L’Arctique risque-t-il un réchauffement - militaire ou autre?

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Pour l’instant, tout le monde est occupé ailleurs – voire surchargé -- sur le plan militaire, et préfère une approche plus coopérative aux enjeux arctiques. La Russie et les Etats Unis ont proposé une coopération strictement scientifique.

Mais au fur et à mesure que les autres conflits actuels se règleront, la course mondiale aux ressources diminuantes se poursuivra, et l'ambiance froide de l'Arctique risquera de se transformer en embrasement.

INVITE: Mikå Mered est Directeur du cabinet d'analyse en risques politiques, Polarisk, maître de conférences associé à l'Université des sciences appliquées de Laponie (Finlande), et analyste politique spécialiste des relations est-ouest dans les zones Arctique et Antarctique.

Comment présenter les enjeux de l'Arctique?

"Il existe deux Arctiques. L'Arctique pour le grand public concerne le réchauffement climatique, le programme scientifique; aussi les questions économiques: les croisières, les forages pétroliers; et les questions environnementales.

L'Arctique opérationnel concerne les enjeux sécuritaires qui ré-émergent: après la Guerre Froide, les occidentaux ont laissé tomber l'Arctique, on pensait que tout se réglerai sur le terrain diplomatique. Depuis 5-6 ans, on est revenu dessus: la marine américaine est revenue avec force: analyse du risque, développer les capacités opérationnelles.

Côté russe, il n'y a jamais eu de perte d'intérêt pour la zone; peut-être un arrêt de financement de programmes, mais il y a toujours un maintien d'une expertise dans la région. […] Les Russes voient l'Arctique come leur jardin. Les Danois et les Norvégiens sont à cheval entre l'Occident et la Russie: la Norvège a de plus en plus besoin des ressources au nord, et ont gardé la sécurisation de la frontière avec le voisin russe."

Y-a-t-il d'autres prétendants que les pays limitrophes?

"L'Arctique représente 25-30% des ressources non exploitées dans le monde, pétrole et gaz combinés; comme on est dans une accélération de la croissance mondiale, ce qui fait augmenter la demande en ressources énergétiques et minières. Il y a aussi les routes maritimes: le passage du nord-est pour la Chine et la Russie est une réalité stratégique sur des décennies. On est en pleine "soft construction" de l'Arctique."

Pourquoi ne pas délaisser le Moyen-Orient pour l'Arctique?

"La question est écologique: exploiter du gaz ou du pétrole au Moyen-Orient est moins compliqué que dans l'Arctique, que ce soit pour les états ou les sociétés pétrolières. Ce serait un vrai stress pour la réputation et sur le plan financier; comme avec le cas BP dans le Golfe du Mexique: si une catastrophe similaire se produisait en Arctique, avec les coûts, la valeur de la société chuterait en quelques heures.

De plus, l'Arctique concerne le futur, pas le présent: il faut développer des capacités d'infrastructures, de technologies pour viabiliser les zones où l'on exploite les ressources, il faut stabiliser l'environnement stratégique. Le Moyen-Orient c'est aujourd'hui."

190 pays tentent de tout faire pour sauver la planète du réchauffement. Cela marche-t-il en Arctique?

"Dans l'accord de Cop 21, le mot "Arctique" ne figure pas. On y a parlé de la fonte des glaces, mais peu des questions stratégiques. Il y a deux écoles dans le débat polaire: celle diplomatico-environnementale, et celle prospective; celle prospective voit très bien les avantages que chacun aurait. La Chine compte dessus pour à la fois exporter en Europe et en Amérique."

Quels sont les intérêts français en Arctique?

"La France a 2 types d'intérêts: ses sociétés, il y a plus de 200 entreprises françaises qui travaillent aujourd'hui en Arctique (pétrole, transport, surveillance); ensuite, la France, notamment avec sa marine, a toujours eu un positionnement de protection. Enfin il y a un intérêt scientifique: la France est le premier pays à construire une base scientifique dans les années 60; une expertise technique que beaucoup d'acteurs réclament."

Quels sont les enjeux de renseignement en Arctique?

"C'est le point fort de l'administration Obama. Sur les 16 agences de renseignement que comptent les USA, 13 ont créé un ou plusieurs postes d'analystes pour la zone Arctique: une capacité marine, et une capacité en matière de stations d'écoute, qui se redéveloppent (comme Alert au Canada). Tout cela ré-émerge."

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