Face à l’hostilité juridique américaine, que faire ?

Face à l’hostilité juridique américaine, que faire ?
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Une mission parlementaire bipartisane, présidée par le Député des républicains Pierre Lellouche remet en cause la suprématie du droit américain. Edouard Chanot revient sur la question : pour notre chroniqueur, il nous faut nous confronter à cette révolution juridique.

L'impérialisme américain est aussi juridique. Laissez-moi vous parler aujourd'hui d'une petite bataille dans la guerre du droit que mènent — que nous mènent — les Etats-Unis.

Le député républicain Pierre Lellouche et la socialiste Karine Berger ont pondu un rapport, dans lequel ils dénoncent l'usage de la règle américaine à l'encontre des entreprises européennes.

Les chiffres avancés donnent le vertige: « Les entreprises européennes ont en quelques années versé aux différentes institutions et administrations américaines 16 milliards de dollars », et cela pour les seules infractions aux embargos décidés par les Etats-Unis.

Exemple: la BNP, qui a été condamnée en juin 2014 à verser 8,9 milliards de dollars par la justice américaine pour avoir « contourné » les règles d'embargo au Soudan et en Iran. Car en effet, ces règles d'embargo s'imposent aux transactions en dollars!

Autre exemple: La Deutsche Bank est aujourd'hui contrainte de négocier pour diminuer les 14 milliards de dollars exigés par le département de la justice américain pour la vente de produits toxiques — oui, vous avez bien entendu: pour la vente de produits créés par le capitalisme de Wall Street.

Je résume: des entreprises qui n'impliquent pas de personnes physiques ou morales américaines sont donc condamnées pour des opérations effectuées hors du territoire américain.

Alors Lellouche et Berger parlent à juste titre de « racket ». A juste titre, car il est difficile de qualifier de manière plus diplomate une telle agressivité juridique. Le juge américain se déclare compétent pour trancher toute activité commerciale désignée par le pouvoir exécutif américain. Le pouvoir judiciaire est devenu une pièce maîtresse du jeu de puissance de Washington.

Nos entreprises sont clairement ciblées: comme le souligne Karine Berger, elles sont « surreprésentées » dans ces poursuites, qui trahissent une « utilisation abusive du droit américain » qui perturberait selon nos parlementaires « les règles de la mondialisation et de la concurrence ».

En réponse, nos députés voudraient (je cite) « un réarmement juridique » européen, et pousser l'Amérique à la clarté « en ce qui concerne les sanctions américaines internationales ». Aussi plaident-ils pour la saisine de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en cas de différend. Et bien sûr, pour la promotion de l'euro plutôt que du dollar dans les transactions internationales.

Naturellement, ces pistes sont aussi justes que nécessaire. Il nous faut en effet nous battre avec les armes qui sont à notre disposition, et notre arsenal est réduit. Car évidemment, après des décennies de naïveté, nous sommes contraints à un rapport du faible au fort… Mais au-delà de la technique, sans doute faudrait-il faire davantage évoluer notre caractère pusillanime, et rompre avec l'idée d'une concurrence pure et parfaite servant une mondialisation heureuse.

Car nous vivons une révolution du droit. Il nous faut aller à l'essence du problème: la Norme n'est plus la loi fixée par le peuple, elle n'est plus le reflet d'une culture particulière, mais la règle qui garantirait l'extension indéfinie du marché et de la croissance, la mise au pas des commerces mondiaux à la Loi américaine.

Ainsi se dévoile un soft power qui, parce qu'il s'attaque aux lois des peuples, flirte avec le hard. Les Etats-Unis avancent leur système normatif qui, naturellement, sert leur propre intérêt, et leur seul intérêt. Sans doute est-ce cette vision — plus polémologique qu'économique — qui devrait déterminer nos prochains mouvements.

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