Quelle place pour la culture dans la Jungle de Calais?

© AFP 2023 Philippe Huguenmigrants écoutent un guitariste dans un théâtre improvisée, Calais
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Ce lundi, les travaux de défrichement commençaient dans la jungle de Calais, le lundi d'avant on y installait un parc de containers, et une semaine en amont c'est une radio qui voyait le jour.

C'est par « Welcome » décliné dans une dizaine de langues que commence l'émission de la radio lancée au sein de la Jungle de Calais, à l'occasion du nouvel an, à l'initiative d'un syrien âgé d'une vingtaine d'année, prénommé Hashemi, qui compte bien monter une équipe de producteurs et de journalistes au sein du camp. Le tout basé sur un financement participatif; le Crowd-funding.

Un microphone - Sputnik Afrique
La "Jungle" de Calais a sa radio!
Jungala Radio compte déjà un reporter en herbe: Brwa Kaiwan, un kurde irakien de 15ans vivant dans la jungle de Calais depuis plusieurs mois. Il pratique son anglais dans le centre de distribution d'aide où il donne un coup de main, une langue qu'il a apprise, nous rapporte l'AFP, en regardant Harry-Potter, et des productions hollywoodiennes avec son grand frère lorsqu'il était au Kurdistan.

Aujourd'hui Kaiwan n'hésite pas à interviewer des habitants du camp sur leur vie quotidienne, leurs espoirs, leurs désillusions: comme ici par rapport au nouveau campement de conteneurs qui ne semble pas faire l'unanimité malgré le froid qui arrive:

« Les gens sont là pour une raison, et je pense qu'on l'oublie. On n'est pas ici parce qu'on souhaite rester en France, mais parce que on voulait aller en Angleterre. Après, quand les gens voient la difficulté que cela représente, certains décident de rester. C'est parce qu'ils perdent espoir. Les gens ici veulent toujours aller en Angleterre. Pourquoi les mettre dans des containers? Pour montrer au monde que la France a résolu le problème de Calais en mettant les gens dans des endroits plus chaud, des endroits couverts, pour ne pas faire d'histoire. Je ne pense pas que ce soit ce que les gens veulent, les gens veulent toujours y aller, essayer ».

Mais cette radio n'est pas la seule initiative à avoir vu le jour au sein du camp depuis son installation. Que cela soit l'œuvre d'associations caritatives, de volontaires français, d'outre-manche, ou d'habitant du camp, les activités sociales et culturelles se sont multipliées dans un endroit où se concentrent de nombreuses frustrations. Ce qui permet aussi d'offrir une vue alternative à la crise des « réfugiés » à Calais.

C'est le cas de The Good Chance Theatre, un théâtre crée fin Septembre par deux jeunes dramaturges britanniques « Joe & Joe», pour Joe Robertson et Joe Murphy, qui souhaitent offrir « un espace théâtral communal chaleureux et accueillant» aux habitants de la « Jungle », comme ils l'expliquent sur la page Facebook dédiée.

Avec d'autres volontaires, ils ont érigé un dôme au sein du camp, dont la structure en treillis est recouverte d'une toile blanche. Afin de se maintenir et de continuer à offrir de nombreuses activités, ils font appel aux donateurs via leur site internet. Ce qui leur a permis de rassembler plusieurs dizaines de milliers de livres sterling. Dans une vidéo mise en ligne sur Youtube en Novembre, Amy, une volontaire raconte que les gens y viennent tout le temps, pour jouer de la musique et pour chanter, et que si fournir les fondamentaux tels que la nourriture et l'eau, sont bien sûr importants, il faut également permettre aux gens d'avoir un espace où « ils peuvent êtres humains, où ils peuvent rire, où ils peuvent être positifs […] et oublier où ils sont».

Pour tous ces artistes, tous ces bénévoles, prendre part à une communauté de théâtre, créative, permet de donner aux migrants un rôle à jouer, ce qui est extrêmement important pour leur bien-être psychique.

L'enfant de migrants kurdes devant une tente au camp de migrants Grande Synthe - Sputnik Afrique
Grande-Synthe, premier camp humanitaire de France
Apporter un regard différent de celui des médias classiques sur la « Jungle », en dehors de tout message politique, c'est le but des actions menées par l'artiste indépendante Corine Pagny, à l'initiative d'un projet rassemblant un collectif d'une cinquantaine d'artistes qui travaillent avec les habitants du camp:

« Il faut savoir que dans ce camp il y'a plus de 4000 personnes, donc forcément il y a des écoles, il y a une école d'arts, une école laïque du Chemin des Dunes qui scolarise aussi beaucoup les enfants, les ados, et tous ceux qui ont envie de venir apprendre le français, d'autres activités. Donc forcément ça se structure, mais ça se structure tout seul je dirais, beaucoup avec l'aide évidement des bénévoles, il y'a beaucoup d'anglais qui sont présents sur le pont, il y a beaucoup d'association, l'auberge des migrants, Salam, le Secours Catholique, Médecins du monde, Médecins Sans Frontière. La structure de la vie active qui gère le centre Jules Ferry, où il y a des distributions de repas. Donc forcément c'est obligatoirement structuré, mais tout ce monde cohabite Je trouve que tout cela cohabite vraiment bien ».

Au-delà des activités purement culturelles, on retrouve des courts de Kung-fu, prodigués par un membre de l'équipe nationale iranienne, des cours d'arts martiaux à qui un karateka a donné écho. Une bibliothèque, mais aussi une église et des boutiques auraient vu le jour dans le camp de fortune.

Alors que les moyens de sécurité se renforcent autour des infrastructures portuaires et ferroviaires aux abords de Calais, les habitants de la Jungle s'installent, les fabrications de bois remplacent peu à peu les tentes. La vie s'organise et se pérennise… Ils sont même de plus en plus à considérer déposer leur demande d'asile en France, plutôt que de tenter de rejoindre l'Angleterre…

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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