Paris aura aussi son camp de réfugiés!

© REUTERS / Fabrizio BenschUn centre d'accueil des réfugiés. Image d'illustration
Un centre d'accueil des réfugiés.  Image d'illustration - Sputnik Afrique
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Anne Hidalgo va ouvrir un camp humanitaire de réfugiés à Paris. Son modèle? Celui de Grande-Synthe, à Dunkerque, maintenant financé par l’État. Entre le déficit de la ville et le nombre de SDF et de mal-logés dans la capitale, la proposition fait polémique.

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Grèce: naufrage d'un bateau chargé de nombreux migrants, sauvetage en cours
Les Maltais, Grecs et Italiens ne savent plus comment dissuader les réfugiés de venir toujours plus nombreux s'échouer sur leurs côtes. Avec près de 72 000 arrivées rien qu'au mois de janvier, c'est 15 fois plus qu'en janvier 2015. Les Suédois durcissent leurs conditions d'accueil des réfugiés et encouragent leur retour. L'Union européenne tente d'endiguer la vague migratoire. Le gouvernement français tente de disperser dans de petites communes les migrants qui s'entassent dans les camps sauvages de Dunkerque ou Calais. Et pour cause, l'exaspération est à son comble parmi les Calaisiens qui dénoncent sans cesse leurs conditions de vie très dégradées par la proximité de la Jungle. À rebours de cette tendance, Paris veut, elle, son camp de réfugiés.

Une volonté exprimée par la voix de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui a annoncé mardi lors d'une conférence de presse son intention d'ouvrir d'ici "un mois, un mois et demi" un site d'accueil pour migrants, déclarant que "L'Europe n'était pas à la hauteur de son histoire et que la France ne l'est pas non plus lorsqu'elle n'accueille pas dignement."

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Cependant, ce n'est peut-être pas une décision prise uniquement dans un élan d'humanisme parisien; la capitale enregistre chaque jour entre 20 à 60 arrivées: résultat, les sites du dispositif d'hébergement d'urgence parisien sont engorgés. À titre d'illustration, depuis trois semaines, on recense pas moins de 900 migrants vivant sous des bâches et des tentes dans le XVIIIe arrondissement de la capitale.
"Nous ne pouvons plus accepter la situation humanitaire et sanitaire des campements de fortune qui se développent dans Paris", a insisté mardi Anne Hidalgo.

Les réactions des Républicains se font attendre, mise à part celle du sénateur LR et maire de Troyes François Baroin, qui a salué une démarche généreuse de la maire de Paris. Le Front national quant à lui a réagi au quart de tour! Il s'insurge contre l'appel d'air que pourrait provoquer la décision de l'édile parisienne. Wallerand de Saint Just, Président du groupe FN-IDF Bleu Marine au Conseil régional d'Île-de-France, réclame même un referendum sur la question de l'installation d'un camp de réfugiés dans la capitale.

Aurélien Legrand, Vice-Président du Groupe Front National au Conseil Régional d'Île-de-France et délégué général du rassemblement Bleu Marine, revient sur le sujet:

​"Anne Hidalgo, déjà par une politique d'appel d'air permanent, attire toujours plus de clandestins dans Paris avec des conséquences désastreuses. Il faut se rappeler du campement sauvage de Stalingrad avec des bagarres interethniques, avec de l'insécurité, avec de l'insalubrité. Donc là elle pérennise cette politique d'appel d'air en envoyant toujours le même message: son +Refugees welcome+ — bienvenue aux réfugiés, c'est un message qui n'est pas raisonnable."

Raisonnable ou pas, le message n'est en tout cas pas nouveau pour Anne Hidalgo, qui avait déjà lancé l'initiative "bienvenue à Paris" en septembre dernier, qui tentait de fédérer les bonnes volontés autour de l'accueil des migrants dans la capitale.

​Pour autant, la maire de Paris se défend de "provoquer un appel d'air". En tant qu'élue, elle doit agir face à la situation actuelle: "Il faut de l'humanisme quand on voit que la Méditerranée est en train de devenir un cimetière. Qu'on ne me dise pas que ça va créer un appel d'air, il est déjà là", déclarait-elle mercredi matin devant les caméras de France 2.

En septembre, l'élue parisienne avait entrepris de mettre à disposition des migrants 460 places supplémentaires en ouvrant six nouveaux sites "d'hébergement" dans les IIIe, Xe, XIIIe, XVe, XIXe et XXe arrondissements, ainsi qu'un septième dans un pavillon à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) appartenant à la ville de Paris, afin d'accueillir exclusivement les femmes et les enfants isolés. Mais cette fois-ci, le plus grand flou entoure l'emplacement exact de ce futur camp: celui-ci sera à priori situé dans le "nord de Paris", la maire ajoutant toutefois que "s'il faut plusieurs sites, nous en ouvrirons plusieurs". Une perspective qui hérisse Aurélien Legrand, dénonçant les conséquences de l'installation de tels sites pour le voisinage.

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Des préfabriqués dans le 16e
"On a chaque fois aussi une explosion des phénomènes de délinquance, je pense à l'explosion des vendeurs à la sauvette: le quartier de Château-rouge est particulièrement concerné, d'ailleurs Anne Hidalgo vient d'être condamnée par la Justice pour son laisser-aller dans ce quartier. On a une explosion des trafics en tout genre: on a vu à Paris encore, dans le lycée Jean-Quarré où la prostitution et les mafias se sont développées. Donc évidemment bien sûr, des situations de jungle vont immanquablement se développer parce qu'on a des gens à qui on ne peut rien offrir, qu'on entasse, dans des conditions plus ou moins dignes, et qui de toute façon ne peuvent pas être accueillit dignement en France."

D'autant plus que la concentration d'individus comporte d'autres risques, comme l'illustre la dernière bagarre générale qui a agité la Jungle. MSF relate sur son site que, suite à un violent affrontement jeudi 26 mai, de 30 à 50 personnes auraient été blessées — migrants, bénévoles et policiers compris — de plus, un incendie a ravagé 3500 m² du camp de Calais, détruisant les abris de 1000 migrants. D'après la police, la rixe serait partie de l'incendie par des Irakiens d'une mosquée soudanaise. L'incident a vite tourné au pugilat généralisé à coups de poings, d'armes blanches, de barres de fer et de pistolets à plomb… Les destructions seront compensées par le transfert de matériel depuis le camp humanitaire de Grande-Synthe, l'autre camp de migrants candidats à la traversée de la Manche, celui-ci à la périphérie de Dunkerque.
Un camp sauvage remplacé par une structure répondant aux normes de l'ONU, sous l'impulsion de l'écologiste Damien Carême. Il avait obtenu l'attention de Bernard Cazeneuve pour la construction du premier camp humanitaire français, destiné à loger près de 1 500 migrants, majoritairement kurdes. Une dépense de 1,5 million d'euros, intégralement prise en charge par l'État, qui va de plus en assurer les frais de fonctionnement auxquels s'ajoute le dédommagement de l'ONG Médecins sans Frontière, pour un total de 3.9 millions d'euros.

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L’État soutient le premier camp humanitaire de France
Un véritable modèle pour l'exécutif parisien! La maire de Paris a salué durant son discours le travail de son homologue Damien Carême, "un maire qui a refusé la fatalité". Mieux, vendredi 27 mai elle a dépêché sur place son adjointe à la solidarité, Dominique Versini et Éric Lejoindre, maire du XVIIIe arrondissement, afin d'en tirer le retour d'expérience nécessaire à la reproduction d'un tel modèle dans la capitale.

Pour Wallerand de Saint Just, un camp de réfugiés, fût-il aux normes de l'ONU, n'a pas sa place à Paris. Un avis partagé par Aurélien Legrand:

"On nous annonce un camp aux normes de l'ONU, tant mieux, évidemment. Mais la problématique est tout autre: est-ce qu'un camp de réfugiés à sa place au cœur d'une des plus grandes agglomérations du monde, au cœur de la capitale de la France, et même au-delà de ça, est-ce qu'un camp de réfugiés a sa place en France, quand les zones de conflit sont à plusieurs milliers de kilomètres et qu'il existe des pays voisins tout à fait capables financièrement et culturellement d'accueillir cette masse de réfugiés."

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Pour le secrétaire départemental de la fédération du Front National de Paris, "installer ces camps dans des pays comme la France est une incitation à une immigration économique et pérenne que les 10 millions de Français pauvres ne peuvent plus accepter." Il rappelle que les camps de réfugiés sont normalement installés en proximité des zones de conflits afin de permettre un retour rapide des réfugiés "sur la terre de leurs ancêtres".
Il fustige au passage la gestion budgétaire de la région: 400 millions d'euros manquent dans les caisses de la ville de Paris. Pour le trésorier national du Front national, l'argent des Parisiens doit être utilisé "pour développer la capitale, pas pour contribuer à sa dégradation."

"Là encore, on est dans un véritable scandale, la Cour des Comptes révélait ce que déjà le Front national dénonçait depuis longtemps. Il manque plusieurs centaines de millions d'euros au budget de la ville de Paris tous les ans. 400 millions d'euros cette année de trou budgétaire, de déficit budgétaire à Paris et Madame Hidalgo va utiliser le peu d'argent qu'il y a, elle va utiliser l'argent des Parisiens pour accueillir des migrants. Ça n'apporte rien à l'économie, ça ne développe pas la ville, ça ne développe absolument rien, ça ne permettra pas aux gens de retrouver du travail, de vivre dignement, ce n'est pas de l'investissement. Elle utilise l'argent des parisiens uniquement dans un but idéologique, un but déraisonnable et qui ne fera qu'aggraver la situation et dégrader un peu plus Paris."

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La journée d’un bénévole à Paris: aider les migrants tous les jours
Mais pas de souci de ce côté, Anne Hidalgo a pensé à tout: plutôt que de faire payer la note aux contribuables parisiens qui l'ont élue, la maire de Paris souhaite mettre à contribution tous les Français pour financer son initiative. Elle espère, à l'exemple de Dunkerque et de son camp de Grande-Synthe, "entraîner l'État" dans cette aventure.
Tout est tellement bien ficelé qu'on en vient à se demander pourquoi de tels projets n'ont pas déjà vu le jour à destination des 28.800 sans-abris parisiens. Depuis 2001, soit depuis la prise de la capitale par les socialistes, le chiffre a augmenté de près de 84%. Des SDF de plus en plus âgés, comptant de plus en plus de femmes et dont un peu moins d'un tiers ont un emploi…

"La plupart de ces gens n'ont pas de place dans les centres d'hébergement, notamment parce que les centres d'hébergement le plus souvent ont été détournés de leur mission première et accueillent des migrants. Il n'est pas raisonnable de laisser ces gens dormir dans des campements sous le métro, mais ce qui n'est pas raisonnable c'est de les accueillir tout simplement; ce qui n'est pas raisonnable c'est de les avoir laissé rentrer sur le territoire français; ce qui n'est pas raisonnable, c'est de les laisser rester sur le territoire français. Avec nos 28.000 SDF, ce sont des gens qu'on ne peut pas accueillir, cette capacité n'existe pas de toute façon, alors arrêtons de mettre en place des politiques à la façon d'Anne Hidalgo qui sont de véritables appels d'air, incitant toujours plus de gens à venir et qu'on ne peut pas accueillir. La preuve, le nombre de SDF qui continuent à dormir dans les rues de Paris et pour lesquels apparemment le pouvoir socialiste n'a pas grand intérêt."

Et si, selon la propre estimation de la maire de Paris, la proportion de femmes parmi les populations migrantes serait de l'ordre de… 5%, auxquelles elle entend offrir "l'hébergement d'un jour", d'après une étude de l'INSEE, les femmes sans-abris représenteraient 38% du nombre total des SDF. Des femmes qui appellent le 115 "mais peu sont prises", car comme le déclarait responsable du centre d'accueil la Halte Femmes à une journaliste de Marie-Claire "Il y a très peu d'hébergement pour femmes". Il est vrai qu'il n'y a pas non plus de normes de l'ONU auxquelles se référer pour traiter le problème des mal-logés, ce qui semble compliquer le travail de Mme Hidalgo…

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