La France doit s’ouvrir et accepter que l’Iran soit à nouveau une puissance régionale

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Tehran - Sputnik Afrique
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Quelques jours après la conclusion de l’accord "historique" sur le programme nucléaire iranien, la perspective de la levée des sanctions qui pesaient depuis 2006 sur Téhéran attise les appétits économiques occidentaux.

Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, se précipite à Téhéran. La visite, prévue le 29 juillet, sera le premier déplacement à Téhéran d'un chef de la diplomatie française depuis la venue de Dominique de Villepin en 2003.

Laurent Fabius a par ailleurs été devancé par le vice-chancelier et ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, qui fut le premier dirigent occidental à se rendre en Iran avec pour but officiel de "renforcer les relations économiques entre Berlin et Téhéran".

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En ce qui concerne le ministre français, il était considéré comme l'un des plus critiques vis-à-vis de l'Iran pendant les négociations. Et, d'une manière plus générale, la France est l'un des pays occidentaux à avoir le plus joué le rôle des sanctions et à avoir tout fait pour les appliquer à la lettre. Olivier Hanne, chercheur à l'Université d'Aix Marseille et aux Ecoles militaires de Saint Cyr Cöetquidan, où il participe au groupe SYNOPSIS sur la géopolitique de l'islam, témoigne: "Il est évident que la perspective de contrats commerciaux est très intéressante pour la France. En appliquant à la lettre l'embargo, elle s'est privée d'un réseau commercial dont les Américains ne se sont pas privés. Pendant dix ans d'embargo, ils se sont toujours débrouillés pour exporter via d'autres pays en passant, par exemple, par la Turquie. La visite de Laurent Fabius signifie que la France accepte les conséquences de l'accord de paix. C'est une relance historique des relations franco-iraniennes". Selon l'expert, le pays a finalement compris que "la complexité de la situation autour de Daesh exigeait une politique en finesse qui prenne en compte un rééquilibrage régional". Ce rééquilibrage pourrait, certes, profiter à Téhéran: "la banalisation de Téhéran, la réintégration de Téhéran dans le concert des nations du Moyen-Orient".

Cet intérêt "soudain" s'explique en grande partie par des raisons économiques. Avec près de 80 millions d'habitants, le marché iranien est extrêmement attractif pour les Occidentaux, surtout, en termes de pétrole. C'est d'autant plus un terrain "vierge" en termes de concurrence, à l'opposé de la plupart des pays émergents, comme par exemple, l'Inde et la Chine. Bien que l'objectif affiché de la visite de Laurent Fabius soit d'ordre politique, le ministre ne prévoyant pas d'être accompagné par une délégation de chefs d'entreprises, la composante économique n'est pas à exclure. L'Iran présente un intérêt majeur pour les constructeurs automobiles PSA Peugeot Citroën et Renault, et le géant pétrolier Total. "La France ne vise pas tellement le marché pétrolier iranien, mais plutôt le marché de consommation gigantesque, les possibilités industrielles et commerciales avec une population iranienne très demandeuse en produits technologiques, affirme Olivier Hanne. Le jeu pétrolier de la France est déjà fait ailleurs, notamment, dans les énergies renouvelables. Tout le calendrier de l'ONU et de l'Union européenne contraint la France à varier ses origines énergétiques." Fin septembre, une délégation de 80 entrepreneurs du Medef se rendra en Iran pour mettre l'accent sur les secteurs de l'énergie, des villes durables ou encore de l'automobile.

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Les détails de l'accord sur le nucléaire iranien
"L'avenir sera lié à la capacité de la France à s'ouvrir et à accepter que l'Iran soit de nouveau une puissance régionale, anticipe Olivier Hanne. Et vice-versa, l'avenir sera lié à la capacité de l'Iran à jouer un jeu raisonnable, vis-à-vis d'Israël et des milices chiites en Irak. Je pense que l'Iran est à un carrefour dans sa responsabilité historique à l'égard de tout le Moyen-Orient". Des deux côtés, il y a un travail à faire. Il s'agit, pour la France, d'accepter une certaine légitimité des demandes politiques de l'Iran. Le premier pas est déjà fait: la révolution islamiste n'est plus l'objet d'incompréhension. En contrepartie, l'Hexagone voudrait que la rhétorique iranienne vis-à-vis d'Israël soit atténuée. Olivier Hanne est optimiste: "Nous avons plusieurs années pour nous mettre au diapason les uns les autres, pour comprendre ce que l'autre réclame. Il y a, côté iranien, une francophilie et une francophonie et, côté français, on passe très vite au-delà du problème de régime. Parmi les groupes d'affaires, ce qui compte — c'est pouvoir travailler ensemble. Les deux parties sont prêtes à faire des efforts en ce sens. La réconciliation passera par le travail en commun".

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