Dilma Rousseff, la femme forte du Brésil, quitte son poste

© REUTERS / Ueslei MarcelinoDilma Rousseff
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La présidente brésilienne Dilma Rousseff a été destituée mercredi par le Sénat après avoir dirigé le pays pendant cinq ans.

Dilma Rousseff, 68 ans, ex-guérillera sous la dictature militaire et mère divorcée rescapée d'un cancer, a quitté mercredi le poste de président du Brésil sur décision du Sénat et à l'issue d'un procès marathon au Congrès.

"Je suis une femme dure entourée d'hommes tendres", a un jour déclaré Mme Rousseff. 

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Le Brésil dans l’incertitude après la suspension de Dilma Rousseff
Cette dame, que l'on dit avoir un tempérament bien trempé, est devenue première femme présidente dans un pays où les femmes restent encore très minoritaires dans les postes à responsabilité.

"J'aimerais beaucoup que les pères et les mères regardent aujourd'hui leurs petites filles les yeux dans les yeux et leur disent: oui, la femme le peut!", a déclaré Dilma Rousseff le soir de son élection, le 31 octobre 2011. 

Militante proche des milieux communistes pendant la dictature militaire (1964-1985), elle a été emprisonnée en 1970 et torturée pendant 22 jours par les militaires alors qu'elle n'avait que 23 ans. 

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Sa fermeté et ses principes lui ont permis de survivre aux tortures et de faire une carrière politique. Mais ces mêmes traits de caractère lui ont attiré des ennemis parmi ses adversaires politiques et même parmi ses anciens alliés. Députés, fonctionnaires et chefs syndicaux se sont souvent plaint de l'absence du dialogue avec la présidente du pays. Selon eux, elle a toujours pris des décisions sans écouter personne.

Dilma Rousseff a comparé plus tard les souffrances qu'elle a endurée la procédure de destitution en 2016 aux tortures de 1970 et à sa lutte contre le cancer en 2009.

"J'ai souffert la douleur de la torture, de la maladie, et maintenant je souffre à nouveau de la douleur indicible de l’injustice. Je suis victime d’une farce juridique et politique", a-t-elle déclaré en mai dernier suite à sa suspension par le Sénat.

Mme Rousseff est l'ancienne ministre de l'Énergie et directrice de cabinet de Lula da Silva à qui elle a succédé. C'est lui qui l'a désignée comme sa dauphine en appréciant son tempérament ferme. Elle a remporté deux présidentielles – en 2011 et en 2014.

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En 2011, la situation économique au Brésil était très favorable. Les effets de la crise financière mondiale n'avaient pas l'air de se répercuter sur le développement du pays. Arrivée au pouvoir, la nouvelle présidente a immédiatement été baptisée par les médias la "dame de fer brésilienne".

Toutefois, les premiers signes de la future crise se sont manifestés durant son premier mandat. La croissance économique a ralenti, des membres de son parti ont été impliqués dans des scandales de corruption et des manifestations contre la tenue de la Coupe du monde au Brésil se sont déroulées partout dans le pays.

Mais Mme Rousseff a été réélue à son poste en octobre 2014. Pendant son second mandat, la chute des prix des hydrocarbures a entraîné la diminution des recettes budgétaires destinées à financer différents programmes sociaux. Ces projets sociaux avaient garanti par le passé la popularité des gouvernements de gauche de Luiz Inacio Lula da Silva et de Dilma Rousseff. En octobre 2015, 80,7% des Brésiliens ont qualifié le travail de Mme Rousseff d'insatisfaisant.

Le méga-scandale de corruption autour du géant étatique Petrobras a éclaboussé la coalition au pouvoir. Le nom de Mme Rousseff n'a d'abord pas été évoqué dans le cadre du scandale de Petrobras, mais ses détracteurs affirmaient qu'elle devait être au courant de l'affaire alors qu'elle occupait le poste de ministre de l'Energie.

Une vague de manifestations s'est déclenchée à travers le pays. Les manifestants réclamaient la démission de la présidente et la poursuite de l'enquête sur la corruption. Et c'est ainsi que la procédure de destitution a été déclenchée. On l'accusait aussi d'infractions budgétaires.

Selon elle, son gouvernement "a été la cible d'un sabotage" et la destitution était un "coup d'Etat institutionnel". 

Le vice-président Michel Temer, qui a assumé la présidence suite à la suspension de Mme Rousseff en mai 2016, a cessé de jouer le rôle d'allié de la présidence. Elle l'a qualifié de trahison.

"La plus grande erreur que j'ai commise a été de former une alliance avec un homme qui m'a trahie devant tout le pays et a usurpé le pouvoir", a avoué Mme Rousseff dans une interview.

Lundi, elle a assuré elle-même sa défense face à ses accusateurs, pendant plus de 14 heures, lors de la phase ultime de sa destitution.

"Je n'ai commis aucun crime de responsabilité, je n'ai pas commis les crimes pour lesquels je suis jugée injustement", a déclaré la présidente devant le parlement.

Elle a lutté jusqu'au bout sans lacher prise.

"J'avais peur de la mort, des séquelles de la torture dans mon corps et mon âme (…) mais je n'ai pas cédé. J'ai résisté. Aujourd'hui, je ne crains que la mort de la démocratie", a-t-elle indiqué devant les sénateurs les appelant à voter contre sa destitution et pour la démocratie.

D'ailleurs, la procédure de destitution n'a pas entamé le moral de Dilma Rousseff. Elle a continué de rencontrer ses alliés, les journalistes et à effectuer des promenades à vélo. Les internautes brésiliens plaisantaient: "Le seul succès du second mandat de Rousseff est sa forme physique". 

La présidente a effectivement perdu du poids grâce à un régime et des entraînements spéciaux.

"J'ai fait du vélo et tout a marché", a-t-elle avoué.

Mais ses problèmes politiques se sont avérés être plus complexes…

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