Destins brisés d'Hiroshima: 70 ans après, les victimes racontent

© REUTERS / Thomas PeterShinto priests pray at the Motoyasu River opposite the Atomic Bomb Dome at sunrise in Hiroshima, western Japan, August 6, 2015.
Shinto priests pray at the Motoyasu River opposite the Atomic Bomb Dome at sunrise in Hiroshima, western Japan, August 6, 2015. - Sputnik Afrique
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La ville d’Hiroshima est au centre de manifestations ce jeudi pour commémorer le bombardement atomique contre la population civile effectué par les troupes américaines en 1945 et ayant fait 140.000 victimes directes.

Les mémoires de hibakusa

Au Japon, ceux qui ont survécu à l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima, le 6 août 1945, sont appelés hibakusa, ce qui signifie "victime de l'explosion". Ils sont de moins en moins nombreux chaque année, et le souvenir de ces évènements tragiques risquent ainsi de se perdre.

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"J'avais 20 ans, quand le bombardement a eu lieu….J'étais étudiant, et l'explosion m'a saisi alors que je me rendais à l'institut. J'ai mangé à la cantine et me préparais à sortir quand j'ai croisé trois amis au seuil de la porte", a raconté Sunaï Tsuboï, le président du Conseil japonais des organisations des victimes des frappes nucléaires.

"A l'époque, on recevait des produits moyennant des tickets, et nous avions toujours faim. Mais j'étais gêné pour manger à deux reprises. J'ai donc refusé et je suis allé à l'institut….La bombe atomique est tombée à 8h15. Je me rendais à l'institut. Et mes amis, tous les trois, ont trouvé la mort dans cette cantine. Tous ceux qui étaient dans le réfectoire ont péri ", a expliqué M. Tsuboï, ajoutant qu'il n'oublierait jamais tout ce qu'il avait pu contempler dans la ville après l'explosion.

Keiko Ogura, 78 ans, qui est un autre témoin du bombardement, se souvient qu'elle avait été projetée par la vague d'explosion et qu'elle avait perdu conscience.

"Quand j'ai repris conscience, tout était sombre. Il semblait que la nuit était tombée. La ville était écrasée après l'explosion. Il semblait qu'un pied énorme lui avait marché dessus et l'avait écrasée", a raconté Mme Ogura, ajoutant que les enfants avaient peur de sortir dans la rue tellement les passants ressemblaient à des fantômes.

Le bombardement: vision sociale et historique

Durant plusieurs années après le bombardement, les hibakusa étaient obligés de cacher leur souvenirs tragiques et même le fait qu'ils étaient blessés, à cause de la discrimination sociale.

An atomic cloud billows above Hiroshima city following the explosion of the first atomic bomb to be used in warfare in Hiroshima, in this handout photo taken by the U.S. Army on August 6, 1945, and distributed by the Hiroshima Peace Memorial Museum. The words written on the photo are from the source - Sputnik Afrique
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Mme Ogura s'est mis à raconter son passé quand elle a vu que les nouvelles générations commençaient à oublier la tragédie d'Hiroshima. C'est la mémoire historique qui peut permettre que de tels évènements ne puissent plus se reproduire.

Il y a quelques années, un mouvement de transmission "vivante" de l'expérience des survivants au bombardement a été créé à Hiroshima. Les participants au mouvement rencontrent des hibakusa et évoquent leurs souvenirs tragiques.

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Les hibakusa d'Hiroshima ressentaient-ils de la haine pour ceux ayant effectué ce terrible bombardement? Est-ce qu'ils en ressentent encore aujourd'hui?

"Il n'y avait pas de haine. La peur, l'épouvante et le choc étaient des sentiments les plus forts, ils supplantaient tout le reste", estime Mme Ogura. Et M. Tsuboï se souvient que sa première réaction a été l'envie de vengeance. Il ajoute que plus tard, la réalisation de la force contre laquelle les japonais avaient fait face leur fit prendre conscience que cette vengeance était impossible.

Commémoration

Le Parc de la paix et le musée qui abrite des documents et des pièces liés au bombardement atomique d'Hiroshima se trouvent dans le quartier de l'épicentre de l'explosion. Les pièces de musée reconstituent l'horreur de ce qui s'était passé en 1945. On peut trouver des audioguides dans les langues de tous les pays qui possèdent d'arme nucléaire.

Hiroshima se donne deux objectifs essentiels: sauvegarder la mémoire et ne pas laisser la tragédie de Hiroshima et Nagasaki se répéter.

"Nous ne devons pas suivre la voie de diviser les coupables et les victimes. L'essentiel, c'est que rien de tel ne puisse jamais se répéter. C'est la mission d'Hiroshima", a déclaré aux journalistes le maire d'Hiroshima Kadzumi Matsuï, dont la mère a survécu au bombardement.

Les manifestations pour commémorer les évènements tragiques se poursuivent au Japon. Et le site Internet asahi.com a mis des photos panoramiques de la ville d'Hiroshima après le bombardement de 1945 et aujourd'hui. Une décision qui vient à point nommé pour comprendre que ce passé tragique ne doit jamais se répéter.

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