La tentative de putsch en Turquie: une nouvelle theorie de choc

S'abonner
À travers le brouillard clausewitzien du putsch du 15 juillet, il y avait plus de questions que de réponses. Ça vaut alors la peine de les revisiter pour une mise à jour...et une nouvelle possibilité étonnante.

INVITES: Tancrède Josseran est attaché de recherche à l'Institut de Stratégie et des Conflits (ISC). Il a reçu le Prix du festival de géopolitique et de géoéconomie de Grenoble pour son livre, « La nouvelle puissance turque ». Il a aussi collaboré à l'ouvrage, « Géopolitique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord ».

Antoine Valentin est co-fondateur de GlobaleDiplomatie.com, étudiant en école de commerce et à l'Institut des relations internationales et stratégiques, et auditeur jeune de l'Institut des hautes études de la défense nationale et de l'Institut de formation politique.

On entend beaucoup parler de la théorie émise par un ministre qatari, selon laquelle les Saoudiens et les Emirats seraient responsables du putsch raté en Turquie.

Tancrède Josseran: " Depuis la démission de Davutoglu, la politique turque a fait un virage de 180 degrés. La Turquie était donc sur le point de tarir son aide à l'insurrection syrienne, ce dont ne veut pas Ryad, qui continue de militer pour un renversement d'el-Assad."

Antoine Valentin: "Erdogan est un support pour les groupes rebelles de Syrie, qui profitent des infrastructures turques frontalières et ont une zone de repli dans la frontière syro-turque. Les états du Golfe avaient tout intérêt à soutenir un putsch."

Erdogan a-t-il facilité le terrorisme dans la région?

Tancrède Josseran: "La priorité était de renverser el-Assad. Daech et les groupes radicaux sont devenus des alliés objectifs contre el-Assad et contre les Kurdes. […] Les islamistes ont toujours été plus ouverts que les laïcs sur la question kurde; dès 2009, Erdogan a commencé des négociations avec eux."

Antoine Valentin: "Ankara, tout comme Téhéran, n'a aucun intérêt à voir le territoire syrien imploser: un Kurdistan irakien deviendrait une base arrière opérationnelle pour les Kurdes turcs."

Les pays du Golfe ont-ils un intérêt à noyer l'Europe d'un flux migratoire?

Antoine Valentin: "C'est surtout Erdogan qui a intérêt à utiliser ce flux migratoire: c'est un levier de pression sur l'UE; il a obtenu une aide de plus de 6 milliards de USD, en demandant pour Octobre 2016 une exemption du visa pour les Turcs."

Tancrède Josseran: "En juin 2015, Erdogan a utilisé ce chantage pour des contreparties en période électorale. Cette mesure a une portée concrète: elle permet à tous les Turcs de circuler dans l'UE […]. Ces travailleurs turcs qui se déplaceront seraient une précieuse manne financière pour Ankara."

La Russie et la Turquie ont-elles toujours été ennemies? Le revirement est-il un première dans l'histoire?

Tancrède Josseran: "La rupture Turquie-Russie n'a jamais été irréversible: ces deux pays conçoivent leur politique en termes de puissance et d'intérêts. Poutine et Erdogan ne sont pas des idéologues, ils conçoivent les relations internationales sur un plan réaliste."

La guerre a lieu entre la civilisation et les groupes terroristes. Comment M. Poutine va-t-il gérer la situation?

Antoine Valentin: "La Turquie en est responsable, mais en est aussi une solution, notamment avec la fermeture de la frontière turco-syrienne. La Russie est le deuxième exportateur vers la Turquie […]; la Turquie souffre aussi du terrorisme islamiste et a besoin d'un partenaire pour lutter efficacement."

Tancrède Josseran: "La théorie selon laquelle Erdogan aurait fomenté ce putsch ne repose sur aucun fait concret."

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала