Russie-Turquie : vers une normalisation des relations ?

© REUTERS / Umit BektasTayyip Erdogan
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En réalité il fallait s’y attendre. Connaissant les énormes intérêts économico-commerciaux qui lient la Turquie à la Russie, la première se devait à un moment ou un autre se conformer aux conditions annoncées par la Russie dans le cas de toute éventuelle normalisation.

C'est chose faite. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a présenté les excuses officielles à la Russie pour l'avion russe abattu en novembre dernier. Par ailleurs, il a transmis « les plus sincères condoléances et regrets » à la famille d'Oleg Pechkov, le pilote russe tué par les terroristes après s'être catapulté de l'avion. En outre, la Turquie se dit prête à payer les dédommagements dans le cas où une demande lui sera faite de la part de la famille du pilote russe.

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Pour certains cette annonce a eu l'effet de tonnerre mais en réalité ce n'est effectivement pas si surprenant que cela. Dès la tragédie et la réponse russe qui s'en est suivi en limitant fortement les intérêts économiques turcs dans plusieurs secteurs, les délégations de lobbying n'ont cessé de faire des allers-venues Istanbul-Moscou. Les hommes d'affaires et entrepreneurs turcs présents en Russie, ou y ayant des intérêts, ont par ailleurs effectué de sérieuses pressions sur le gouvernement d'Erdogan. Sans oublier la partie notable de l'opinion publique de Turquie qui n'a cessé de critiquer le crime commis en novembre 2015, tout comme la politique d'Erdogan en général.

Certains s'accordent à dire que le chef d'Etat turc ait retrouvé un minimum de raison. Peut-être. Surtout au vu d'un énième attentat sanglant qui a endeuillé hier la ville d'Istanbul, en l'occurrence l'attaque terroriste à l'aéroport Atatürk ayant emporté des dizaines de vies humaines et ayant fait plus d'une centaine de blessés. Mais il est à croire que c'est surtout d'intérêts stratégiques qu'il s'agit. La Turquie, tout en étant une puissance régionale évidente, comprend parfaitement que les intérêts la liant à la Russie prédominent sur ceux la liant avec d'autres pays ou blocs de pays, y compris avec l'UE ou les USA. Les discussions avec Bruxelles n'en finissent pas. Et au final la Turquie comprend aussi que son entrée éventuelle dans « la famille européenne » bruxelloise n'est de loin pas forcément la meilleure option. Y compris au vu du tout récent Brexit et d'autres événements encore qui peuvent suivre d'un moment à l'autre. Donc l'idée de perdre la Russie faisait trembler la Turquie tout au long de ces derniers mois. Même si Erdogan et son premier-ministre d'alors Ahmet Davutoglu faisaient en sorte de jouer les têtues, la réalité d'aujourd'hui est bien ce qu'elle est. A savoir que la Turquie a bien besoin de la Russie et certainement plus que dans l'autre sens.

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Pour autant il ne faut pas espérer que cette normalisation se fasse du jour au lendemain. L'opinion publique russe reste très négative envers le leadership de la Turquie. Le coup de poignard dans le dos, pour reprendre l'expression utilisée par le président Poutine, ne sera pas oublié d'aussitôt. Et le rétablissement d'une confiance même relative a encore de longs jours devant lui. Néanmoins et il faut le rappeler aussi, la Russie et la Turquie avaient effectivement atteint un niveau de partenariat bilatéral impressionnant: plus de 30 milliards de dollars d'échanges. Plus que cela, avant l'événement tragique de novembre dernier, Poutine et Erdogan s'étaient fixé un objectif d'atteindre 100 milliards en termes d'échanges bilatérales, à l'horizon 2020. S'ajoutent à cela les importants liens humanitaires et culturels des deux pays. Au niveau du tourisme, le président russe vient de lever les restrictions de vente de voyages touristiques à destination de la Turquie. Pourtant, ce n'est pas demain que les stations balnéaires turques reverront les 4,5 millions de touristes russes, de loin les plus dépensiers en Turquie. Mais c'est déjà un début. L'autre question concerne les entreprises turques du bâtiment opérant en Russie et qui suivent avec grand intérêt la suite des événements. En effet, jusqu'à encore récemment la communauté turque en Russie représentait entre 150 et 200 000 ressortissants, dont nombreux travaillant justement dans ce domaine. Et depuis les restrictions, les jours n'étaient pas à la joie.

A suivre donc. Début de normalisation des relations? Peut-être. Mais il faudra être bien patient. Et tout dépendra aussi de la suite des actions entreprises par Ankara, y compris en Syrie, où le leadership turc a clairement fait affaires avec les terroristes. Son propre peuple en paie aujourd'hui les frais. Condoléances à toutes les victimes de l'attentat d'hier, comme à toutes les victimes de terrorisme au niveau mondial.

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