Vous n’êtes pas seul, Monsieur Poutine!

© Sputnik . Alexei Danitchev / Accéder à la base multimédiaCour constitutionnelle de la Fédération de Russie. Salle d'audience.
Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie. Salle d'audience. - Sputnik Afrique
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Mardi 16 Décembre, Vladimir Poutine a signé une loi, selon laquelle la Cour Constitutionnelle de Russie pourra passer outre les décisions des Cours Internationales de Droit de l’Homme. De telles dispositions ne sont pas nouvelles dans la communauté internationale.

Cette décision émanant de Poutine intervient dans un contexte difficile entre les Cours internationales et la Russie, à laquelle il est fréquemment reproché de flagrantes violations en matière de droits humains. Cette loi avait déjà été adoptée par le parlement russe en Novembre.

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Or, la Russie n'est pas le seul pays au monde remettant en cause la supranationalité des cours internationales de justice. Beau nombre de pays membres de cours régionales ont apporté des réserves quant à l'application et au caractère obligatoire des décisions des cours (les cas sont légions au sein de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme et de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples).

Le cas de la Suisse est un des plus marquants et d‘actualité: un référendum pourrait être lancé à l'encontre des « juges étrangers » à partir de l'année prochaine: c'est l'initiative « Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination) ». C'est dans cette perspective qu'Albert Leimgruber (Editeur et Rédacteur en Chef du magazine Voix Libre et membre du Secrétariat de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre) nous livre son opinion:

Selon cette initiative, les juges étrangers ne peuvent pas imposer une interprétation du droit qui serait contraire à la Constitution; cette dernière passera avant les décisions de tribunaux internationaux à l'égard du droit suisse.

Cette initiative n'a pas manqué de faire l'objet de critiques, dès le lancement de la récolte de signature, notamment dans la mesure où la Suisse (dans le cas où cette initiative passerai) violerai ses obligation internationales. Les supporteurs de l'initiative s'en défendent:

Le principal argument des adversaires de cette initiative: elle irait à l'encontre des Droits de l'Homme; ce n'est pas le cas. La Constitution suisse reconnait les Droits de l'Homme, et ces derniers font partie du droit national. Le peuple est le souverain en Suisse. Et l'initiative veut que le droit qui s'applique aux Suisses soit décidé par des Suisses, et non pas interprété par des juges qui n'ont pas été élus par les Suisses, et qui agissent dans un cadre autre que celui national.

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La Suisse, connue pour ses initiatives et référendums, a plus d'une fois été pointée par la presse internationale et par les instances internationales quant aux objets des votations (interdiction de la construction de nouveaux minarets en 2009, quotas d'immigrants en 2014), et pourtant elle n'a jamais été mise au ban de la scène internationale, et continue à faire l'envie du monde entier pour sa démocratie directe et sa neutralité, et à attirer de nombreux migrants. Ce qui n'est pas le cas de la Russie:

Si la Cour Constitutionnelle est la dernière instance et fait foi au regard du droit russe, c'est tout à fait légitime. La Russie n'y perdra pas dans le contexte actuel: les sanctions prises depuis plus un an ont mis la Russie au ban du monde occidental, et ont essayé d'imposer des règles de droit qui n'appartiennent pas à l'ordre juridique russe. La décision prise par Poutine permettra à la Russie de regagner non seulement sa souveraineté mais aussi son droit.

Au-delà du caractère symbolique de cette décision, beaucoup se posent la question des motivations d'une telle loi; en effet, la Russie a fait l'objet de plusieurs arrêts, notamment au sein de la Cour Européenne des Droits de l'Homme: affaires Svinarenko et Slyadnev en 2014 portant sur la torture et traitements humains dégradants, affaires Khodorkovskiy et Lebedev depuis 2011 concernant la compensation due aux actionnaires de l'ancienne société Yukos d'un montant de 1,87 Milliards d'Euros (liste non-exhaustive).

Et, ce d'autant plus que la Russie était déjà allée dans le sens de la loi depuis plusieurs mois; en Juillet 2015, dans l'affaire Yukos, elle se réservait le droit de de ne pas appliquer les décisions de la Cour Européenne des Droits de l'Homme au cas où celles-ci contredisent la Constitution russe. La Russie a apporté depuis un moment des réserves et des exceptions à ces obligations internationales.

Est-ce le seul pays à l'avoir fait? Non, ce n'est pas le cas. Et cette question va au-delà des cours interrégionales.

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Le droit russe prime sur les décisions de la CEDH
Il faut rappeler que les Etats-Unis et Israël avaient critiqué et refusé de ratifier le Statut de Rome concernant la Cour Pénale Internationale voici plus de dix ans. La Chine n'a jamais signé non-plus ce traité. La Russie n'a fait que le signer, sans le ratifier. Pourtant ce sont des pays exportateurs d'armes et impliqués depuis 1945 dans la plupart des résolutions onusiennes portant sur la sécurité et le désarmement.

Sans compter les réserves apportées par la Turquie (dans le cadre de la République de Chypre) à l'égard de la Cour Internationale de justice, de nombreux pays du Moyen-Orient à l'égard d'Israël.

Pourtant aucun de ces pays n'a fait l'objet d'un tel abatage médiatique (que cela soit Israël, les Etats-Unis ou la Suisse), tandis que la Russie subit le même sempiternel lynchage depuis plus d'un an.

Un vieil adage dit: « ne juge pas si tu ne veux pas être jugé ». Ce n'est pas la reconnaissance de la juridiction de la CEDH qui est mise en cause par la signature de cette loi, mais l'application de ses décisions au sein de l'ordre national. Il n'existe aucune règle internationale interdisant l'interprétation d'une décision au sein de l'ordre juridique national.

La signature de Mardi scelle-t-elle une isolation totale pour la Russie, ou servira-t-elle de précédent dans la mise en œuvre des Droits de l'Homme? Ces derniers restent-ils du ressort de l'Etat national, ou sont-ils universels?

L'histoire nous le dira.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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