BREXIT : La lourde responsabilité de Mme Merkel et de Mr Hollande

© REUTERS / Toby MelvilleL'un des principaux eurosceptiques britanniques, Nigel Farage, chef du Parti de l'indépendance du Royaume-Uni
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Le choix du Brexit s’explique en partie par des raisons historiques que les naïfs européens ont cru pouvoir ignorer. Au dela de ces motifs spécifiques, la responsabilité de l'Allemagne et de la France dans le Brexit est flagrante.

En réalité, ces raisons n’ont jamais cessé d’exister. Insularité, nostalgie de l’Empire, persistance de liens forts avec les états de l’ex-empire regroupés au sein du Commonwealth, bien plus forts qu’avec le reste de l’Europe. Un anglais reste infiniment plus proche d’un australien que d’un grec ou d’un polonais ! Mais au delà de ces facteurs spécifiques au Royaume Uni, la responsabilité des dirigeants actuels de l’Allemagne et de la France dans le processus qui a abouti au Brexit est flagrante. 

Le 23 juin 2016 appartient déjà à l’histoire. Rupture majeure dans le continuum spatio-temporel politique, Il y aura un avant et un après. Je connais le Royaume Uni et les britanniques – que j’apprécie personnellement beaucoup – tant sur le plan personnel que professionnel, depuis près de 40 ans.

La décision du Brexit n’a pu surprendre que les naïfs dirigeants et les autoproclamés “intellectuels” européens. Car, pour quiconque connaît un peu son histoire et sa sociologie, jamais, au grand jamais, le Royaume Uni n’a été soluble dans l’Europe. L’Histoire britannique, depuis la fin de la Guerre de cent ans en 1453, s’est écrite partout, sauf en Europe.

Winston Churchill à de Gaulle en 1944 : “Chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous choisirons toujours le grand large”

Il suffit d’ouvrir un journal anglais pour se convaincre qu’outre Manche, nous sommes sur une autre planète ! Les évènements relatés en dehors du Royaume Uni (appelé affectueusement “Home” : tout un symbole) concernent essentiellement… les Usa, le Canada, L’Australie, l’Afrique du sud, l’Inde, Hong-Kong… bref, les ex-colonies britanniques. Les informations relatives aux autres zones du monde, à commencer par l’Europe qu’ici on appelle “The continent” sont généralement reléguées au fin fond des pages intérieures. Un petit mot par ci par là sur la Russie, en général pour dire que les russes sont très méchants, avec leurs avions qui frôlent les côtes anglaises, mais que, dieu merci, l’Oncle Sam veille à travers l’Otan.    

Cette profonde fracture historique et intellectuelle entre la Grande Bretagne et le Continent s’est manifestée à de multiples occasions : lien indéfectible avec les Etats Unis, (que pourtant les anglais, au fond d’eux mêmes, méprisent) et une suite de malentendus avec l’Europe. Rappelons que les négociations de marchands de tapis du Royaume Uni avec le reste de L’Europe ont commencé peu de temps après son adhésion. Ce fût tout d’abord la fameuse “ristourne” arrachée par les Britanniques sur leur contribution au budget communautaire… Et déjà, des joutes entre Valéry Giscard d’Estaing et Margaret Thatcher (“I want my money back”). Ristourne budgétaire dont le royaume a bénéficié jusqu’à nos jours. Par la suite, toute une série d’exceptions furent concédées par la Grande Bretagne à l’UE, au point que l’on pouvait se demander dans quelle mesure celle-ci faisait encore partie de “l’Union”. Ces exceptions s’achevèrent avec une nouvelle et ultime série de concessions accordées le 19 Février 2016, sur les droits sociaux des migrants européens, la dispense de s’engager dans de nouvelles étapes européennes, ou le statut de la City de Londres : au final, en pure perte.

Le rôle de l’Allemagne et de Mme Merkel dans le Brexit

La situation n’était donc déjà guère favorable, historiquement, dès le départ. Mais les décisions catastrophiques prises unilatéralement par Mme Merkel sur la gestion de la crise des migrants en Europe continentale au cours de l’été 2015 ont achevé de forger la conviction des citoyens britanniques sur l’UE. Absence de consultation des peuples, effets  désastreux de déclarations irréfléchies jetant des centaines de milliers de migrants sur les routes de l’Europe orientale, entraînant parfois de véritables scènes d’émeutes aux frontières, mélange d’impréparation, de manque total de réalisme et d’idéologie droitdelhommiste bêlante. C’était bien plus qu’il n’en fallait pour indisposer définitivement nos réalistes et très pragmatiques voisins d’outre manche. 

Voir à ce sujet l’affiche de Nigel Farage lors de la campagne du référendum, “The EU has failed us all”

https://www.politicshome.com/news/europe/eu-policy-agenda/brexit/news/76334/nigel-farage-claims-ukip-poster-would-not-have-caused

Sans commentaires…

Une fois de plus, nos dirigeants connaissent en définitive bien mal l’histoire des peuples et leur mentalité collective. Et c’est fort regrettable. Ils auraient du savoir et comprendre que les britanniques conservent encore de nos jours une méfiance viscérale vis à vis de l’Allemagne, bien davantage que les français, curieusement. Lorsque vous discutez politique avec eux, cela revient très souvent dans leurs propos, même chez les jeunes générations, d’une tonalité très surprenante pour nous. Pour les britanniques, l’Allemagne, avec l’Euro et diverses décisions qu’ils ressentent comme imposées par l’Allemagne aux autres peuples, cherche en réalité à recréer, par d’autre moyens que la guerre, une hégémonie continentale en Europe : ce qui est une crainte séculaire de l’Angleterre, que sa diplomatie a toujours cherché à contrer par tous les moyens. Diplomatie qui peut toujours se résumer par la phrase de Disraeli, premier ministre de sa Gracieuse Majesté la reine Victoria : “Le gouvernement de sa majesté n’a ni amis, ni ennemis : il n’a que des intérêts”. Penser infléchir cela, comme se sont illusionnés les dirigeants européens successifs, c’est croire qu’un papillon fera bouger une statue !

L’image catastrophique de l’Europe donnée aux britannique par la France de Mr Hollande

A la fois proches et lointains de la France et des français, tel est l’un des paradoxes  britanniques. L’histoire de nos relations, avec ses multiples guerres puis ses malentendus, s’apparente à un “je t’aime, moi non plus”. Les anglais sont en définitive très attachés, à leur manière si particulière, à la France. Elle demeure la première destination touristique, la porte d’entrée vers le continent. Car même si ils rêvent de passer leurs vacances dans leur ex-colonies, en Inde ou en Australie, la France est pour l’immense majorité le premier séjour, si proche, si facilement accessible, même le temps d’un WE en Eurostar. Des milliers de britanniques possèdent leur maison, voire leur résidence permanente, en France. De l’autre coté, ce sont près de 200.000 français qui ont traversé la Manche pour aller chercher le travail et la subsistance que leur pays d’origine est désormais incapable de leur offrir. C’est dire que par delà des différences fondamentales, les relations entre les deux pays sont finalement étroites.

A partir de là, il n’est pas difficile d’imaginer l’impact désastreux, en terme d’image,  donné par la France, avec ce spectacle de chienlit et d’impuissance de l’exécutif qui caractérisent la fin de règne de Mr Hollande. Une France du chômage au sommet, de la croissance en berne, de la fiscalité record, de l’immigration incontrôlée. Une France qui pleure près de 200 morts martyrs de la terreur islamiste depuis 2014, plongée dans le désordre généralisé au travers d’innombrables manifestations dégénérant en scènes de pillage et de blocage, le tout efficacement relayé par les médias. C’est bien plus qu’il n’en faut là aussi, à nos amis britanniques pour se forger une opinion sur le désordre continental. Si la France avait été prospère, avec une croissance vigoureuse et un taux de chômage “à la britannique” (c’est à dire voisin de 3%) elle aurait offert alors un tout autre spectacle. Et cela aurait, sans nul doute, influencé l’opinion publique dans un sens favorable au “remain”. L’histoire en aura décidé autrement… 

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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