Sanctions russes contre la Turquie, une aubaine pour le Maroc?

CC BY 2.0 / Kenny Louie / Don't walkSanctions russes contre la Turquie, une aubaine pour le Maroc ?
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Après l’attaque de la Turquie contre le bombardier russe Su-24 dans le ciel syrien, ayant résulté en la mort de deux militaires russes, le colonel Oleg Pechkov et le fantassin de la marine Alexandre Pozynitch, la Russie avait promis de réagir. La réponse ne s’est pas fait attendre longtemps.

Vladimir Poutine a signé les mesures de rétorsion contre la Turquie:

— Suspension à partir du 1er janvier 2016 du régime sans visas pratiqué actuellement entre la Russie et la Turquie
— Suspension des ventes de voyages et produits touristiques en Russie à destination de la République turque
— Les vols charters entre la Russie et la Turquie interdits
— Interdiction aux employeurs russes d'embaucher des citoyens turcs, également à partir du 1er janvier 2016 (selon plusieurs sources entre 150 et 200 mille citoyens turcs vivent et travaillent actuellement en Russie)
— Interdiction et limitation de l'activité des organisations turques en Russie
— Interdiction et limitation sur une série de produits en provenance de Turquie

Erdogan a quant à lui affirmé qu'il fera tout pour "normaliser les relations entre les deux pays" et qu'il espérait "une normalisation rapide des relations".

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La Turquie compatit… mais refuse toujours de s'excuser
Selon lui, "la Turquie a besoin de la Russie comme la Russie a besoin de la Turquie. Nous ne pouvons pas ne plus être en contact". Il a également ajouté qu'il "espérait qu'il n'y aura plus d'incidents comme celui des derniers jours: "Cet incident nous a beaucoup chagriné. J'espère que cela ne se reproduira pas". Ce qu'il oublie de dire c'est que ce n'est pas un "incident", c'est un acte criminel et une agression contre la Russie. Et ce qui est certain, c'est qu'à travers son soutien aux intérêts terroristes, il a mis les intérêts de son pays et de son peuple grandement en danger… Aujourd'hui, en raison de ces agissements criminels, les citoyens de Turquie en paient les frais. A suivre désormais ce qu'il en sera.

Pendant ce temps, de nouvelles opportunités s'ouvrent à d'autres pays, notamment le Royaume du Maroc. Un reportage entier a été consacré tout récemment à ce pays par la chaine d'information russe en continu Rossiya 24, chaine très populaire auprès des cercles politiques et d'affaires de Russie. Le reportage se focalisait sur les opportunités existantes entre les deux Etats, surtout au niveau de l'exportation des produits agricoles marocains vers la Russie, ainsi que sur le Maroc en tant que destination touristique. Il a aussi mentionné les liens culturels forts entre les deux pays, depuis l'immigration russe qui a suivi la révolution bolchévique, jusqu'à aujourd'hui en passant par les liens datant de l'Union soviétique (nombre de cadres et spécialistes marocains ont été formés en URSS et en Russie, et continuent de l'être).

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A la COP21, Russie et Turquie gardent leurs distances
En effet faut-il le rappeler, le Maroc est le deuxième partenaire économique et commercial de la Russie en Afrique et dans le monde arabe, derrière l'Egypte. Les deux pays sont également signataires de la Déclaration sur le partenariat stratégique, signée à Moscou en octobre 2002. Le Maroc est de loin le premier fournisseur d'agrumes sur le marché russe: plus de 60% de sa production exportée va vers la Russie, le reste principalement dans l'Union européenne. Aujourd'hui, compte tenu de la limitation décidée par la Russie envers toute une série de produits turcs, y compris agricoles, le Maroc peut accroitre encore plus cette position dominante. Le Maroc avait aussi depuis déjà un certain temps commencé à exporter ses tomates sur le marché russe, une position qu'elle a renforcée notamment depuis la riposte russe aux sanctions occidentales, et l'interdiction d'importer une série de produits alimentaires et agricoles en Russie en provenance des pays concernés. A noter tout de même que jusqu'ici, c'est la Turquie qui dominait largement la part des légumes importés: pratiquement 80% du marché des tomates et 20% du total des importations russes de légumes. Maintenant et avec la réalité du moment, la part marocaine peut largement s'élargir. Tout comme sur d'autres produits alimentaires et agricoles.

Le tourisme russe à destination du Maroc peut également commencer à croitre sérieusement. Jusqu'ici, les parts de lion étaient aux mains de la Turquie (4,5 millions de touristes russes pour la seule année dernière, des touristes d'autant plus les plus dépensiers) et l'Egypte (plus de 2,5 millions).

Le drapeau turc - Sputnik Afrique
Cette Turquie qui joue un sale jeu
Le Maroc en est encore loin: aux alentours de 50 000 touristes russes annuels (statistiques de 2013) est un chiffre bien loin du potentiel véritable. Raisons à cela: prix plus élevés que sur l'Egypte et la Turquie, pas suffisamment de vols charters, le système « ALL INCLUSIVE » largement utilisé par les Turcs et les Egyptiens pas encore au point. Il faut quand même se rappeler que le Maroc n'a véritablement commencé à se concentrer sérieusement sur le marché touristique émetteur russe que depuis quelques années, tandis que la Turquie et l'Egypte en avaient fait leur priorité depuis plus longtemps. Mais le potentiel est bien là, donc à observer, connaissant surtout les énormes atouts du Maroc dans ce domaine, aussi bien au niveau du balnéaire, que du culturel. En tout cas les objectifs annoncés par les services compétents du Maroc et les professionnels du secteur sont claires: multiplier de plusieurs fois le flux touristique en provenance de la Russie vers le Maroc. A suivre donc.

En 2014, les échanges entre la Fédération de Russie et le Royaume du Maroc se chiffraient à un peu plus de 1,5 milliards de dollars (bien loin encore des plus de 30 milliards d'échanges turco-russes). Néanmoins, la nouvelle réalité du moment, les objectifs déclarés et la visite annoncée dans les prochaines semaines du roi du Maroc Mohamed VI en Russie peuvent donner un nouvel élan au partenariat bilatéral. Le Maroc après avoir intelligemment su utiliser les contre-sanctions russes contre certains produits européens à son avantage, lui donne aujourd'hui l'occasion d'en faire de même compte tenu du sérieux refroidissement des relations entre la Russie et la Turquie.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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