Vers des "fronts" anti-euro?

© Flickr / photosteve101L'euro (€), la monnaie de l'union économique formée au sein de l'Union européenne
L'euro (€), la monnaie de l'union économique formée au sein de l'Union européenne - Sputnik Afrique
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Un débat s’est engagé ces dernières semaines au sujet de la possibilité de réunir des "fronts de libération nationale" pour lutter contre le système politique qui s’est constitué autour de l’euro. C’est un débat qui prend progressivement de l’importance.

En France, le 26 septembre se tiendra une réunion entre Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, Jean-Luc Mélenchon, dirigeant du Parti de Gauche, Arnaud Montebourg, membre du PS et ancien ministre, et Nicolas Dupont-Aignan, président du parti néo-gaulliste Debout la France. Des initiatives similaires auront lieu cet automne en Italie et en Espagne. C'est un changement important dans l'atmosphère politique. Mais, ces initiatives révèlent parfois les inconséquences d'un certain nombre d'intervenants. Ces inconséquences peuvent se situer au niveau de l'analyse, comme elles peuvent se situer au niveau de l'action politique. Ces inconséquences désarment ainsi les courants d'idées et les courants politiques qui sont engagés dans le combat contre l'austérité et l'euro.

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Inconséquences analytiques
La première de ces inconséquences vient du fait de considérer l'euro seulement comme une monnaie et donc de n'aborder la question que sous l'angle économique. Non que ce dernier ne soit important. Les conséquences économiques de l'euro sont, pour certaines, immédiates et directes sur la croissance et le niveau d'activité économiques. Ces conséquences viennent aussi de l'influence de la financiarisation qui a pris un nouveau tournant avec la mise en place de l'euro. La crise de 2007-2008 n'aurait ainsi pas eu les mêmes conséquences en Europe sans l'euro. Mais c'est s'aveugler gravement que de ne pas voir que les implications de l'euro vont bien au-delà de ces seuls faits.
L'euro est un projet politique. Pour les promoteurs de la monnaie unique, et ils ne s'en sont jamais cachés, il s'agissait de faire subir à l'Union européenne un saut décisif vers le fédéralisme, mais de le faire de manière implicite, sans jamais demander une validation démocratique dont ces mêmes promoteurs pressentaient qu'elle serait refusée. La nature antidémocratique du projet est inscrite dans ce dernier dès l'origine. L'euro fonctionne ainsi comme un cadre qui vide la démocratie de son contenu, et progressivement de son sens. La nature éminemment politique de l'euro constitue ses institutions, explicites ou implicites, en une totalité qui fait système. Il est donc profondément inconséquent de réduire la question de l'euro à des questions économiques, aussi juste soient-elles, ou à des questions sociales.

Les inconséquences proviennent aussi du refus, ouvert ou inavoué, d'affronter les conséquences politiques et systémiques de l'euro. Dire que les institutions de la monnaie unique, que les institutions de l'Union économique et monétaire sont un tout qui fait système a des implications directes et immédiates sur l'analyse que l'on doit avoir de la place de l'euro. Remettre en cause l'euro apparaît comme une remise en cause de l'ensemble des structures politiques de l'Union européenne. D'où, d'ailleurs, les crispations au-delà du rationnel de la part de ses partisans. Mais il y a une vérité ici. Si l'euro éclate, il ne sera plus possible de faire la même Union européenne. Un éclatement de l'euro entraînerait une crise profonde non seulement des institutions existantes, mais aussi de la dynamique politique que l'on a voulu mettre en place depuis le traité de Maastricht de 1993.

A one Euro coin is seen in this file photo illustration taken in Rome, Italy July 9, 2015 - Sputnik Afrique
L'Europe malade de l'euro
La question qui se pose alors est de savoir si cette dynamique pourrait encore présenter quelque chose de positif. Si on répond par la négative à cette question, on constate que toute possibilité de reconstruire dans le futur une forme de coopération entre les pays européens qui s'avère propice au progrès et à l'espoir pour les peuples de l'Europe, passe justement par la destruction de ces institutions, et du projet dont elles sont à la fois issues mais aussi porteuses. De cette constatation, il découle que lutter contre l'euro c'est en réalité lutter pour quelque chose de bien plus vaste qu'une "simple" monnaie unique. C'est ce que ne comprennent pas certains qui s'avèrent incapables, pour une raison ou une autre, d'aller au bout du raisonnement. Il est inconséquent de reconnaître les implications non économiques de l'euro et de refuser d'en tirer les conséquences quant au statut de la lutte contre l'euro aujourd'hui. Il est de même inconséquent de reconnaître la centralité de la lutte contre l'euro et de ne pas en penser les moyens.

Inconséquences politiques
Dans le fait, l'inconséquence politique existe aussi, et elle est en réalité bien plus grave que l'inconséquence analytique.
La crise grecque fut-elle une simple péripétie ou a-t-elle constitué un point de rupture, une césure séparant une période d'une autre? L'assaut brutal mené par les institutions européennes contre un Etat souverain, l'absence de toute négociation réelle, et le déni de démocratie qui en a résulté ont bien provoqué un changement brutal des représentations à l'échelle européenne. On peut dire, et ce n'est pas faux, que l'ensemble des éléments conduisant à ces actes d'une brutalité inouïe étaient déjà en place en Europe depuis plusieurs années, et que certaines des méthodes avaient été employées contre le gouvernement chypriote en 2013. Mais, le niveau de violence, qu'elle soit symbolique ou réelle, le mépris affiché pour des actes démocratiques, ont franchi une nouvelle étape. Tout indique que quelque chose de décisif s'est produit tant en Grèce qu'à propos de la Grèce. Une accumulation quantitative se transforme en un changement qualitatif. Nous en sommes là.

Euro coins are seen in front of a displayed stock graph in this photo illustration taken in Zenica, Bosnia and Herzegovina, June 30, 2015. Picture taken on June 30, 2015 - Sputnik Afrique
L’appel de Stéfano Fassina contre l’euro
A une nouvelle période correspond de nouvelles taches. Si la nature des objectifs reste la même, la disparition de l'euro compris comme clef de voute d'un système profondément anti-démocratique fonctionnant au sein de l'Union européenne, la configuration politique nécessaire change. Elle impose désormais la constitution de "fronts", allant au-delà des alliances traditionnelles. C'est la constatation faite par Stefano Fassina. Cette notion de "fronts" impose, aux uns et aux autres de sortir de "l'entre soi". Car si une alliance repose sur de larges points communs, la dynamique des "fronts" réduits ces points communs au strict indispensable pour atteindre aux objectifs visés. Ne pas comprendre que le changement dans la situation politique impose un changement dans les formes d'action politique est justement une forme de cette inconséquence politique.
La question des rapports avec des forces n'appartenant pas au même arc politique que le sien est donc posée. Car on pressent bien qu'aucune force à gauche ne pourra atteindre par seule croissance interne ou par des alliances avec des proches la masse critique nécessaire pour se hisser au niveau des responsabilités de la période.
La présence de Jean-Pierre Chevènement à l'Université d'été de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, le samedi 29, août a été, à cet égard, significative.

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