La mystérieuse virée nocturne du Mistral

© REUTERS / Stephane MaheLe deuxième porte-hélicoptères de classe Mistral construit pour la Russie (baptisé Sébastopol)
Le deuxième porte-hélicoptères de classe Mistral construit pour la Russie (baptisé Sébastopol) - Sputnik Afrique
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Des événements étranges sont survenus sur le porte-hélicoptère Vladivostok lors de ces derniers 24 heures. Selon la banque de données maritimes Marine Traffic, le navire est parti de Saint-Nazaire le 9 septembre à 16h45 et n'est revenu qu'à 0h23 le 10 septembre.

Cette information a été reprise par plusieurs médias, jusqu'à ce que le porte-parole du chantier naval DCNS la démente. "Ce n'est pas vrai. Les deux navires sont toujours sur place. Ils n'ont pas quitté Saint-Nazaire", a-t-il déclaré.

Le porte-parole du comité Mistral Jean-Claude Blanchard a annoncé à la correspondante Victoria Ivanova que les bateaux étaient sur place, mais qu'il y avait beaucoup de monde à bord et pas mal de voitures de grand luxe sur le quai. "C'est peu probable qu'une délégation égyptienne soit arrivée puisque dans ce cas-là, ils mettent des drapeaux sur le chantier", a-t-il précisé.

The STX Europe shipyard in Saint-Nazaire - Sputnik Afrique
Mistral: la décision de rompre le contrat prise à Washington
Mais où est donc parti le Mistral? Après la rupture du contrat avec Moscou, la France cherche à le vendre par-ci et par-là mais il n'y a pas trop d'acheteurs à se présenter. Peut-être qu'à défaut d'acheteurs, le navire a subi des expérimentations en tant que navire de croisière dans le Golfe de Gascogne?

Mais, plus sérieusement, qui est vraiment capable d'acheter les Mistral? Les Etats-Unis, l'Otan, la Chine, l'Inde, le Vietnam, la Malaisie, le Brésil et les pays arabes sont dans la liste des acheteurs potentiels, selon les médias.

D'après l'expert dans le domaine des hautes études de défense nationale Cyrille Bret, "les Etats susceptibles d'acquérir et capables d'opérer un bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) de classe Mistral sont finalement assez peu nombreux" pour des raisons financières, stratégiques et opérationnelles.

"Pour des raisons financières d'abord: même si l'annulation de la vente de DCNS à Rosoboronexport entraînera une décote, un BPC de cette classe a nécessairement un prix de l'ordre d'1 milliard d'euros et des coûts récurrents importants en maintenance notamment", estime M. Bret.

D'après lui, pour des raisons stratégiques, la France ne peut céder cet attribut de puissance qu'à des Etats qu'elle considère comme partageant ses intérêts stratégiques dans les zones de conflit: par exemple, au Moyen-Orient, ses alliés dans la lutte contre les mouvements djihadistes et tout particulièrement Daech.

Pour des raisons opérationnelles en outre, "l'acquisition d'un BPC n'a de sens que si on dispose de flottes d'hélicoptères, de troupes aéroportées, de forces spéciales ou encore d'une marine conséquente et entraînée. En effet, un BPC ne sert à rien seul. En revanche, il donne un avantage décisif, au sein d'une coalition, pour les opérations combinant les trois dimensions (air, terre, mer) ainsi que la dimension cyber".

D'après cette logique, les Mistral peuvent être vendus aux Etats-Unis ou à l'Alliance atlantique mais, selon des experts russes, l'acquisition des Mistral par l'Otan ou par les Etats-Unis est très peu probable. Premièrement, elle peut être bloquée par la Russie. Paris et Bruxelles ont déjà discuté de cet achat mais ils n'ont pas pu décider qui paierait l'acquisition des Mistral.

La flotte des Etats-Unis n'a d'autant plus besoin de ces porte-hélicoptères que les Etats-Unis construisent eux-mêmes des navires similaires. Mais pendant quelque temps, Washington a été considéré comme un acheteur potentiel des Mistral, car il était l'initiateur majeur de la rupture du contrat entre Paris et Moscou et, selon des experts, qu'il devait acheter les navires juste pour compenser les dépenses à son allié.

"A l'heure actuelle, hormis la Russie, les puissances régionales ou émergentes sur l'échiquier mondial sont l'Arabie Saoudite ou l'Egypte au Moyen-Orient, l'Inde en Asie du Sud, le Brésil en Amérique latine. Elles cadrent avec cette somme de contraintes financières, stratégiques, tactiques et techniques", estime M. Bret.

La version d'achat arabe semble la plus probable, et le Caire pourrait acheter un ou deux navires avec l'aide de Ryad. La preuve de cette version est apportée par les informations sur la préparation d'un contrat pour l'achat par l'Egypte de la version marine de l'hélicoptère Ka-52 spécialement créée pour les Mistral russes.

L'Egypte a besoin de ces navires car la situation en mer Rouge devient de plus en plus compliquée, ainsi qu'en Méditerranée, à cause des perturbations politiques en Libye et des conflits militaires en Syrie. Dans ce contexte, l'Egypte, dont la stabilité dépend du contrôle de la mer, est dans la nécessité de trouver des moyens de la contrôler.

Reste à savoir qui choisira d'"acheter français."

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