Le putsch avorté: un incendie du Reichstag à la turque

© © Photo: AP (archive)La réconciliation entre Turcs et Kurdes est-elle possible ?
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Ankara s'inquiète: après la libération de Manbij des extrémistes de Daech, les mouvances kurdes se seraient rapprochées de leur rêve d'un Etat indépendant fondé sur les valeurs occidentales.

Cahit Basar, secrétaire général de la communauté kurde d'Allemagne, signale cependant que les Kurdes turcs ne cherchent pas à créer un Etat indépendant.

Après plus de deux mois de combats acharnés, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont enfin libéré la ville de Manbij située dans le nord de la Syrie des djihadistes de Daech. Les FDS regroupent des unités différentes, avec cependant une prépondérance des détachements kurdes de protection du peuple.

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La préoccupation de la Turquie tient à la présomption que les unités de protection du peuple sont liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), reconnu par Ankara comme organisation terroriste. Selon Ankara, après la libération, Manbij doit rester sous la direction d'un conseil municipal arabe.

Les Etats-Unis semblent prendre au sérieux cette préoccupation de la Turquie. Un porte-parole du Pentagone, Gordon Trowbridge, a même déclaré que Manbij était historiquement et devait rester une ville arabe. 

Cahit Basar a déclaré cependant à Sputnik qu'il ne fallait pas insister sur l'histoire arabe de Manbij du fait que de nombreuses villes et localités kurdes avaient subi une arabisation forcée. Des Kurdes ont été exterminés ainsi que des familles arabes installées dans les régions kurdes afin de résoudre, dans une perspective à long terme, le problème kurde par le biais de l'arabisation des territoires. Le même processus a eu lieu en Irak et en Syrie.

"Nous ne sommes pas étonnés de voir qu'Ankara tente de placer cette ville (Manbij) sous la direction arabe car moins il y a de territoires contrôlés par les Kurdes, plus cela profite à Ankara. Cela a toujours été comme ça", signale Cahit Basar. 

Pourtant, les Kurdes du nord de la Syrie ont des projets tout à fait différents. Leur objectif consiste à placer sous leur contrôle un territoire le long de la frontière turque depuis Afrin à l'ouest jusqu'à la frontière irakienne à l'est, d'autant plus que, selon M.Basar, la Syrie en tant qu'Etat n'existe pratiquement plus.

Après la prise de Manbij, le porte-parole des Forces démocratiques syriennes, Idriss Nassan, a annoncé les projets de progression continue à l'ouest dans la direction de la ville d'Al-Bab.

Cahit Basar estime qu'un Etat autonome, peut-être même complètement indépendant, doit être alors créé dans la région du Kurdistan syrien que les Kurdes appellent Rojava.

"Contrairement à la façon dont les événements évoluent au Proche-Orient, Rojava fournit un exemple de démocratie, de diversité et de pluralisme. Des représentants des minorités persécutées y affluent. Là où les Kurdes sont au pouvoir, ils protègent les minorités chrétiennes. C'est très important et l'Europe doit le reconnaître", affirme M.Basar.

Il est cependant convaincu que le PKK et de nombreuses autres formations kurdes modérées ne briguent pas l'indépendance et que les Kurdes sont disposés à vivre au sein d'un Etat démocratique et pluraliste uni. 

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Mais les tendances anti-kurdes, anti-minoritaires et répressives du pouvoir turc remettent en question les perspectives d'un Etat conjoint.

D'autant plus que les mesures ayant suivi la tentative avortée de putsch constituent une mauvaise base pour la démocratisation de la Turquie. 

95.546 personnes ont été arrêtées, suspendues ou limogées sur l'ordre d'Erdogan. Après l'instauration de l'état d'urgence, celui-ci pourrait gouverner en promulguant des décrets. Selon M.Basar, cela rappelle en quelque sorte l'histoire d'Allemagne après 1933.

"Je pense que le putsch a offert une parfaite occasion pour chasser de la fonction publique tous ceux qui étaient opposés ou critiquaient les actions du gouvernement. Et pas seulement les partisans de Gulen. L'incendie du Reichstag (en Allemagne) a été également utilisé pour déclencher la terreur et renforcer le pouvoir du parti nazi. Je crains que le putsch ne devienne pour la Turquie une sorte d'incendie du Reichstag et ne soit utilisé pour renforcer définitivement l'omnipotence du parti au pouvoir", a conclu Cahit Basar. 


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