsolète et contreproductive. Au lieu d'isoler La Havane, elle a isolé Washington, puisque les Etats-Unis sont le seul pays de l'Amérique qui ne dispose pas de relations diplomatiques et consulaires normales avec Cuba. »

Ce pas vers le changement de l'époque ne résout portant pas le différend entre Washington et La Havane. Les sanctions économiques constituent un obstacle majeur à la normalisation des relations entre les deux pays. Il reste également la question du camp de Guantanamo, les milliards de dollars d'indemnisation réclamés par les Américains expropriés à la révolution, l'extradition des fugitifs réfugiés à Cuba qui sont recherchés par la justice américaine. Salim Lamrani nous décrypte les sujets épineux point par point.

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« Si les comptes sont faits des deux côtés, le compte des Etats-Unis sera largement déficitaire », annonce l'expert en répondant à la question de l'indemnisation pour les biens confisqués après la révolution cubaine. Ainsi, La Havane a exprimé sa disposition à dialoguer sur ce sujet à condition que soit mise sur la table les dommages causés à l'île par les sanctions imposées depuis 1962.

En ce qui concerne la question des fugitifs, « la décision d'accorder un asile politique est un point qui relève de la souveraineté d'un Etat, c'est toujours à discuter », témoigne Salim Lamrani. La demande des Américains se heurte, côté cubain, à l'extradition de Luis Posada Carriles qui vit tranquillement à Miami. En 1976, l'ancien agent de la CIA a commis un attentat à la bombe de l'avion de ligne cubain en 1976 qui a fait 73 victimes.

Quant au camp de Guantanamo, le différend est facile à résoudre du point de vue juridique, parce que l'accord, signé en 1902, était imposé par la force. Depuis 1959, Cuba refuse d'encaisser le chèque de 4.000 dollars par an en expliquant qu'il s'agit d'une occupation qui se fait contre la volonté du peuple cubain et qu'il s'agit d'une occupation illégitime du territoire souverain. Selon Salim Lamrani, la résolution qui ne peut être que diplomatique dépend de Washington qui, jusqu'à présent, affirmait que cela ne faisait pas parti de l'agenda des négociations.

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Par ailleurs, le débat sur la levée de l'embargo est intéressant. « Il s'agit de savoir si le rapprochement procédé par Washington est un rapprochement tactique ou s'il s'agit d'un changement stratégique, constate Salim Lamrani. A mon avis, il s'agit d'évolution en tactique. C'est-à-dire que les Etats-Unis n'ont pas renoncé à leur objectif de changement de régime. Pour ce qui est des sanctions économiques, le Président américain Barack Obama a lancé un appel au Congrès l'invitant à adopter des dispositifs nécessaires à y mettre fin. Néanmoins il convient de rappeler qu'Obama dispose de toutes les prérogatives exécutives nécessaires pour détricoter le réseau des sanctions économiques. » Plus précisément, il peut, par exemple, autoriser les entreprises américaines à faire du commerce directement avec les entreprises cubaines, ou autoriser Cuba à utiliser le dollar dans ces transactions internationales, ou encore autoriser les entreprises états-uniennes à acquérir les matières premières cubaines et, vice-versa, autoriser Cuba à utiliser, sur le marché international, des produits contenant plus de 10% de matières premières américaines. La chose est plus compliquée dans le domaine du tourisme « ordinaire », mais il est toujours possible d'élargir la liste de 12 catégories de citoyens autorisés à se rendre sur l'île. Par contre, Barack Obama aura du mal à nommer officiellement l'ambassadeur américain à Cuba sans l'accord du Congrès. Mais il peut toujours nommer le chef de la « section d'intérêt des Etats-Unis », le titre qui, sur le fond, ne changera rien parce que les liens diplomatiques seront rétablis.

« Le temps fait son œuvre et l'exil historique tend à disparaître », conclut Salim Lamrani. Reste à savoir, si les Etats-Unis, d'un côté, sont prêts à satisfaire les demandes hypertrophiées de La Havane et si, d'autre part, Cuba, à la croisée des chemins, choisit entre les Etats-Unis, qui l'avait « oppressé » depuis plus d'un demi-siècle, la Russie, partenaire traditionnel de l'île, et la Chine qui projette d'y installer des missiles nucléaires.

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