On sait que le parcours d'Arnaud Montebourg suscitait logiquement une certaine sympathie. Il avait repris, à la veille de la primaire de 2011, un certain nombre des thèmes de La Démondialisation (1). Il s'est battu, avec beaucoup de courage et de constance, au sein des divers gouvernements auxquels il a participé de 2012 à 2014. Il s'en est expliqué d'ailleurs, devant une Léa Salamé, visiblement sidérée par son honnêteté politique qu'elle est manifestement incapable de comprendre, en disant qu'il s'agissait de choix politiques, qu'il avait pu d'ailleurs se tromper, mais qu'il considérait qu'il lui fallait aller jusqu'au bout de son combat. Dont acte ; sur ce point il n'y a rien à redire. Mais, Arnaud Montebourg n'a visiblement pas tiré les leçons de la dramatique année 2015. Cela se sent dans son discours sur l'Union européenne, sur les problèmes économiques, et sur la question du terrorisme jihadiste.
Montebourg et les institutions européennes
Si Arnaud Montebourg tire un constat sur l'Union européenne dont beaucoup de points sont partagés, il reste malheureusement dans le vague dès qu'il s'agit des propositions. La formule « casser de la vaisselle à Bruxelles » n'est, hélas, qu'un effet de manche, qui convient certes à l'ancien avocat pénaliste qu'il fut mais qui est indigne du dirigeant politique qu'il aspire à être.
Il aurait pu chercher à renforcer sa position politique en annonçant qu'il organiserait, s'il était élu en 2017, un référendum où il demanderait aux Français d'appuyer sa démarche de révision globale des traités. Il ne l'a pas fait, et cela le condamne à l'impuissance.
La question de l'euro
Certaines des mesures économiques qu'il a présentées sont intéressantes, en particulier celles qui concernent l'investissement et l'enseignement professionnel. Mais, l'essentiel est l'écart de taux de change réel entre la France et l'Allemagne qui aujourd'hui est estimé à 21 % par une étude du FMI (2). C'est cet écart, qui peut d'ailleurs être même plus grand pour d'autres pays, qui explique l'excédent commercial monstrueux de l'Allemagne. Concrètement, cela veut dire que la France doit dévaluer d'au moins 20 % par rapport à l'Allemagne, et ce chiffre est un minimum. On comprend bien que cela n'est pas possible tant que l'on reste dans le cadre de l'euro.
Mais, aujourd'hui, ce que propose Arnaud Montebourg, c'est de faire cette politique sans dissoudre l'euro et donc sans réajustement des parités de change. Disons le tout net, c'est de la folie. Les conséquences du plan de relance envisagé par Arnaud Montebourg se dissiperaient en une demande accrue pour l'Allemagne à la parité de change qui est celle de l'euro. Seule la perspective d'une dissolution de l'euro est susceptible de donner toute sa cohérence à la politique économique défendue par Montebourg et sur ce point le fait de ne pas avoir tiré les leçons des événements des deux dernières années jette plus qu'une ombre sur la cohérence de ses propositions.
Montebourg et la laïcité
Enfin, confronté au maire de Cannes, Arnaud Montebourg n'a pas su trouver les mots convaincants que l'on attendait de lui sur le rapport de la République aux différents courants religieux qui la testent et cherchent à la démanteler. Et ce n'est pas le coup de chapeau tardif à Jean-Pierre Chevènement qui peut ici servir de politique. Il reste englué dans les miasmes d'une politique de compromis qui tourne bien trop souvent à la compromission. L'avocat brillant qu'il fut s'est trouvé pris en défaut et n'a pas su laisser la place à l'homme d'Etat. Il n'est resté que le politicien.
(1) Sapir J., La Démondialisation, Le Seuil, Paris, 2011.
(2) FMI, 2016 external sector report, 27 Juillet 2016, Washington DC.
(3) Sapir J., Les scénarii de dissolution de l'euro, (avec P. Murer et C. Durand) Fondation ResPublica, Paris, septembre 2013.
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