L’Onu met en garde contre les périls d’une migration vers le Yémen

© AP Photo / Hani Mohammed, FileYémen
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Ils quittent un enfer pour un autre. Près de 100.000 migrants ont fui la corne de l’Afrique pour le Yémen, malgré le conflit armé qui y fait rage depuis 10 mois. C’est le total annuel le plus élevé depuis une décennie, selon le Haut-Commissariat aux Réfugiés.

Et c'est bizarrement à partir de mars 2015 qu'on enregistre les deux tiers des arrivées, date à laquelle le conflit a démarré, marqué par l'opération Tempête Décisive de la coalition arabe. Andreas Needham, porte-parole de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés pour le Yémen, l'Asie et les pays du Golfe, nous explique:

"En 2015, un peu plus de 92.000 personnes se sont engagées dans un dangereux périple depuis la corne de l'Afrique, principalement de la Somalie, Djibouti et de l'Ethiopie, vers le Yémen, et malheureusement, quand ils arrivent au Yémen ils découvrent que la situation n'est pas aussi positive et non sans danger comme ils l'avaient imaginée. Il y a de nombreux passeurs (de bateaux) et autres individus qui sont là pour les persuader de faire la traversée de la mer Rouge ou de la mer d'Arabie. La situation est dangereuse pour ces personnes qui essayent de continuer leur périple. Elles découvrent que leur trajet est difficile et dangereux, et se retrouvent elles-mêmes dans une situation plus dangereuse que celle d'avant."

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L'année 2015 a été la deuxième année en termes de mortalité lors de la traversée de la Mer Rouge, avec 95 décès signalés. Le Yémen est en proie à un conflit dont rien n'indique la désescalade. Près de 90% (82.268 sur 92.446 au total) des arrivants l'année dernière venaient d'Ethiopie. Mais ils viennent aussi de Somalie: dans ce pays, le HCR et ses partenaires tentent d'améliorer la situation politique, socio-économique et sécuritaire, pour que les réfugiés et déplacés trouvent des solutions de rechange. La traversée de la mer est dangereuse, le HCR réitère sa mise en garde contre les dangers qu'elle représente. Mais qu'en est-il du pays de destination? Bouchra Belguellil, chercheure associée à l'Institut prospective et sécurité en Europe (Ipse), est entrée en contact avec un militaire Houthis. Elle nous aide à y voir plus clair sur la cartographie du conflit aux Yémen et ses différents acteurs:

"Pour ce qui est des allégations arabes, il faut les prendre avec des pincettes. La communication en tant que guerre ne peut être que propagande. Les lignes de front, la répartition des forces en conflit au Yémen n'ont pas véritablement bougé depuis le déclenchement de la guerre. Les combats se poursuivent aujourd'hui dans la région de Sorouh Mareb entre Al Jawf et Marib. Et à l'intérieur de la ville d'Al Jawf. A Taïz, on ne remarque aucun changement significatif. La coalition garde le contrôle des régions se trouvant à la frontière de la ville de Taïz et du gouvernorat de Lahij, et du côté de la région entourant Bab-el-Mandeb."

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Taïz est la troisième ville du Yémen. Les civils sont les premières victimes de ce conflit aux multiples facettes et profondeurs, mal connu et souvent réduit à son aspect confessionnel ou à un terrain d'affrontement entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Le 17 janvier dernier, l'organisation Médecins sans frontières a pu acheminer de l'aide humanitaire dans la ville de Taïz, où la population, prise dans les combats entre rebelles Houthis et forces loyalistes, attendait du secours depuis des mois.

"Au sud du pays, les villes d'Aden, de Lahaj, d'Abyan, de Hadramout et de Shabwa sont sous le contrôle des milices pro Hadi, soutenues par les Frères musulmans, et bien sûr par les forces de la coalition arabe. Certaines régions sont sous contrôle des sudistes ou encore sous contrôle de Daech et d'Al-Qaeda. Il faut préciser ici qu'il peut y avoir quelques alliances ponctuelles et conjoncturelles entre ces groupes. A Al Mahra, il n'y a aucun combat mais la ville reste sous contrôle de Hadi. Les sudistes, eux, ont plutôt le contrôle de Daleh, Lahij et Aden. Les Unionistes sont du côté de Hadramaout. Daech profite bien sûr du chaos et s'enracine à Al Mukalla, à Hadramaout, Abyan, à Aden et aux environs de Shabwah."

Pour schématiser, on peut dire que des dix gouvernorats qui constituent le nord, Sanaa inclus, tous sont sous contrôle de l'armée yéménite pro Ali Abdallah Saleh, et d'Ansar Allah, les Houthis. A l'exception du gouvernorat de Marib et du gouvernorat d'Al Jawf, dont la moitié est sous contrôle de la coalition arabe menée par Ryad et de ses alliés, qui comptent dans leurs rangs les milices d'Al-Islah, les Frères Musulmans. La multiplicité des acteurs et le chaos engendré favorise l'émergence de groupes terroristes comme Daech et Al-Qaeda:

"C'est peut-être le seul véritable changement significatif depuis le déclenchement de la guerre: le renforcement de la position de Daech et d'AQPA, en raison du chaos et du fait qu'on combat ici la seule force capable de combattre Daech sur le train, c'est à dire les Comités populaires mais surtout les Houthis. Et à cause aussi de l'affaiblissement de l'armée, puisque lorsqu'on regarde la banque des cibles de la coalition, ce sont surtout les réserves d'armes de l'armée, mais aussi les casernes militaires et autres."

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Bouchra Belguellil nous rappelle qu'avant l'intervention saoudienne, le Yémen se trouvait déjà aux bords d'une partition nord (où se trouvent en majorité les Houthis mais qui reste très hétérogène aux niveaux tribal, confessionnel et politique) et sud (qui lui est marqué par des revendications autonomistes, les héritages britannique et marxiste). Aujourd'hui, le sud est plus que jamais en proie aux groupes terroristes. Et les Etats-Unis, membres de la coalition arabe, le savent bien: le 20 janvier, dans la province d'Hadramaout, deux combattants présumés d'al-Qaeda auraient péri dans une attaque de drones, armes dont seuls les américains disposent.

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