Nos ancêtres reviennent en politique

Nos ancêtres reviennent en politique
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«Vos ancêtres sont Gaulois ! » La formule de Nicolas Sarkozy fait parler d'elle, tout autant que la riposte de Najat Vallaud Belkacem. Depuis 48 heures, les politiques et les médias se sont mis à l'heure gauloise. Notre chroniqueur Edouard Chanot s'amuse de cette polémique, l'interprète… et se permet de corriger nos dirigeants.

C'est la polémique du jour, la querelle de la semaine. Une doxa en affronte une autre, et même si ne nous ne voulons pas nous quereller, nous en raffolons tous… Moi le premier.

Evidemment, je veux parler de Nicolas et de Najat… Nicolas Sarkozy, qui a prononcé en meeting une petite phrase. Peut-être l'avez-vous déjà entendue, mais quand même, réécoutons-la: « Quelle que soit la nationalité de vos parents, jeunes français, au moment où vous devenez français, vos ancêtres sont Gaulois ».

« Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont Gaulois ». Et sur le plateau d'I Télé, Najat Vallaud Belkacem, ministre de l'éducation nationale, lui a répondu indirectement: « Je veux dire depuis la IIIème République, on sait que ça n'est pas un roman qu'on doit raconter aux enfants, c'est l'histoire véridique telle qu'elle est… et l'histoire véridique, je sais pas, faut-il faire un cours d'histoire à Monsieur Sarkozy qui visiblement en a besoin… Oui, il y a parmi nos ancêtres des Gaulois, il y a aussi des Romains, des Normands, des Celtes des Burgondes. Et puis au cas où il l'aurait oublié, avec le temps la France a annexé d'autres territoires, et les Niçois nous ont rejoints, les Corses, les Franc-comtois, la Guadeloupe, la Martinique; et puis après des Arabes, des Italiens, des Espagnols… »
Sans grande surprise, Najat tombe dans le piège de Nicolas Sarkozy. Enfin, elle n'y tombe pas, d'ailleurs, elle y est poussée, contrainte par le journaliste. La nature de notre politique, de son clivage droite-gauche et du rôle des médias contraint Najat à l'antagonisme.

Alors il semblerait qu'elle ait à la fois tort et raison: raison car l'argument de Sarkozy est tiré de la troisième république. L'idée n'est pas neuve, elle a au moins un siècle et demi. Elle peut sembler désuète. Mais Najat a aussi tort parce car cet argument est, tout de même, profondément émancipateur. Il ne s'agit pas d'un argument en faveur d'une pureté ethnique mais au contraire: vous avez bien écouté l'extrait… Sarkozy pense que des étrangers peuvent devenir français, devenir Gaulois — ou plutôt faire leur le récit national — quelle que soit la nationalité de leurs parents.

L'argument est loin, bien loin des thèses de « grand remplacement » promues par la droite la plus radicale. Et c'est là l'une des forces de Sarkozy: faire du hard avec du soft. Et faire croire qu'il est hard pour mobiliser les troupes.

Sarkozy excelle à cela: occuper l'espace médiatique, cliver, à la fois pour pomper l'air et les voix de ses concurrents Républicains mais surtout ceux de son pire rival, Marine Le Pen. Tapez « Marine Le Pen gaulois » sur Google, vous n'aurez RIEN. Marine Le Pen n'a pas réagi, et personne n'a voulu d'ailleurs la faire réagir. Efficace, n'est-ce pas?

Marie Clareville:
Edouard, tu veux nous dire que c'était délibéré…

Edouard Chanot: Mais oui! Sarkozy emploie cette formule en toute connaissance de cause, dans tous ses meetings depuis l'été. Et dans les médias aussi, sur France 2 par exemple. Son intention était claire: provoquer. Provoquer et imposer son argument à la fois plus identitaire et plus assimilationniste. Plus assimilationniste (potentiellement) que celui de la droite nationale; et plus identitaire que le multiculturalisme des progressistes.

Pour ces derniers, comme Najat Vallaud Belkacem, la France doit accueillir et s'adapter aux cultures étrangères et la République doit gérer les relations intercommunautaires. Elle défend donc une position encore plus émancipatrice.
Face à Sarkozy le moderne, Najat la postmoderne.

Nous nous retrouvons donc face à une querelle d'émancipations. Les deux arguments relèvent en fin de compte d'un universalisme, exprimé de deux manières divergentes. Bref…

Pour ce qui est de la question gauloise à proprement parler… nous pourrions évoquer les thèses du démographe Jacques Dupaquier, qui a expliqué que le vieux fond ethnique datant du néolithique est resté stable à peu près jusqu'aux années 60… et que notre pays était une terre d'émigration avant d'être une terre d'immigration, natalité aidant!

Mais passons, et notons plutôt que notre ministre de l'éducation nationale, historienne en chef, voudrait donner des leçons d'histoire… réécoutons-la: « Il y a parmi nos ancêtres des Gaulois, des Romains, des Naormands, des Celtes »
Notre ministre de l'éducation nationale évoque donc un distinguo entre les Gaulois ou les Celtes… alors que c'est en réalité la même chose, puisque c'est Jules César qui a introduit le terme « gaulois »: eh oui, en réalité, nos ancêtres les Gaulois se nommaient eux-mêmes « Celtae »… et il fallut attendre Le Commentaire sur La guerre des Gaules de Julius César, un best-seller publié vers 51 av. JC, pour que le terme s'impose.

Marie Clareville:
Ils sont fous ces Romains!

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