"Terre Pepsi" ou quand la hotline US pour les Syriens ne parle pas arabe

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A peine lancée, la hotline américaine mise en place pour rapporter les violations du cessez-le-feu en Syrie est considérée comme absolument inutile. Alors que des témoins syriens indiquent des transgressions, le département d'Etat dit ne pas avoir enregistré de violation significative. Si on entre plus dans les détails, on comprend vite pourquoi…

001 202 255 89 66 – voilà le numéro que les témoins d’Idlib, de Hama, de Deraa ou d’Alep sont invités à composer si des bombes ou des balles viennent interrompre la trêve qui doit régner en Syrie depuis samedi dernier.

"Nous sommes disponibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept… Nous concentrons tous nos efforts sur la mise en œuvre de cet accord", a déclaré Antony Blinken, l’un des adjoints de John Kerry au département d’État américain, en faisant notamment référence à l'assistance mise en place par les Etats-Unis.

Composer un numéro 24 heures sur 24? Une belle indicative (sauf, peut-être, qu'il s'agit d'un appel international longue distance). Mais pour quoi faire? Avant d'appeler, assurer-vous de parler anglais, sinon, vos témoignages ne serviront à rien.

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Selon Syria Direct, une organisation de journalisme à but non lucratif, offrant une couverture locale de la guerre civile syrienne, essayer de signaler des violations du cessez-le-feu au gouvernement américain n'a pas été beaucoup plus productif que d'appeler Comcast (le premier câblo-opérateur américain).

Car si vous, une personne appelant depuis un pays ravagé par la guerre, vous arrivez à passer par le numéro 202, un appel international à longue distance pour atteindre le département d'Etat, votre expérience sera peut-être identique, si vous n'avez pas trouvé le temps d'apprendre l'anglais durant la trêve:

"J'ai appelé à 0h45, samedi matin, 45 minutes après le début du cessez-le-feu", raconte le journaliste de Syrie Direct, Wilcox.

"Je ne m'attendais pas à entendre un Américain me répondre, il a répondu en anglais, mais est passé à l'arabe. J'ai alors commencé à lui parler en arabe des rapports que nous recevions de la province de Homs sur des violations spécifiques du cessez-le-feu", poursuit-il.

"Il essayait vraiment mais n'arrivait pas à me comprendre", dit Wilcox. "Mais pourquoi cet Américain au téléphone ne parle pas arabe? J’étais en train de lui donner un compte rendu détaillé de ce qui se passait dans la province de Homs, il m'écoutait et sa réponse a été: +Homs, voilà+.

Nous ne sommes pas sûrs qu'ils comprennent…

Les journalistes de Syria Direct constatent aussi, qu'en téléphonant, on entend très souvent qu'on avait composé "le mauvais numéro". Mais ce qui est beaucoup plus inquiétant est qu’ils constatent aussi un manque de préparation flagrant de la part de ceux qui travaillent dans le service.

Durant un appel, un autre journaliste, Oussama, a répété à l'opérateur le nom du village, Hirbinifsah, quatre fois et puis, pour être sûr, l'a épelé.

Cependant, quand Oussama a demandé si l'opérateur savait où il se trouvait, il a répondu: "Oui, Harb Bebsi", le dernier mot signifiant "Pepsi" en arabe.

"Au cours de ces dernières 24 heures, [le département d'Etat] n’a été informé d'aucune réclamation, d'aucune violation importante de plus", a déclaré le porte-parole du Pentagone, John Kirby.

Les Syriens, dont Salim a-Rihal du nord de Homs, une zone qui a été témoin de combats intenses et de bombardements ce mardi, affirment que ces déclarations témoignent d'un manque total de compréhension à Washington.

"Ces déclarations montrent que les Etats-Unis n'ont aucune idée de ce qui se passe sur le terrain en Syrie", a déclaré M. Rihal.

"Ces fonctionnaires du département d'Etat ne font en outre que leur travail de base. Nous savons qu'il y a eu quelques problèmes linguistiques, comme vous l'avez fait remarquer et nous travaillons pour régler ces problèmes", a déclaré le porte-parole adjoint du département d'Etat, Mark Toner, lors d'un briefing.

Depuis le renversement de Saddam Hussein, Washington a la plus grande ambassade du Proche-Orient en Irak, où travaillent 17.000 employés. Il est donc curieux de constater un tel manque d'employés parlant arabe.


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