"Nous reprendrons la route dès que nos chaussures seront sèches"

© Sputnik . Senka MilosLa Syrienne Nadija
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La crise migratoire, qui fait la une des journaux ces derniers temps, apparaît sous un jour nouveau: une prise de conscience a lieu sur la tragédie humaine endurée par ceux qui doivent fuir leur patrie en quête d'un avenir meilleur.
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L'Europe, en proie à un afflux de réfugiés fuyant leur pays natal en agonie guerrière, devient peu à peu consciente de la réalité atroce dans laquelle les migrants sont obligés d'exister. Les pays au cœur des tensions migratoires, dont l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France et d'autres, commencent à comprendre que les migrants nécessitent non pas de renforts policiers, mais un coup de pouce sur le dur chemin de l'exil.

Manifestations pro-réfugiés

Le week-end passé, les rues du centre d'accueil de réfugiés de Heidenau, une petite ville de l'est de l'Allemagne, ont accueilli de nombreux manifestants pro-réfugiés, arborant des tee-shirts "Aucune personne n'est illégale" et proclamant que les réfugiés étaient bienvenus à Heidenau. De cette manière, les citoyens exprimaient leur solidarité avec ceux qui ont été poussés sur les chemins de d'exil.

Les médias allemands, pour leur part, soutiennent eux aussi cette politique pro-réfugiés.

"L'Allemagne a le cœur ouvert pour ceux qui nécessitent notre aide", titrait en une le quotidien allemand Bild. Le journal envisage d'organiser une collecte de fonds pour aider les migrants et incite le public à ne pas y rester indifférents.

L'initiative est largement appuyée par le groupe dirigeant allemand, dont le vice-chancelier Sigmar Gabriel et la ministre de la Défense Ursula Gertrud von der Leyen. Thomas de Maizière, ministre allemand de l'Intérieur, s'est même attaqué à ceux qui critiquent le gouvernement et les médias pour la poursuite de leur politique pro-réfugiés, en disant que "l'Allemagne est un pays tolérant et ouvert".

"Si le Surrey était la Syrie"

Au Royaume-Uni, lui aussi touché par l'afflux des migrants, on sensibilise dorénavant les citoyens, en leur proposant d'"entrer dans la peau" des migrants pour les mieux comprendre.

"Si le Surrey était la Syrie", un film réalisé par l'organisation caritative Save the Children, recrée en Angleterre les conditions que les réfugiés syriens ont été obligés de fuir. Les créateurs ont installé des caméras cachées pour enregistrer la réaction du public à ces événements inimaginables en Grande-Bretagne, mais typiques de la réalité syrienne. Selon le scénario, certains services de base, comme les magasins d'alimentation, les écoles et les services de santé publique, ont temporairement cessé leur activité, mettant les habitants du comté dans un grand embarras.

Ainsi, les habitants constatent que les rayons d'un magasin d'alimentation sont vides. La caissière, jouée par une actrice professionnelle, déclare aux clients qu'aucun produit n'a été livré et qu'il faut désormais s'inscrire sur une liste d'attente pour acheter, par exemple, du lait.

Ensuite, une ambulance transportant un patient dans un état grave est arrêtée, incapable de gagner l'hôpital. Les élèves d'une école locale n'ont pas réussi à assister à leurs leçons — l'établissement a été fermé.

Les réactions des Britanniques sont diverses. En général, les sentiments dominants ont prouvé que les habitants n'étaient pas préparés à une telle tournure des événements, car étant trop habitués à leur vie confortable.

"Personne n'a été blessés lors du tournage de ce film", lit-on à la fin. "Mais 11 millions de Syriens ont été obligés de fuir leurs maisons", constate-t-on, en montrant des images des enfants blessés et en loques, assis sur les ruines de ce qui était jadis leur logement.

Si de telles choses n'ont pas lieu ici, ça ne veut pas dire qu'elles n'ont pas lieu du tout, conclut le film de Save the Children.

Les familles syriennes font face à des pénuries d'alimentation et de médicaments, sans parler du fait que des personnes sont bombardées et assassinées, indique le représentant de l'organisation Save the Children Justin Forsyth. Si un Européen moyen ne peut pas endurer les détresses de cette sorte, pourquoi donc les Syriens le devraient-ils?, se demande-t-il.

Quelques 11 millions de réfugiés syriens ont dû abandonner leur pays natal — trois millions de plus que la population de Londres.

En même temps, les autorités britanniques ne pensent pas que leur pays soit l'endroit idéal pour héberger les migrants. David Cameron, en parlant des "ruches" de réfugiés, a adopté une approche plutôt agressive par rapport à ceux qui veulent tout simplement échapper aux souffrances dans leur propre pays. Ainsi, le gouvernement britannique vient de couper les financements pour ceux qui y demandent l'asile.

La France, au contraire, a changé d'approche. Dorénavant, le premier ministre Manuel Valls insiste sur le besoin d'"humanité" et de "responsabilité" envers les migrants. Les migrants qui "fuient la guerre, les persécutions, la torture, les dictatures, doivent être accueillis (…) traités dignement, abrités, soignés", a-t-il déclaré.

"Nous reprendrons la route dès que nos chaussures seront sèches"

Quelle que soit la réaction de la société ou des autorités, les réfugiés ne peuvent pas se permettre de revenir sur leurs pas. Même si l'on adopte une politique d'inaction au sujet de la crise, les réfugiés ne cesseront ni de souffrir dans leur pays en guerre, ni de s'enfuir.
Certains pays ont pourtant trouvé un moyen de gérer ce problème. A Kanjiža, une petite ville serbe, les autorités ont créé un centre de transit pour les réfugiés.

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"Dans notre centre de transit, il ne faut pas s'enregistrer et chacun peut y rester tant qu'il veut", a dit le représentant du Commissariat serbe pour les réfugiés Robert Lesmajster.

Hasan, parti de Syrie, raconte que son chemin vers la Serbie n'a pas été trop difficile. La chose plus dure à laquelle il s'est heurté, c'était les files d'attente pour le train en direction de Macédoine — mais rien n'égalera en horreur ce qu'il a vécu ces derniers mois en Syrie, avoue-t-il.

"J'essayais de survivre tant bien que mal dans les conditions de la guerre, mais je n'en pouvais plus. Ma sœur, mon frère et ma mère ont été assassinés, je suis resté tout seul. Le seul moyen de continuer à vivre, c'est de réunir ma famille. J'ai un frère au Liban, un autre en Russie, à Moscou. Mon troisième frère habite la Suède. Il m'a promis d'aider à poursuivre mes études, et maintenant je suis en deuxième année à la faculté de constructions mécaniques", a raconté le jeune homme.

Il espère, comme des millions de réfugiés, que l'agonie de son peuple prendra bientôt fin. Cependant, à en juger par les histoires de ceux qui sont récemment arrivés au centre de transit serbe, la guerre est loin d'être finie.

La Syrienne Nadija, assise près d'une tente — sa nouvelle maison — est en train de laver les chaussures que ses frères et son mari ont portées sur la route de deux semaines.

Dans le camp pour réfugiés, ils ont reçu des "vêtements propres, des couvertures et de la nourriture". Les enfants endurent facilement ce "voyage", selon cette brave Syrienne.

"Nous essayons de transformer notre voyage en jeu. Ce n'est pas facile, mais il me semble que nous y arrivons. Nous téléphonons tout le temps à nos proches qui sont en Autriche. Ils n'ont pas encore de travail, mais j'espère que tout ira bien puisque nous ne pouvons pas revenir en arrière. (…) Nous reprendrons la route dès que nos chaussures seront sèches", sourit-elle.

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